Intervention de Emmanuelle Wargon

Séance en hémicycle du jeudi 14 janvier 2021 à 15h00
Politique du logement

Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement :

J'aimerais commencer par remercier les députés du groupe GDR d'avoir mis la politique du logement à l'ordre du jour de cette assemblée car je partage leur point de vue concernant l'importance et le caractère extrêmement central de cette politique. J'aimerais remercier tous les orateurs qui ont fait part de leur sentiment et parfois de leurs interpellations sur ce sujet et souhaiter un bon rétablissement à Stéphane Peu. J'aimerais aussi remercier les orateurs de la majorité pour le soutien qu'ils ont exprimé à la politique du logement du Gouvernement.

Si nous connaissons tous la formule de Pierre Mendès France selon laquelle « gouverner, c'est choisir », j'aimerais rappeler la paraphrase d'un autre de vos collègues, tout aussi illustre, Henri Grouès, que nous connaissons tous sous le nom d'Abbé Pierre, et qui disait plutôt : « Gouverner c'est d'abord loger son peuple. »

C'est vrai, le logement est au coeur des préoccupations de nos concitoyens. C'est, avec l'emploi et la santé, l'un des trois grands piliers qui permettent à chacun de construire sa vie et son avenir. C'est en effet un sujet éminemment politique. Il concerne tout le monde, répond à des besoins humains essentiels et cristallise différentes visions de la société et du vivre ensemble. Ma volonté profonde est de mettre le logement dans le débat politique parce qu'il est au carrefour de nos politiques sociales, économiques et écologiques.

Je souhaite donc vous exposer les trois priorités qui animent mon action à la tête de ce ministère, un ministère de plein exercice – même s'il est rattaché au ministère de la transition écologique car celle-ci représente un des enjeux du logement – , ces priorités ayant été élaborées après des discussions approfondies avec toutes les parties prenantes.

Ma priorité est de mettre en oeuvre une politique d'accès au logement plus juste et plus solidaire. Le fondement de cette politique est le développement d'une offre de logement abordable, en premier lieu s'agissant du logement social, auquel plus de 70 % de nos concitoyens sont éligibles.

La crise sanitaire et le renouvellement des exécutifs municipaux ont fait de 2020 une année décevante en matière de construction en général – j'y reviendrai – et en matière de logement social en particulier, avec moins de 90 000 logements sociaux agréés cette année. Il nous faut rattraper ce retard.

Je souhaite faire de 2021 et 2022 des années de mobilisation générale pour la construction et l'agrément de logement social en allant nettement au-delà de l'objectif annuel de 110 000 logements sociaux que nous nous étions fixé jusqu'à présent. J'échange sur ce sujet avec l'USH, l'Union sociale de l'habitat, et avec Action logement. Je prendrai rapidement avec ces structures une initiative commune pour rattraper le retard accumulé et nous redonner les logements sociaux dont nous avons besoin.

Pour atteindre cet objectif, la loi SRU est indispensable. Le bilan de la période triennale 2017-2019 que nous venons de réaliser montre trois choses : tout d'abord, cette loi est un levier puissant de construction et de rééquilibrage de l'offre de logement social. En vingt ans, nous devons à la loi SRU près de 900 000 logements sociaux. L'État sait être exigeant sur son application en faisant preuve de fermeté à l'encontre des collectivités qui ne satisfont pas les critères : plus de 50 % des communes concernées – un taux record – ont été déclarées en état de carence. Beaucoup de communes sont encore loin d'atteindre le taux cible. Si l'objectif global est atteint, c'est grâce au volontarisme d'autres communes.

Cette mobilisation générale pour le logement social doit donc s'appuyer sur la prolongation au-delà de 2025 des objectifs et de la mécanique de la loi SRU. Il nous faut en effet assurer la persistance de ce levier fondamental pour l'accès au logement abordable. J'ai sollicité la commission SRU présidée par un élu, dans laquelle siègent les organismes de logement social mais aussi des représentants de différents niveaux de collectivités territoriales, pour me faire des propositions. J'aimerais donc vous rassurer : le dialogue avec les élus sur ce sujet est ouvert. Cette prorogation permettra ainsi d'atteindre des objectifs ambitieux tout en respectant les contraintes des élus.

Je souhaite en parallèle mener une politique plus ambitieuse en matière de mixité sociale, notamment dans les attributions de logements sociaux, car c'est la clé de notre cohésion et du vivre ensemble. Nous devons rendre plus justes les modalités d'attribution des logements sociaux et apporter une réponse concrète au besoin d'accès au logement des travailleurs clés de la nation : les personnels hospitaliers et enseignants mais aussi les acteurs privés comme les caissières ou les éboueurs. J'ai demandé au Conseil national de l'habitat de faire des propositions à ce sujet dans la perspective d'une future loi.

Outre le parc de logements existants, l'accès au logement juste et solidaire passe aussi évidemment par les aides au logement, l'APL, dispositif essentiel pour aider les Français à payer leur loyer. L'État sera au rendez-vous du financement des aides au logement en 2021 avec un budget de 15,7 milliards d'euros, conforté de 500 millions d'euros supplémentaires en loi de finances initiale. La réforme de l'APL en temps réel est effective depuis le 1er janvier. C'est une réforme de justice sociale qui permet une vraie modernisation de notre système de protection sociale en prenant en compte dans le calcul des aides les derniers revenus connus à un moment où ces revenus baissent ou sont fragilisés par la crise sanitaire et économique.

Cet accès au logement plus juste et plus solidaire passe aussi par l'amélioration des rapports entre les propriétaires et les locataires et notamment par la prévention des expulsions. Alors que la crise sanitaire a accentué la fragilité économique de certains de nos concitoyens, j'ai mis en place à la fin de l'année dernière un observatoire des loyers impayés destiné à évaluer l'ampleur du problème. D'après les premières observations, qu'elles viennent des bailleurs privés ou sociaux, on ne constate pas d'explosion des impayés de loyer mais nous devons rester extrêmement vigilants et soutenir les solutions locales, comme celles qui ont été citées par certains d'entre vous. Le député Nicolas Démoulin a également été missionné par le Gouvernement pour faire des propositions sur ce sujet et plus globalement sur la prévention des expulsions locatives.

Enfin la lutte contre l'habitat indigne doit également être poursuivie et renforcée.

Cette politique du logement juste et solidaire passe depuis 2017 par un nouveau plan ambitieux pour nos compatriotes les plus précaires : le logement d'abord. Ce plan a permis de sortir plus de 150 000 personnes de la rue ou de l'hébergement d'urgence depuis le début du quinquennat pour leur donner accès à un logement décent. Faisant du logement le point de départ de l'accès aux droits, à la santé, à l'emploi et à la réinsertion, il vise à redonner de la dignité et à soutenir les plus fragiles pour faire société. En cette période de crise sanitaire, nous mettons par ailleurs à l'abri les personnes en danger. En 2020, nous avons mobilisé près de 200 000 places d'hébergement d'urgence. J'aimerais saluer la réactivité maximale dont ont fait preuve les services de l'État et les associations lors des deux confinements.

Ma deuxième priorité ministérielle concerne la rénovation des logements, qui connaît un effort sans précédent. Car le logement est aussi, je l'ai dit, un enjeu écologique. Notre pays compte 4,8 millions de passoires énergétiques qui coûtent très cher à nos compatriotes et sont sources d'émissions de carbone. Or la période hivernale nous rappelle bien sûr les enjeux liés à la précarité énergétique. Plus globalement, la rénovation thermique des bâtiments est au coeur de notre stratégie.

Dans le cadre du plan de relance, le Gouvernement a mobilisé plus de 7 milliards d'euros pour la rénovation énergétique, dont 2 milliards consacrés aux logements privés. Cela représente, pour la seule rénovation des logements privés, une enveloppe globale annuelle de 2,3 milliards d'euros de crédits budgétaires, complétés par environ 2 milliards de certificats d'économie d'énergie. Nous avons également mobilisé 500 millions d'euros pour le parc social et 4 milliards pour les bâtiments publics, qu'il s'agisse de bâtiments appartenant à l'État ou à des collectivités territoriales.

L'aide aux particuliers MaPrimeRénov' est désormais accessible à tous les propriétaires – qu'ils occupent leur logement ou qu'ils soient bailleurs, qu'ils résident en maison individuelle ou en copropriété – , avec des forfaits modulés en fonction des niveaux de revenus pour aider davantage ceux qui en ont le plus besoin. En 2020, en dépit du confinement, 190 000 primes ont été sollicitées, ce qui constitue une réussite indéniable. Nous nous fixons comme objectif pour 2021 de financer entre 400 000 et 500 000 nouvelles rénovations via ce dispositif.

Nous devons également réussir à massifier la rénovation énergétique des passoires thermiques en allant vers plus de rénovation globale et en apportant à tous les Français des solutions d'accompagnement et de financement du reste à charge. Avec Bruno Le Maire, nous venons de missionner Olivier Sichel, directeur général délégué de la Caisse des dépôts et consignations, pour travailler avec l'ensemble des parties prenantes des secteurs public et privé afin de concevoir et de déployer de nouvelles offres de rénovation globale des passoires thermiques.

La promotion de la construction durable et de nouveaux modèles d'aménagement constitue ma troisième et dernière priorité. Soyez donc rassurés : je ne parle pas uniquement de rénovation des bâtiments, mais aussi de constructions neuves. Je reconnais bien volontiers que nous avons besoin de construire plus en France. Je souhaite soutenir la relance de la construction neuve car nous avons besoin de davantage de logements. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : on observe pour l'année 2020, par rapport à 2019, 20 000 mises en chantier de moins et 50 000 permis de construire délivrés en moins.

Pour soutenir la construction, nous avons besoin d'investisseurs et de bailleurs. Nous avons choisi de leur donner de la visibilité et de la stabilité en prolongeant en loi de finances pour 2021 la durée des deux principales aides fiscales : le prêt à taux zéro d'un côté et le dispositif Pinel de l'autre. Cela n'empêche pas de travailler sur le sujet des zonages, à la fois en dressant le bilan de l'expérimentation en Bretagne et en proposant quelques ajustements à la marge. Nous avons ainsi besoin de bailleurs particuliers, dans leur mission de mise en location de logements, et de bailleurs institutionnels qui, fort heureusement, reviennent sur le marché du logement.

Pour construire bien et plus, nous devons utiliser le foncier efficacement en favorisant la densification. Le Gouvernement mobilise ainsi 650 millions d'euros, dans le cadre du plan de relance, pour agir en faveur de la viabilisation des friches et de la densification urbaine.

Le 13 novembre dernier, avec les associations de collectivités territoriales et les professionnels de la construction, nous avons signé un pacte pour la relance de la construction durable qui porte sur deux grands axes d'engagement : simplifier et accélérer les procédures d'urbanisme pour soutenir la construction en 2021 grâce à la dématérialisation, et accompagner l'émergence de projets durables de construction en promouvant la sobriété foncière et la qualité des logements et du cadre de vie. Il s'agit d'un acte politique fort et les maires doivent être au rendez-vous pour y répondre, signer les permis de construire et permettre la réalisation des opérations immobilières.

Je veux enfin que nous nous projetions dans la durée. La crise sanitaire a fait émerger une demande pressante en faveur de logements de qualité. C'est pour cela que nous engageons une forte décarbonation du secteur, en déployant des normes environnementales de construction ambitieuses à travers la future réglementation RE2020. Là aussi, j'aimerais vous rassurer : les discussions sont en cours avec les différentes filières industrielles pour trouver un point d'équilibre entre l'accompagnement de notre trajectoire carbone et le soutien à la construction.

Cette demande forte de nos concitoyens a également renforcé l'aspiration à la maison individuelle, difficilement compatible avec la lutte contre l'artificialisation des sols. Il est possible de dépasser cette contradiction, ce qui suppose de réinventer notre politique d'aménagement du territoire et la façon d'habiter en France sous différentes formes. J'ai engagé un travail en ce sens avec l'ensemble des acteurs – architectes, urbanistes, aménageurs, promoteurs, constructeurs – pour proposer plusieurs modèles.

À la fois sociale, économique et écologique, la politique du logement conduite par le Gouvernement nous enthousiasme et nous oblige. Elle nous enthousiasme parce qu'elle concerne la vie quotidienne des Français ; elle nous oblige parce que leurs attentes sont fortes et légitimes. Je mets chaque jour toute mon énergie et celle des équipes du ministère à les satisfaire, et je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.

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