Intervention de Mathilde Panot

Séance en hémicycle du mardi 26 janvier 2021 à 9h00
Questions orales sans débat — Difficultés dans l'enseignement et crise sanitaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Panot :

Aujourd'hui les professeurs sont en grève, pour leurs conditions de travail et pour refuser le sacrifice de toute une génération de jeunes. En France en 2021, dans la sixième puissance économique mondiale, Louna, en quatrième à Champigny-sur-Marne, n'a pas de professeur de français depuis septembre, n'a qu'une seule heure de cours de mathématiques et d'histoire-géographie par semaine au lieu de trois et n'a plus de professeurs d'espagnol et de physique-chimie depuis la rentrée de janvier. Il lui manque aujourd'hui 147 heures de cours. Elle passe son temps en permanence. Sa classe est surnommée la classe maudite, car elle atteint des records indignes de notre République

Thomas, en sixième, n'a pas de cours de français depuis septembre. Amine, en cinquième, n'a pas de cours de maths depuis le 2 novembre. Madame la secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire, comment expliquez-vous que, dans le Val-de-Marne, il manque 400 professeurs, non remplacés ? Embaucher des enseignants ? C'est Emmanuel Macron qui en parle le mieux : « C'est le genre de créations d'emplois qui vont aggraver le déficit et qui ne servent pas à redresser le pays. »

En France, en 2021, vous continuez à fermer des classes, alors même que les élèves ont besoin d'un suivi en petits groupes. Vous faites porter une charge de travail monstre sur les enseignants stagiaires et déversez sur eux votre mépris en les sous-payant. Vous remplacez certains professeurs par des postes de contractuels de trois mois, précaires, non formés – et encore, seulement quand vous trouvez des volontaires. Les professeurs, qui ont pourtant un métier magnifique pour l'émancipation intellectuelle de nos enfants, doivent exécuter sans broncher, trouver des masques, ouvrir les fenêtres, nettoyer les tables et corriger des copies d'élèves notées sur la base de cours qu'ils n'ont pas eus, sans disposer de temps d'échange avec leurs collègues pour travailler au réajustement de programmes scolaires et au prétendu renforcement du protocole sanitaire, et s'ils osent dénoncer ces absurdités, politique macroniste oblige, ils sont menacés de sanctions.

En France, en 2021, les jeunes et les enfants sont les plus impactés par la dépression. En un an, les admissions pour tentative de suicide des jeunes de moins de quinze ans ont doublé dans les services psychiatriques. Pourtant, les infirmières, médecins et psychologues scolaires manquent cruellement dans les établissements.

En France, en 2021, le droit à l'éducation gratuite pour toutes et tous n'est plus garanti. Bien sûr, je ne parle pas des quartiers riches, où vos enfants sont peut-être scolarisés, mais des quartiers populaires, comme ceux de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne ou de Marseille, ces lieux où il n'a pas été alloué de moyens supplémentaires pour un plan d'urgence et où vous avez refusé d'embaucher davantage de personnel du Réseau d'aides spécialisées pour les élèves en difficulté, le RASED, alors même que les confinements ont aggravé les inégalités scolaires. Tous les jours, des directions d'école, des professeurs et des parents d'élèves écrivent à leur rectorat pour alerter sur le manque de postes et les fermetures de classes. Tous les jours, ils appellent à l'aide. Sans réponse.

En France, en 2021, les élèves en situation de handicap sont abandonnés par la République. Léo et Maria, accompagnants des élèves en situation de handicap – AESH – , doivent chacun s'occuper de six élèves en situation de handicap, n'ont pas de masques et sont payés 700 euros par mois. Vous supprimez aussi des postes pour les élèves allophones, sapant un travail de longue haleine mené pour construire des liens de confiance avec les familles.

En France, en 2021, Katia, enseignante à Vitry-sur-Seine, me dit que les enseignants sont fatigués des effets d'annonce et que ce gouvernement est complètement déconnecté de ce qui se passe sur le terrain. Pourquoi tant de mépris et d'indifférence envers tous ces signaux de détresse pourtant criants ? Zaccaria, élève de terminale n'en peut plus de faire partie de cette génération cobaye qui subit toutes les réformes éducatives inégalitaires de plein fouet. Il ne savait pas s'il allait suivre les options de son choix, s'il passerait l'oral de français, s'il allait subir les évaluations communes E3C ni s'il allait se faire matraquer en manifestant, et depuis mercredi, il ne sait pas quels voeux inscrire sur Parcoursup ni s'il sera accepté. Vous allez me dire que ce ne sont pas nos chiffres, que vous êtes géniaux et que vous faites le maximum, ou encore que nous ne ferons jamais mieux que vous à votre place. Cessez de vous auto-glorifier ! Quand allez-vous comprendre que la richesse de la France, c'est l'éducation de ses enfants ? Quand allez-vous agir enfin à la hauteur de la situation ?

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