Intervention de Ludovic Mendes

Séance en hémicycle du jeudi 17 décembre 2020 à 9h00
Prorogation de mesures du code de la sécurité intérieure — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLudovic Mendes :

La loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite « SILT », a permis une sortie maîtrisée du régime de l'état d'urgence mis en place après les attentats du 13 novembre 2015 à Paris. Cette sortie progressive s'est faite grâce à différents outils qui, depuis lors, ont fait leur preuve, empêchant plusieurs actions terroristes. Ces outils garantissent la connaissance et la surveillance des individus potentiellement radicalisés. Ils assurent une meilleure prévention des risques terroristes et une meilleure protection des Français face à la menace.

La loi SILT a également permis la prorogation d'une technique de renseignement par traitements automatisés mise en place par la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement. Ainsi, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, sur décision du Premier ministre, les opérateurs de communications électroniques et les fournisseurs de services sur internet peuvent désormais se voir dans l'obligation d'utiliser, sur leurs réseaux, des traitements automatisés destinés à détecter des connexions susceptibles de révéler une menace terroriste.

En 2017, lorsque la loi a été votée, étant donné le caractère novateur des mesures qu'elle contenait, l'accroissement des pouvoirs de police qu'elle prévoyait et les restrictions en matière de liberté qu'elle apportait pour pouvoir garantir la sécurité de chacun, nous avons souhaité limiter l'application de différents dispositifs au 31 décembre 2020, date avant laquelle nous avions prévu de réévaluer les dispositifs. Malheureusement, les crises sanitaires et sociales que nous vivons obligent le Parlement à réagir beaucoup plus rapidement. Désormais, la date du 31 juillet semble la plus opportune, en espérant qu'aucune autre crise sanitaire majeure ne se déclare entre-temps.

En outre, le Gouvernement s'est engagé à déposer un texte d'ici l'été, afin d'inscrire dans le droit commun les dispositifs concernés, qui viendront parfaire l'arsenal juridique, punitif, de renseignement et de surveillance déjà mis en place.

Par ailleurs, l'intervention très récente d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne portant sur le régime de conservation des données par les opérateurs a conduit le Gouvernement à revoir le calendrier envisagé à l'Assemblée nationale, afin d'examiner les conséquences qu'il conviendrait d'en tirer dans la loi.

Il est regrettable que nous n'ayons pas pu trouver un accord avec le Sénat – la procédure législative est plus rapide qu'auparavant – , mais notre objectif est bien de réaliser la prorogation prévue par ce projet de loi.

La réévaluation de ces mesures est plus que jamais d'actualité car elles restent éminemment nécessaires. Les récents attentats de Conflans-Sainte-Honorine et de Nice nous rappellent que la menace terroriste est très élevée en France. La crise sanitaire, sur laquelle se sont concentrés les esprits et le travail des parlementaires depuis le début de l'année, ne doit pas nous faire oublier ou négliger le risque majeur que représente le terrorisme pour notre nation.

Les différents rapports d'application de la loi présentés au Parlement ont témoigné du grand intérêt des quatre mesures concernées ; ils ont souligné en particulier leur utilisation raisonnée, la qualité juridique des décisions prises et leur apport opérationnel.

Concernant la technique de renseignement par traitements automatisés, les corapporteurs de la mission d'information sur l'évaluation de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement, Loïc Kervran et Jean-Michel Mis, ont souligné, dans leur rapport publié en juin 2020, « des résultats intéressants » et « très prometteurs ». Ils ont ainsi jugé « nécessaire de proroger la technique de l'algorithme ».

Pendant que certains tentent de revêtir la redingote présidentielle, je tiens au passage à faire remarquer que la majorité parlementaire a proposé des textes complémentaires pour lutter contre la radicalisation et le terrorisme. C'est tout l'enjeu de la proposition de loi de ma collègue Laetitia Avia visant à lutter contre la haine sur internet. Il n'est plus à démontrer que les discours haineux exprimés sur les réseaux sociaux amplifient notamment l'influence des islamistes et peuvent déclencher un passage à l'acte terroriste chez des personnes radicalisées. Or la crise sanitaire et l'usage intensifié des réseaux sociaux ont entraîné une explosion de ces contenus haineux.

De même, la proposition de loi déposée par la présidente Yaël Braun-Pivet et Raphaël Gauvain avait pour but d'instaurer des mesures de sûreté à l'encontre des personnes condamnées pour des infractions terroristes à l'issue de leur peine. Le Conseil constitutionnel a certes limité ces dispositifs mais il ne les a pas censurés sur le fond puisqu'il n'a pas remis en cause le rôle du législateur pour « prévenir la commission d'actes troublant gravement l'ordre public ». La majorité ne renoncera jamais à apporter des solutions efficaces. Ces décisions du Conseil constitutionnel doivent pouvoir servir de feuille de route pour améliorer des dispositifs que nous savions inédits et donc perfectibles.

En février dernier, le Président de la République a signé une ordonnance visant à lutter contre le financement des activités terroristes, comprenant l'obligation, pour de nombreuses professions, de déclarer à TRACFIN – traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins les opérations qui leur semblent litigieuses.

C'est pour continuer dans ce sens et pour conserver notre vigilance face à la menace terroriste qu'il est nécessaire de voter la prorogation de ces mesures législatives. Il est primordial que nous disposions de toutes les capacités nécessaires pour continuer à protéger les Français contre ce danger encore beaucoup trop présent dans notre pays.

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