Intervention de Dimitri Houbron

Séance en hémicycle du jeudi 10 décembre 2020 à 15h00
Justice pénale des mineurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDimitri Houbron :

Je tiens d'abord à remercier nos collègues Jean Terlier et Cécile Untermaier pour leur excellent travail, accompli il y a déjà plus d'un an et déjà salué en commission des lois. Leur rapport d'information a permis de disposer d'un état des lieux précis et clair de la justice pénale des mineurs et de ses besoins.

Au-delà des moyens financiers, nous examinons là un projet de loi important, tendant à codifier la justice pénale des mineurs, qui répond aux attentes de la société et des acteurs de terrain. Paul Auster a écrit : « Négliger les enfants, c'est nous détruire nous-mêmes. Nous n'existons dans le présent que dans la mesure où nous mettons notre foi dans le futur. » L'avenir du pays réside dans notre capacité à nous occuper de la jeunesse, plus particulièrement lorsqu'elle se trompe de chemin.

Usée et incapable d'apporter une réponse judiciaire cohérente dans un délai raisonnable, l'ordonnance du 2 février 1945 a fait son temps. Le groupe Agir ensemble souhaite profiter de la discussion générale pour briser les critiques formulées à l'encontre de cette réforme de l'ordonnance de 1945, au prétexte qu'elle se concentrerait uniquement sur la dimension répressive. La lecture des dispositifs démontre aisément, au contraire, que l'option éducative a été placée en priorité.

Tout d'abord, rappelons que des éléments fondamentaux de l'ordonnance de 1945 ne seront en aucun cas remis en cause : la majorité pénale à 18 ans ; le principe de l'atténuation de responsabilité ; la spécialisation de la justice des mineurs, qui permet au juge des enfants de conserver sa double compétence d'assistance éducative et de jugement des mineurs délinquants ; la priorité donnée à l'action et aux réponses éducatives, matérialisée par le fait qu'une peine n'est prononcée que par exception, si la mesure éducative se révèle insuffisante. Ces fondamentaux prouvent indéniablement que le volet éducatif n'est en rien ébréché par la réforme.

Ensuite, soulignons que le code de la justice pénale des mineurs ajoute une batterie de mesures tournées vers l'éducation. Par exemple, en lieu et place de la multiplicité des dispositifs créés au gré des réformes successives de l'ordonnance de 1945, une mesure éducative judiciaire unique est mise en place. Décomposée en modules, elle permettra d'encadrer les modalités du travail éducatif : l'insertion avec la scolarisation ; le placement, que ce soit en foyer, en famille d'accueil ou en internat scolaire ; la santé ; la réparation de l'infraction commise. La force du texte est qu'il propose un jugement adapté quant à la sanction : celle-ci est décidée en fonction de la personnalité du mineur, de son évolution et de la réitération des infractions. Concrètement, le jugement peut constater l'insertion du mineur par une déclaration de réussite éducative.

La nouvelle architecture de la procédure pénale applicable aux mineurs améliore considérablement le traitement réservé à la victime. En effet, dès l'audience d'examen de la culpabilité, la victime sera entendue et il sera statué sur sa constitution de partie civile ainsi que sur son préjudice. La victime pourra donc voir sa demande d'indemnisation tranchée dans un délai de trois mois suivant la saisine de la juridiction, contre dix-huit mois en moyenne actuellement.

Le sujet de la présomption simple d'irresponsabilité des mineurs de moins de 13 ans suscite des débats dans notre institution et notre société. On peut tout à la fois imputer une infraction à l'enfant et le déclarer irresponsable pénalement. Derrière cette apparente contradiction, il y a une définition rigoureuse et philosophiquement moderne de l'enfance : elle désigne le temps où l'individu apprend à devenir autonome et accède à la responsabilité. Ce temps doit être protégé, notamment en cas d'accident de parcours. Pour le dire simplement, rien de ce qui est fait dans ce laps de temps ne doit être totalement irrémédiable ; la délinquance juvénile est curable, et il convient de laisser ouverte la porte d'une nouvelle chance à la perfectibilité en herbe.

Enfin, la commission des lois a procédé à plusieurs ajustements, toujours dans le sens d'une meilleure protection des droits des mineurs délinquants, mais également de la société. Nous pensons notamment au fait de rendre obligatoire le prononcé d'une mesure éducative judiciaire provisoire dès le placement du mineur en détention provisoire et non pas seulement lors de sa libération. Cela garantira que le travail éducatif démarre le plus en amont possible, dès le placement en détention provisoire du mineur. Ce dernier se verra assurer une sortie de détention non pas sèche, mais accompagnée, en s'appuyant sur un projet de sortie auquel il aura été étroitement associé. Nous pensons aussi au fait de rendre obligatoire l'assistance du mineur par un avocat, y compris en audition libre, afin de garantir l'intérêt supérieur de l'enfant.

Le groupe Agir ensemble, vous le savez, est singulièrement attaché à la recherche de mesures permettant de recentrer les tribunaux sur leur coeur de mission et d'améliorer la réponse pénale. À cet égard, nous ne pouvons que saluer, d'une part, que le juge des enfants puisse prononcer des peines à portée éducative sans qu'il soit nécessaire de réunir le tribunal pour enfants, et, d'autre part, que la sanction intervienne en douze mois maximum – trois mois pour le jugement sur la culpabilité et neuf mois maximum de mise à l'épreuve éducative. Actuellement, les procédures en la matière durent en moyenne près de dix-huit mois, ce qui est beaucoup trop long.

Le projet de loi prévoit l'instauration d'une nouvelle procédure en deux temps : la reconnaissance de culpabilité du jeune, qui doit intervenir dans les semaines qui suivent l'infraction ; le prononcé de la sanction, qui peut être différé dans le temps. La déclaration de culpabilité par un juge interviendra ainsi dans un temps beaucoup plus proche du moment de l'infraction ; le mineur, encadré par des éducateurs, sera ensuite mis à l'épreuve quelques mois, et c'est seulement à l'issue de cette période que le juge prononcera la peine, en tenant compte de son comportement.

Dans la continuité de ce que nous avions défendu lors d'une de nos niches parlementaires, nous approuvons tout particulièrement l'article L. 13-4 du code de la justice pénale des mineurs, en vertu duquel, conformément à l'article 10-1 du code de procédure pénale, la victime et l'auteur de l'infraction pourront recourir à la justice restaurative à l'occasion de toute procédure concernant un mineur.

Pour conclure, il est illusoire de penser que la justice – qui découvre souvent les jeunes délinquants à l'âge de 14 ou 15 ans – pourra résoudre les problèmes sans l'appui des parents, des écoles, des entreprises, des centres de formation voire de l'armée. C'est toute la société qui doit se mobiliser sur le sujet sans céder aux passions. Un mineur délinquant est avant tout un mineur en détresse ; si la société n'a pas à payer le prix de cette détresse, il faut néanmoins tout mettre en oeuvre pour donner à ces jeunes de plus belles perspectives que les prétoires. En conséquence, le groupe Agir ensemble votera bien évidemment en faveur du projet de loi.

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