Intervention de Marguerite Deprez-Audebert

Séance en hémicycle du mercredi 13 janvier 2021 à 15h00
Délais de paiement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarguerite Deprez-Audebert :

Bien que nous puissions en comprendre les motivations, il s'agit toutefois d'attitudes dangereuses qui fragilisent tout le tissu économique. Permettez-moi d'ailleurs de saluer le rôle des quatre-vingts médiateurs, dont de nombreux bénévoles, qui ont répondu aux très nombreuses sollicitations des petites et moyennes entreprises en difficulté. Ils ont procédé à plus de 5 000 interventions en 2020, contre 500 en 2019.

En raison de la détérioration de la trésorerie des entreprises due à la crise et du blocage délibéré des factures par les grandes entreprises, les retards de paiement en France ont augmenté, pour atteindre treize jours, avec un record de dix-huit jours en moyenne pour les PME et TPE, soit seize jours de plus que l'année précédente, alors que ces entreprises sont évidemment les plus fragiles, de par leur taille et la faiblesse de leur capitalisation.

L'ensemble du système des flux entre les entreprises s'est ainsi ralenti. Tout comportement de paiement non exemplaire a des conséquences en chaîne que l'on connaît : le ruissellement effréné, jusqu'au tarissement.

L'enjeu principal est donc la confiance. À l'instar de la précédente crise financière, lors de laquelle les banques refusaient de se prêter entre elles par crainte de ne pas être remboursées, les entreprises utilisent désormais leurs paiements pour se constituer une réserve destinée à pallier leur absence de confiance en l'avenir.

Au nom de mon groupe, j'appelle l'État à incarner un rôle de créateur de confiance. D'ailleurs, le Gouvernement a d'ores et déjà engagé plusieurs actions.

Je pense par exemple à la création d'un système de notation des délais de paiement des entreprises, calqué sur le modèle des agences de notation financière.

Rappelons également les dispositions votées dans les dernières lois de finances.

D'une part, les entreprises ont été obligées à dématérialiser l'ensemble de leurs factures à l'horizon 2025. Il devrait en résulter un gain de temps de traitement, donc mécaniquement un paiement plus rapide.

D'autre part, l'État a été autorisé à octroyer sa garantie à des créances professionnelles et donc à créer un soutien à la trésorerie immédiate. Le versement de trésorerie à une entreprise sera ainsi anticipé, avant même l'émission de la facture. Cette mesure a elle aussi pour objectif de renforcer la confiance entre entreprises et de soutenir la reprise, pour un coût relativement faible pour l'État.

Signalons enfin la généralisation de l'outil Chorus Pro, destiné à dynamiser le traitement des factures, depuis le 1er janvier. Il s'agit là d'une heureuse initiative instaurant un point d'entrée unique et gratuit de réception et de transmission des factures.

Espérons que, grâce à ces initiatives, nous ne serons pas contraints à déplafonner le montant des amendes en cas de récidive, comme le propose la CPME – Confédération des petites et moyennes entreprises.

Rappelons également que la commande publique joue un rôle important dans cette période critique. La réduction des délais de paiement de l'État a été définie très tôt comme une priorité, ce qui a résulté en une baisse du délai de paiement de quarante-cinq à dix-neuf jours pour l'ensemble de la commande publique, preuve s'il en est que les actions menées et la volonté politique dont elles découlent sont efficaces.

Les services de paiement des factures ont également été réorganisés en centres uniques de traitement et de paiement des factures, placés auprès du comptable public. Nommés SFACT – service facturier – , ils oeuvrent désormais pour les administrations centrales et déconcentrées.

Enfin, face aux tensions de trésorerie récemment aggravées par la crise, mon groupe, sur la proposition de son président, Patrick Mignola, a suscité l'inscription du principe de l'affacturage inversé dans la loi PACTE – relative à la croissance et la transformation des entreprises. Ce nouvel outil permet de corriger les défauts de l'affacturage classique, dont les PME critiquaient les difficultés de gestion et le rôle dans la diminution de leurs marges.

À la différence de l'affacturage classique, l'affacturage inversé est mis en place par le client et non par le fournisseur. Il responsabilise ainsi davantage les donneurs d'ordres, en leur confiant la décision de donner l'ordre à un tiers de payer son prestataire au plus vite et à sa place. La commission est alors partagée, ce qui est plus équitable.

L'affacturage inversé complétera ainsi utilement la palette d'outil actuelle, dont le fonctionnement a d'abord été pensé pour aider les acheteurs publics. Ceux-ci donnant l'exemple, le dispositif pourra ensuite bénéficier d'une promotion indirecte auprès des acheteurs privés.

Côté public, nombreuses sont les collectivités qui ont fait des efforts et qui n'auront pas besoin d'y recourir. Par exemple, la région des Hauts-de-France règle désormais ses fournisseurs à trente jours. Mais toutes n'ont pas la même volonté ou les mêmes moyens.

Côté privé, pratiqué par gros acheteurs – je pense entre autres au secteur de la grande distribution – , l'affacturage inversé pourra être un excellent outil de sortie de crise, car gagnant-gagnant pour la relance de notre économie.

Signalons qu'un club d'entreprises labellisées adeptes de ce moyen de paiement est en cours de constitution. Cet affacturage inversé de type collaboratif, concrétisé récemment par le Gouvernement, réduira les délais de paiement, actuellement à l'origine de 25 % des défaillances d'entreprise. Il représentera un levier potentiel de 12 milliards à 14 milliards d'euros.

Cet outil de confiance destiné à répondre aux besoins grandissants de trésorerie des TPE-PME, tout comme les autres mesures adoptées par le Gouvernement, sera particulièrement utile à ces entreprises dans la crise actuelle.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.