Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Séance en hémicycle du mercredi 9 décembre 2020 à 15h00
Parquet européen et justice pénale spécialisée — Après l'article 15

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

En raison de la récurrence des assassinats et des règlements de comptes en Corse, dans la région marseillaise, en Île-de-France, sur la Côte d'Azur et ailleurs – phénomène qui ne cesse de gangrener les sociétés – , plusieurs associations ont élevé la voix pour réclamer que la France s'inspire de l'exemple italien et instaure un délit d'association mafieuse. Elles appuient leur demande sur le faible taux d'élucidation de ces homicides – hors simples mises en examen – , qui est souvent dénoncé par ailleurs.

Deux thèses s'affrontent sur cette question. Selon la première, l'arsenal législatif français comporte déjà tous les outils juridiques nécessaires à la poursuite des bandes criminelles. Ces outils correspondent, dans l'ensemble, aux dispositions relatives au délit d'association de type mafieux créé en 1982 en Italie. Le code pénal français apparaît en effet bien fourni, puisque les notions d'association de malfaiteurs et de bande organisée, d'ailleurs particulièrement exorbitantes du droit pénal classique, permettent notamment de poursuivre les individus pour actes préparatoires en vue de commettre un crime.

Les tenants de la deuxième thèse considèrent, à l'inverse, que ces dispositions restent trop éparpillées et mal utilisées, et qu'il est nécessaire de désigner clairement ce qu'on appelle « la mafia » en France pour mieux la combattre, pour mettre fin à l'impunité des donneurs d'ordre et pour confisquer les biens des complices. Ce constat s'appuie sur le manque cruel de statistiques en la matière, et peut-être aussi sur un manque d'intérêt à l'échelle nationale – indifférence qui pourrait renvoyer à un imaginaire collectif dans lequel les phénomènes de mafia ou de type mafieux se limiteraient à la Sicile et à l'Italie du Sud.

Il ne s'agit pas, par cet amendement d'appel, de lancer un débat clivant, mais de trouver un chemin pour répondre à la situation actuelle. Au vu de la gravité des faits, des répercussions de tels agissements, du pourrissement des sociétés qu'ils entraînent et de leur caractère très déstabilisant pour l'économie ainsi que pour le lien social et culturel au sein des territoires concernés, il nous semble nécessaire que les autorités contrôlant le fonctionnement des juridictions et des services de police et de justice en France se penchent véritablement sur la question. Il ne s'agit évidemment pas d'alimenter une vague de répression aveugle comme nous en avons malheureusement déjà connu, mais de poser le débat et de définir une méthode.

C'est pourquoi, à défaut de pouvoir traiter plus avant de cette question dans le cadre du présent projet de loi, nous demandons un rapport sur l'efficacité de la lutte contre la criminalité organisée. Il était en tout cas important de prendre date aujourd'hui.

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