Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Séance en hémicycle du jeudi 10 décembre 2020 à 9h00
Accord de coopération avec les États membres de l'union monétaire ouest-africaine — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

L'accord dont nous sommes saisis vise à réformer le fonctionnement de la zone franc de l'Union monétaire ouest-africaine, ainsi qu'à répondre aux critiques adressées au franc CFA, accusé notamment d'être le symbole de la résurgence de la domination française en Afrique.

L'objectif est d'appliquer un ensemble de réformes modernisant l'UMOA, et de faciliter leur extension progressive à d'autres pays de la CEDEAO. Les développements intervenus au sein de cette dernière montrent en effet une volonté politique de poursuivre le processus de création d'une monnaie unique au sein de la région. C'est néanmoins à la surprise générale des élus, des opérateurs, des banques centrales et des populations elles-mêmes que les présidents Emmanuel Macron et Alassane Ouattara ont annoncé, en décembre 2019, ce changement de monnaie, dont on ne sait toujours pas quand il sera effectif.

Les discussions ont abouti à une proposition commune de réforme des instances et du fonctionnement de la zone franc en UMOA, selon quatre axes. Le premier concerne le changement de nom de la devise : en décembre, les autorités de l'UEMOA ont indiqué leur souhait de passer du franc CFA à l'eco, car le premier était jugé trop lié à sa signification historique de franc des colonies d'Afrique. Ainsi, l'appellation franc CFA, désignant actuellement la communauté financière d'Afrique, disparaît. Vient ensuite la fin de l'obligation de dépôt auprès du Trésor français de la moitié des réserves de change de la Banque centrale des États d'Afrique de l'Ouest ; la BCEAO sera libre de placer ses réserves de change où elle le souhaitera. Le troisième axe concerne le retrait de la France des principales instances de décision de la zone, et le quatrième, l'instauration concomitante de mécanismes de dialogue et de surveillance des risques ad hoc.

À court terme, le passage du franc CFA à l'eco ne devrait pas avoir de conséquences majeures sur la stabilité monétaire de l'UMOA. En effet, sa parité fixe avec l'euro ainsi que sa convertibilité seront toujours assurées par la Banque de France. On retrouvera donc avec l'eco les mêmes avantages et inconvénients qu'avec le franc CFA, et c'est là que le bât blesse, malgré l'avancée timide que constitue cet accord.

Comme le notait mon collègue Jean-Michel Clément en commission, « la dimension politique de la question monétaire n'a pas été prise en compte » et « les parlementaires ne se sont pas saisis de cette réforme monétaire, laissant éventuellement les responsabilités à d'autres. D'une certaine façon, on n'a encore rien réglé dans cette histoire. » Et c'est bien ce qui ressort de vos travaux, monsieur le rapporteur Jean-François Mbaye.

Il est vrai que la parité fixe avec l'euro assure un faible risque de crise de change et une inflation modérée. En effet, l'UMOA continuera de jouir des avantages de l'association avec une monnaie forte, l'euro, qui rend ses importations relativement moins coûteuses. Néanmoins, ce système prive les pays de l'UMOA de leur souveraineté monétaire, et en particulier de l'instrument que peut constituer la dévaluation compétitive. Arrimés à l'euro, ils n'ont plus la possibilité d'abaisser la valeur externe de leur monnaie afin de stimuler les exportations et décourager les importations, et ainsi de conforter la production locale.

Avec cet accord, les gagnants seront encore les multinationales, bien présentes, qui pillent les richesses, surtout naturelles.

Les économistes avancent par ailleurs qu'à long terme, cette réforme du franc CFA pourrait retarder la mise en oeuvre du projet d'intégration monétaire des quinze pays de la CEDEAO.

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