Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du mercredi 13 janvier 2021 à 15h00
Situation dans les ehpad

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

Dès l'apparition du virus de la covid-19 en France, les établissements pour personnes âgées ont malheureusement constitué des lieux propices à sa propagation, et des résidents de ces établissements ont été les premières victimes de l'épidémie du fait de l'état de santé très fragile d'un grand nombre d'entre eux. Comme le rapporte la commission d'enquête parlementaire sur la gestion de la crise sanitaire, ces résidents ont payé un très lourd tribut à la crise, en dépit de l'engagement et du dévouement des équipes soignantes et médico-sociales qui se sont dépensées sans compter. Nous leur adressons nos remerciements et leur faisons part de notre reconnaissance.

Entre mars et novembre 2020, plus de 96 000 cas de covid-19 ont été recensés en EHPAD, et la moitié des décès intervenus en France étaient des résidents d'EHPAD. Les personnels de ces établissements n'ont pas été épargnés, puisqu'on comptait plus de 47 000 cas parmi eux à la fin de l'année – depuis, les chiffres ont malheureusement continué à augmenter.

Si nous mesurons aujourd'hui toute la gravité de cette situation, nous ne devons pas oublier qu'aux premiers jours de la crise, nous ne disposions d'aucun chiffre pour corroborer ce que nous pressentions tous. Une meilleure organisation dans la remontée des informations aurait-elle pu permettre une prise de conscience plus rapide de ce qui se passait à l'époque ? Il est permis de se poser la question. En revanche, le retard dans l'approvisionnement en équipements de protection et en matériels de dépistage est une réalité. La pénurie n'a pas permis de garantir la sécurité des résidents et des personnels de manière satisfaisante, alors même que les établissements pour personnes âgées auraient dû faire partie des priorités dès le début de la pandémie.

Les représentants des directeurs d'établissements qui ont été auditionnés par la commission d'enquête ont décrit une période de flottement, avec une réponse apportée aux EHPAD très clairement décalée dans le temps par rapport à la priorité accordée à l'appareil hospitalier et à l'appareil sanitaire. La reconnaissance du caractère prioritaire des personnels et des résidents des établissements pour l'accès aux tests n'est intervenue que le 9 avril. Pourtant, un dépistage systématique aurait pu permettre d'adapter la stratégie de confinement afin de ne pas avoir à isoler ceux qui n'avaient pas besoin de l'être. En effet, si les deux périodes de confinement que nous avons vécues en 2020 ont été une épreuve pour toute la population, nous savons que, pour les résidents des EHPAD, cet isolement a été plus douloureux encore.

Le confinement des établissements et l'isolement en chambre ont été très difficiles à instaurer pour des raisons pratiques tenant à l'architecture des bâtiments, mais surtout pour des raisons éthiques, en particulier pour les résidents souffrant de maladies neurodégénératives, qui ne comprenaient pas ces mesures. Le sentiment d'isolement a été renforcé par l'interdiction brutale des visites extérieures, ainsi que par l'arrêt des activités collectives. D'une manière générale, tous les éléments essentiels à la stimulation physique et psychique des résidents ont été interrompus.

Certaines familles ont perdu définitivement le lien avec leurs parents, et les phénomènes de décompensation et les syndromes de glissement se sont accrus pendant ces périodes à cause de l'annulation des interventions habituellement effectuées par ces professionnels de soins considérés comme non essentiels que sont les psychologues, les kinésithérapeutes ou encore les orthophonistes. Heureusement, tenant compte des effets du premier confinement, le protocole sanitaire actuel a assoupli et amélioré certaines dispositions.

Enfin, à ces contraintes se sont ajoutées des difficultés structurelles, liées au manque de personnels et de moyens. Depuis plusieurs années, un paradoxe vient aggraver ce phénomène avec, d'une part, des personnes polypathologiques ayant de plus en plus besoin de soins et, d'autre part, des dotations allouées aux établissements peu ou pas revalorisées au fil des années.

Cette situation ne peut plus durer, madame la ministre déléguée. Au-delà de la mise en place des primes et des revalorisations salariales, nous avons besoin d'un grand plan de recrutement et de revalorisation des métiers du grand âge. De chaque crise, nous devons tirer les leçons. La canicule de 2003 est à l'origine de la création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie – CNSA – et de la journée de solidarité. En juin dernier, c'est l'épidémie de covid-19 qui nous a fait avancer sur le chantier de l'accompagnement des personnes en situation de dépendance, avec la création d'une cinquième branche de sécurité sociale, dite branche autonomie. Malheureusement, aucun financement nouveau n'a été dédié à cette nouvelle branche, si ce n'est l'attribution d'une fraction de CSG à compter de 2024.

À chaque fois, vous nous renvoyez au projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie que vous nous promettez depuis le début du quinquennat mais qui se fait toujours attendre – un peu comme l'Arlésienne, celle dont on parle, que l'on attend et qui n'arrive jamais…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.