Intervention de Clément Beaune

Séance en hémicycle du mardi 26 janvier 2021 à 15h00
Ressources propres de l'union européenne — Présentation

Clément Beaune, secrétaire d'état chargé des affaires européennes :

Permettez-moi tout d'abord d'avoir à nouveau une pensée pour Marielle de Sarnez, qui a oeuvré tout au long de sa vie pour le combat européen qui lui tenait tant à coeur et qu'elle a si bien incarné.

Au terme d'une négociation de plusieurs années – s'agissant du budget de l'Union européenne pour la période 2021-2027 – et de près de huit mois de discussions – pour ce qui concerne le plan de relance européen – , je suis très heureux de vous présenter ce projet de loi visant à autoriser la ratification de la décision relative au système des ressources propres de l'Union européenne.

Son article unique, si vous l'adoptez, autorisera en effet le Gouvernement à ratifier la décision sur les ressources propres adoptée le 14 décembre par le Conseil de l'Union européenne.

Comme vous le savez, les traités européens prévoient qu'une telle décision ne peut entrer en vigueur qu'après ratification par l'ensemble des États membres selon leur procédure nationale respective. En France, aux termes de l'article 53 de la Constitution, cette ratification passe par la loi et doit donc être votée par le Parlement. S'agissant des ressources propres de l'Union européenne, c'est un exercice usuel, renouvelé tous les sept ans. Dans la période que nous vivons, l'adoption du budget européen et du plan de relance constitue un moment démocratique essentiel ; je voudrais donc en détailler un instant le contenu.

La décision relative aux ressources propres est le résultat historique auquel sont parvenues, notamment grâce à la France, les récentes négociations européennes.

En premier lieu, le texte permet l'application du volet relatif aux recettes de ce qui est depuis le 1er janvier 2021 notre cadre budgétaire et politique commun pour les sept prochaines années. Je le rappelle, ce budget permet le déploiement du cadre financier pluriannuel – CFP – , doté sur la période 2021-2027 de 1 074 milliards d'euros, soit une augmentation de 12 % par rapport au budget précédent, celui de la période 2014-2020, et ce alors qu'un État membre, le Royaume-Uni, nous a quittés le 31 décembre.

La période budgétaire qui s'ouvre cette année est ainsi marquée, en particulier grâce à l'accord conclu le 10 novembre entre le Conseil et le Parlement européens, par le renforcement très important des moyens consacrés à des politiques fondamentales et prioritaires pour notre pays.

Je les évoquerai brièvement et de manière non exhaustive : plus de 26 milliards d'euros au total iront au programme Erasmus+ et donc à la mobilité étudiante, dont le budget est ainsi quasiment doublé ; 95 milliards d'euros seront dédiés au programme de recherche « Horizon Europe », ce qui représente une hausse de 50 % des moyens consacrés à la recherche, au développement et à l'innovation ; les moyens du programme spatial – dont le Président de la République a rappelé l'importance il y a deux semaines – augmenteront d'un tiers ; enfin, plus de 5 milliards d'euros seront consacrés de manière inédite et innovante à un nouveau programme dédié à l'Europe de la santé, ce qui nous permettra notamment de poursuivre le programme d'acquisition de vaccins ou d'équipements stratégiques pour faire face aux pandémies.

Dans le même temps – et il s'agissait d'une priorité française essentielle – , nous avons pu préserver le budget de la politique agricole commune, notamment les paiements directs sur sept ans à nos agriculteurs, et renforcer les moyens de la politique de cohésion, qui bénéficient aux régions, en particulier outre-mer.

Il est par ailleurs prévu, à la suite d'une demande française, que 30 % des dépenses du budget européen pluriannuel soient pour la première fois consacrés à des dépenses de transition climatique et qu'aucun euro ne puisse être utilisé pour des investissements néfastes au climat ; une méthodologie commune permettra de le vérifier.

Par ailleurs, pour tenir compte des circonstances exceptionnelles que constituent la crise sanitaire et ses conséquences, la Commission européenne est pour la première fois autorisée à lever, au nom des vingt-sept États membres, une dette commune de 750 milliards d'euros afin de financer un plan de relance solidaire.

Vous le savez, c'est l'initiative prise le 18 mai 2020 par le Président de la République et la chancelière allemande Angela Merkel qui est à l'origine de ce véritable changement de paradigme. Il y a encore un an, le principe d'un emprunt commun restait un tabou pour de nombreux États en Europe. On nous disait que c'était impossible, que ni l'Allemagne, ni d'autres pays de l'Union européenne n'y étaient prêts. Nous avons surmonté cette réticence et démontré que, dans des circonstances exceptionnelles, nous étions capables, au niveau européen, d'innover et de faire preuve de solidarité ; c'était indispensable.

En effet, la crise a changé la donne. Nous avons compris qu'il nous fallait une réponse européenne commune et massive, que les outils budgétaires dont nous disposions depuis de longues années étaient insuffisants pour faire face à des besoins exceptionnels, notamment dans certains États membres particulièrement touchés, et que les taux d'intérêt étaient suffisamment faibles pour permettre de recourir à l'emprunt dans de bonnes conditions.

La méthode poursuivie depuis près de quatre ans a ainsi rencontré le succès : la France et l'Allemagne ont su surmonter leurs désaccords, parvenir à un compromis et formuler des propositions ambitieuses communes ; elles ont ainsi entraîné d'autres partenaires et surtout la Commission européenne, qui a eu l'audace de reprendre cette idée d'une dette commune et d'un plan de relance massif. Les deux pays ont expliqué, convaincu, rassemblé autour d'eux, jusqu'à ce qu'un accord, obtenu à l'issue du long Conseil européen qui s'est tenu entre le 17 et le 21 juillet dernier, permette de donner vie à ce projet historique.

Le plan de relance européen financera plus de 40 % des mesures que la France a d'ores et déjà prises dans le cadre de son propre plan de relance : initiatives en faveur des jeunes, de la formation, du soutien aux entreprises, rénovation énergétique des bâtiments et renforcement de nos investissements dans de nombreux autres domaines prioritaires.

Au niveau européen, ce plan permet de coordonner l'accélération des transitions écologique et numérique grâce à l'adoption d'objectifs communs, que l'ensemble des États membres dont le plan de relance est en partie financé par ce budget européen exceptionnel devront obligatoirement atteindre. C'est ainsi que 37 % – au minimum – des dépenses du plan de relance devront être alloués aux objectifs climatiques et 20 % à la transition numérique.

En outre – et c'est un troisième point clé – , l'accord obtenu le 21 juillet acte une rénovation profonde du système des ressources propres de l'Union européenne. Celle-ci se traduit d'abord par la création symbolique, en 2021, d'une contribution – qui s'apparente d'ailleurs davantage à une forme de bonus-malus – fondée sur la quantité de plastique non recyclé émise par chaque État membre, mais surtout – de manière là aussi inédite, puisque c'est la première fois depuis les années 1970 – , par l'adoption d'un calendrier précis pour l'introduction de nouvelles ressources propres.

Ces nouvelles ressources permettront progressivement d'affirmer la solidarité européenne et de mettre fin à la logique du juste retour, dont les calculs délétères de solde budgétaire net tendent à assimiler à un simple tiroir-caisse l'Union européenne et ses bienfaits. Elles constitueront pour l'Union de nouveaux outils susceptibles d'être mis au service de ses politiques prioritaires. Elles permettront également de financer la relance, dont nous avons plus que jamais besoin – nous le voyons chaque jour – , sans que l'effort de remboursement des dépenses liées au plan européen ne pèse sur les citoyens ou sur les entreprises de l'Union.

Au-delà de ses aspects techniques, le plan de relance et la dette commune sont le signe d'une grande confiance dans la pérennité du projet européen. Si tous les pays membres acceptent de s'endetter ensemble pour quarante années – il est vrai dans d'exceptionnelles conditions financières – , c'est parce que chacun d'entre eux pense que l'Union sera en définitive capable de rembourser et donc croit, au fond, à sa prospérité future, à son développement et à la préservation de son unité. Dans le contexte que nous connaissons, celui du Brexit, un tel signe de confiance n'est pas négligeable.

Dès le premier semestre 2021, la Commission européenne fera ainsi des propositions concrètes et précises pour l'institution de nouvelles ressources propres : d'abord la taxation des services numériques, puis un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'Europe. Leur application est prévue au plus tard d'ici 2023 ; c'est l'engagement qui a été pris par le Conseil et le Parlement européens en fin d'année dernière. La France défend fortement ce projet, qui sera un enjeu politique et législatif essentiel lorsqu'elle présidera l'Union européenne dans un peu moins d'un an, au premier semestre 2022.

Enfin, toutes ces avancées sur le plan financier s'accompagnent, et ce n'est pas anecdotique, d'un renforcement de nos valeurs. En effet, grâce à un règlement spécifique, le versement des aides sera pour la première fois conditionné au respect de l'État de droit. Vous le savez, ce nouvel instrument a été un temps refusé par deux États membres de l'Union européenne, la Hongrie et la Pologne…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.