Intervention de Erwan Balanant

Séance en hémicycle du jeudi 10 décembre 2020 à 15h00
Justice pénale des mineurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaErwan Balanant :

« Devant l'enfant, la décision judiciaire n'est valable que si elle exprime un acte de solidarité et d'amitié. » Ces mots de Jean Chazal, extraits de L'Enfance délinquante, reflètent largement l'esprit de l'ordonnance du 11 septembre 2019 soumise à la ratification de notre assemblée. Alors que nous abordons l'examen de ce texte en séance publique, le groupe Dem se situe dans une démarche de mesure et de responsabilité face aux enjeux de la justice pénale des mineurs.

Derrière les jeunes délinquants, il y a des parcours de vie d'enfants malmenés, cabossés, en déshérence, mais il y a aussi des victimes touchées de plein fouet par la détresse et la violence de certains de ces mineurs, des victimes qui ne comprennent pas et qui ont besoin de tourner rapidement la page pour se reconstruire et avancer. Nous ne devons laisser ni les uns ni les autres dans l'incertitude face à leur avenir, pas plus, au-delà d'eux, que la société tout entière.

Monsieur le garde des sceaux, vous l'avez dit en commission des lois, « une sanction sans éducation est une machine à récidive ». Je veux ajouter qu'une condamnation pénale sans réparation civile à la hauteur de la souffrance des victimes est une machine à désespoir, une machine à faire perdre confiance dans l'institution de la justice. Nous devons donc placer le curseur de la justice pénale des mineurs au bon endroit, en trouvant le juste équilibre entre la prévention, la sanction parfois, l'éducation toujours, la réparation et la réinsertion.

De notre travail législatif découleront un nouveau regard et une nouvelle action de la justice pour des générations de mineurs. C'est pourquoi le groupe Dem salue le travail riche et dense effectué en amont de la publication de l'ordonnance. Elle s'inscrit dans le prolongement de plusieurs rapports, comme celui de la commission Varinard de 2008 – vous l'avez cité, monsieur le garde des sceaux – ou celui de la mission d'information conduite par nos collègues Jean Terlier et Cécile Untermaier début 2019, dont je salue le travail remarquable et les conclusions, aussi formelles que remarquables.

Les principes cardinaux de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ont été remis en question. Leur lettre a ainsi évolué au fil des trente-neuf modifications du texte depuis 1945, qui se traduisent par une tendance au durcissement de notre politique pénale à l'égard des mineurs. La pratique judiciaire a également évolué, certains de ces principes se révélant largement inadaptés à l'évolution de la délinquance juvénile.

Face à une justice pénale des mineurs devenue complexe et illisible, l'ordonnance du 11 septembre 2019 représente indéniablement une modernisation substantielle du droit pénal des mineurs.

Nous saluons en particulier le raccourcissement de la durée moyenne de traitement des affaires, qui sera ramenée de dix-huit mois à un an. Un jugement sur la culpabilité sera rendu dans un délai maximal de trois mois. Cette audience permettra aux mineurs de bénéficier d'une mesure éducative sans décalage temporel entre la commission de l'infraction et la réponse apportée ; c'est primordial pour que le mineur prenne conscience de la gravité des faits qui lui sont reprochés et, dans de nombreux cas, pour qu'il renonce à tout passage à l'acte – car nous espérons évidemment que sa vie reprendra un cours normal. La réponse accélérée donnée au terme de cette audience bénéficiera également aux victimes, qui pourront être indemnisées plus rapidement.

L'établissement d'une présomption de discernement à l'âge de 13 ans vise à améliorer la protection octroyée aux enfants, cela n'a pas été assez dit par les opposants au texte. Monsieur le garde des sceaux, nous vous rejoignons pleinement sur l'opportunité de créer cette présomption et de lui conférer un caractère simple, l'appréciation casuistique in specie devant prévaloir en toute situation. Cependant, la présomption contraire, celle de non-discernement avant l'âge de 13 ans, nous semble également primordiale. Notre groupe suggérait en commission qu'elle soit rendue irréfragable afin qu'aucun enfant en bas âge ne puisse voir sa responsabilité pénale engagée.

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