Intervention de Adrien Quatennens

Séance en hémicycle du mardi 21 novembre 2017 à 15h00
Renforcement du dialogue social — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAdrien Quatennens :

Deuxièmement, vos ordonnances ne permettront pas de créer des emplois, bien au contraire. L'un de vos arguments récurrents consiste à affirmer que faciliter les licenciements, réduire les délais de recours et pouvoir procéder à la fameuse rupture conventionnelle collective constitueraient autant de mesures de nature à rassurer les chefs d'entreprise et à les inciter à embaucher. C'est faux.

Le ministère du travail lui-même dispose d'une étude sur les freins à l'embauche démontrant pour la énième fois que les patrons français ne rêvent pas de licencier plus facilement pour embaucher davantage. C'était faux il y a trente ans, ce n'est pas plus vrai aujourd'hui.

Un autre argument récurrent repose sur la fameuse compétitivité, qui justifie la quête infernale de coûts et de normes toujours plus faibles afin d'être plus compétitifs que le pays voisin. Cette quête est infinie, mortifère et irrationnelle ! Figurez-vous, mes chers collègues, que vous n'êtes pas les seuls à vous engager dans cette course absurde au moins-disant social, les autres pays s'y engagent aussi ! La Roumanie, cette semaine, a procédé à une diminution drastique des cotisations patronales des entreprises afin d'inciter à l'installation. Être plus compétitifs que la Roumanie, est-ce là votre projet politique ? Est-ce là l'horizon que vous proposez aux Français ?

Vos ordonnances ne font pas non plus le pari du dialogue social, madame la ministre. Elles organisent méthodiquement un long monologue patronal. On peut parler de dialogue si deux parties peuvent débattre et trouver un accord, ce qui suppose qu'elles soient placées dans une situation d'équité. Or vous organisez la situation inverse. En fusionnant les instances représentatives du personnel et en réduisant leurs moyens, en écartant les délégués syndicaux des entreprises de moins de 50 salariés, en autorisant l'organisation d'un référendum à la seule initiative de l'employeur dans les entreprises de moins de 20 salariés et en fragilisant la situation de tout salarié en facilitant son licenciement, vous placez les salariés dans une situation nettement plus défavorable que celle qui prévalait auparavant.

Sur des aspects essentiels de leurs conditions de travail, tels que les primes annuelles, l'égalité salariale et tout ce qui était déjà possible depuis la loi El Khomri, vous contraignez les salariés à la discussion sans leur donner les moyens d'y participer véritablement. D'ailleurs, on ne lit absolument rien dans vos ordonnances qui vise à renforcer le poids des salariés sous d'autres aspects de la vie de l'entreprise.

Quitte à faire le pari du dialogue social, vous auriez pu les associer aux décisions stratégiques de l'entreprise, notamment au partage de la plus-value. Mais non, évidemment ! Votre dialogue social est en fait le monologue de l'employeur, qui seul a la parole car il parle le plus fort.

En outre, vous avez souvent affirmé que vos ordonnances procèdent à la simplification du droit du travail, mais c'est tout le contraire, madame la ministre : elles complexifient à peu près tout ! Alors même que notre pays avait auparavant la chance de disposer d'un code du travail pour tous et de conventions collectives adaptées à chaque secteur, vos ordonnances permettent à chaque entreprise d'édicter ses propres règles – et dans quelles conditions ! Pensez-vous vraiment qu'un référendum dans une boulangerie soit plus propice à la définition de règles que le débat démocratique national ?

Alors même que la République produisait le droit, vous transformez celui-ci en un agrégat de petites structures ayant chacune ses règles : ici le treizième mois, là pas la moindre prime ; ici le travail de nuit payé double, là pas davantage que le travail de jour. L'effet de la concurrence sur ces règles sera catastrophique, car vos ordonnances contraindront l'entreprise la plus vertueuse à s'aligner sur l'entreprise la moins coûteuse !

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