Intervention de Aina Kuric

Séance en hémicycle du jeudi 10 décembre 2020 à 9h00
Accord de coopération avec les États membres de l'union monétaire ouest-africaine — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAina Kuric :

Lors de son déplacement au Burkina Faso, le 28 novembre 2017, le Président de la République avait indiqué que le franc CFA était un non-sujet pour la France. En effet, si cette monnaie est issue de l'histoire commune qui lie notre pays à plusieurs États africains, elle est depuis les indépendances l'un des attributs de la souveraineté de ces États.

Or au cours de l'année 2019, les débats se sont faits insistants, principalement en Afrique de l'Ouest. Les autorités de l'Union économique et monétaire ouest-africaine ont fait part de leur souhait de voir évoluer le fonctionnement de leur coopération monétaire avec la France. L'objectif était de parvenir à un ensemble de réformes modernisant l'UEMOA, mais aussi facilitant son extension progressive à d'autres pays de la CEDEAO.

La France a naturellement répondu favorablement au souhait de réforme de ce qui est perçu comme un dernier vestige de la période coloniale et de la Françafrique. Les discussions qu'elle a menées avec ses partenaires africains ont abouti à une proposition commune de réforme des instances et du fonctionnement de la zone franc en UMOA. Cette réforme est formalisée dans l'accord signé le 21 décembre 2019 à Abidjan entre le Gouvernement de la République française et les gouvernements des États membres de l'UMOA, qui nous est soumis pour examen.

Outre un simple changement de nom, de franc CFA en eco, l'accord marque aussi l'arrêt de la centralisation de 50 % des réserves des pays concernés auprès du Trésor français ; il prévoit enfin le retrait de la France des instances de gouvernance dans lesquelles elle était présente.

La transformation du franc CFA devrait faciliter la mise en place d'une monnaie commune, incluant d'autres pays de la CEDEAO, dont le Nigeria et le Ghana, afin de renforcer l'intégration économique de la région. Si les objectifs sont connus et partagés par le plus grand nombre en Afrique de l'Ouest, la méthode et le calendrier pour y parvenir sont essentiels et restent à ce jour les grandes inconnues.

Ainsi, il importe de construire une véritable méthode privilégiant le débat public, en impliquant autant que possible les intellectuels, les opérateurs économiques et surtout les élus de chacun des pays concernés. Cette réforme historique ne peut faire l'impasse sur la consultation des premiers concernés : les populations africaines. En effet, l'effet du contexte de création des francs CFA sur les imaginaires collectifs perdure et affecte fortement la manière de percevoir la coopération monétaire avec la France. Il nous conduit à manier ces sujets avec la plus grande rigueur pour éviter le double reproche d'abandon ou au contraire d'ingérence.

Pour s'inscrire dès à présent dans l'esprit de la réforme, qui entrera formellement en vigueur lorsque les accords seront ratifiés par les pays signataires et que les textes d'application seront signés, des ajustements à la situation existante sont prévus. Ainsi, depuis le mois d'avril, la BCEAO a commencé à transmettre des informations prévues par l'accord ; les représentants de la France devaient s'abstenir de siéger aux instances de gouvernance technique auxquelles ils demeuraient convoqués.

Cette réforme majeure du quinquennat, au plan international, concerne le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo, mais elle exclut, pour le moment, les six pays d'Afrique centrale : Cameroun, Gabon, Guinée équatoriale, République Centrafricaine, République du Congo et Tchad, membres de la CEMAC – Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale – , qui utilisent également le franc CFA, mais forment une zone monétaire distincte. Par ailleurs, son annonce a provoqué à de nombreuses reprises l'ire du conseil des ministres de la zone monétaire d'Afrique de l'Ouest, qui a relevé qu'elle n'était pas conforme au schéma initial des déclarations d'Abidjan. Il convient là aussi de lever les derniers doutes.

Le groupe Agir ensemble souhaite faire de la rénovation des relations de la France avec nos partenaires de l'Afrique de l'Ouest une pierre angulaire de la stratégie internationale de notre pays ; aussi, il votera en faveur de la ratification de l'accord de coopération.

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