Intervention de Barbara Pompili

Séance en hémicycle du mardi 26 janvier 2021 à 15h00
Lutte contre la maltraitance animale — Présentation

Barbara Pompili, ministre de la transition écologique :

Je relisais il y a quelques instants, avant de monter à la tribune, une citation très connue attribuée à Gandhi : « On peut juger de la grandeur d'une nation et de ses progrès moraux par la façon dont les animaux y sont traités. » Ce que nous devons décider aujourd'hui, ce sont les normes que nous nous donnons. Au fond, c'est bien à cette question que nous répondons. Car le droit et les lois sont toujours le miroir d'une société, une photographie à un « instant t » de son système de valeurs collectives. Or ces valeurs changent et évoluent.

L'animal sauvage n'est plus une menace ou une proie : il est un être sensible, à préserver et à respecter. Ce nouveau rapport à l'animal sauvage est le fruit d'années de mobilisation et d'une prise de conscience de notre responsabilité collective à l'égard de la nature et de notre place en son sein. Ce nouveau rapport à l'animal sauvage est la marque d'une société qui progresse et qui refuse de conserver ses habitudes au nom du poids des traditions.

Je n'oublie pas l'implication des parlementaires depuis le début du quinquennat pour traduire en actes cette prise de conscience collective. Il est de ma responsabilité, de notre responsabilité, de traduire ce progrès dans notre réglementation, de répondre au vent de changement qui souffle sur notre société et de nous hisser à un nouveau standard.

En septembre dernier, j'ai pris la décision d'ouvrir une nouvelle ère s'agissant de la place que nous accordons aux animaux sauvages dans la société. Cette décision, je ne l'ai pas prise à la légère. Je sais que les femmes et les hommes qui soignent et veillent sur ces animaux les voient parfois comme des membres de leur famille. J'ai eu l'occasion de discuter longtemps avec eux et je sais que la profession qu'ils exercent est bien plus qu'un métier. Pour celles et ceux, dans les cirques ou dans les delphinariums, qui ont construit leur vie autour des animaux, ce sont souvent des histoires de famille, commencées il y a plusieurs générations. Je veux ici leur redire mon respect et mon engagement à ne jamais les laisser de côté.

C'est donc en conscience et en responsabilité que j'ai annoncé, au mois de septembre, la fin progressive de la présence de faune sauvage dans les cirques itinérants, la fin de la présence d'orques et de dauphins dans les delphinariums et la fin des élevages de visons d'Amérique pour leur fourrure en France. Nous aurions pu mettre en oeuvre ces décisions par voie réglementaire, mais je suis très heureuse que les députés de la nation s'en saisissent et y ajoutent leurs propres apports, notamment dans le cadre des travaux de la commission des affaires économiques. Cela traduit le rôle moteur de la représentation nationale sur ce sujet. Je tenais donc à être avec vous aujourd'hui.

Votre proposition de loi est pour moi une preuve supplémentaire que notre époque change, que notre société évolue et que les Françaises et les Français veulent décider démocratiquement de ces sujets majeurs. C'est aussi la démonstration que nous sommes nombreux à sentir ce changement de société et à vouloir prendre nos responsabilités pour l'accompagner. Je m'en réjouis !

À présent, tout l'enjeu est de transformer l'essai en matérialisant ces décisions et en les faisant vivre sur le terrain ; il s'agit d'avancer concrètement avec les professionnels, car les changements entraîneront des conséquences sur leurs vies – d'avancer avec eux, et non contre eux. Voilà ce à quoi nous travaillons actuellement. Au printemps, nous lancerons une consultation sur les décrets d'application relatifs aux élevages de visons, aux delphinariums et aux mesures d'interdiction visant les cirques itinérants, ainsi que sur leur date d'application. Mon ambition est d'avoir finalisé les textes réglementaires à la sortie de l'été : certains diront que c'est trop long, comme toujours, mais je crois au contraire que c'est extrêmement rapide pour un changement de cette ampleur, d'autant que la crise touche durement nombre des acteurs avec lesquels nous allons travailler.

Nous prenons donc le temps de mener ce méticuleux travail de concertation, d'entrer dans le détail, d'aller au fond des choses, car c'est la seule manière de s'assurer que les interdictions donneront aux animaux un avenir meilleur. Je ne crois pas aux décisions qui tombent d'en haut, c'est pourquoi la transition que je défends est une affaire de dialogue, d'écoute, de respect et d'accompagnement.

On m'a beaucoup interrogée sur l'accompagnement financier de ces décisions. En septembre dernier, j'ai annoncé la mobilisation de 8 millions d'euros par l'État : évidemment, tout le monde est bien conscient qu'il ne saurait s'agir que d'un début. Mais là encore, déterminer les sommes que l'État devra mobiliser nécessite un travail entre les ministères, les professionnels et les autres acteurs qui pourront les accompagner. Former les professionnels à de nouveaux métiers, trouver des refuges pour les animaux et les créer si des lieux d'accueil n'existaient pas : autant d'actions à prévoir, pour lesquelles l'État sera au rendez-vous.

Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, le cap est fixé. Nous allons désormais avancer progressivement vers la fin de la présence d'animaux issus d'espèces sauvages dans les cirques itinérants, car les conditions de l'itinérance ne sont pas compatibles avec le bien-être des espèces concernées. Les circassiens, les montreurs d'ours, les dresseurs de loups, pourront compter sur l'État pour les accompagner dans cette transformation : nous soutiendrons la reconversion des cirques vers d'autres types de spectacles et vers des structures fixes ; nous offrirons à tous ceux qui souhaitent se diriger vers d'autres métiers, la formation dont ils ont besoin. Je sais combien ces femmes et ces hommes sont riches de compétences et d'imagination.

Nous avançons également s'agissant des delphinariums. Je sais que les responsables de ces établissements font le maximum pour la qualité de vie de leurs animaux, mais nous ne pouvons plus ignorer la réalité : les études montrent que les orques et les dauphins ont conscience de leur captivité, car leur comportement naturel ne peut être reproduit hors de l'océan. Nous interdirons donc l'ouverture de tout nouveau delphinarium. Quant aux trois que compte actuellement notre pays, il leur sera interdit d'introduire tout nouvel animal. Enfin, nous devons étudier la possibilité de créer un sanctuaire pour les animaux actuellement en captivité : bien entendu, définir collectivement ce que nous souhaitons mettre derrière ce terme ne se fera pas en quelques jours. Cela demande des efforts de long terme, mais nous y travaillons, avec des femmes et des hommes qui aiment leurs animaux et leur métier. Je le répète : nous nous engageons à être à leurs côtés.

Enfin, je crois qu'à notre époque, nous ne pouvons plus tolérer que des visons soient élevés et abattus uniquement pour se retrouver sur des vêtements. Là encore, nous serons aux côtés des trois éleveurs français concernés. Je sais qu'un amendement du Gouvernement sur ce sujet a pu susciter des interrogations. J'avais annoncé la fin des élevages de visons d'Amérique en France, et je suis heureuse de voir que vous soutenez cette décision. Sur ce sujet, ma conviction n'a pas changé : ces élevages doivent fermer. Seulement, nous avions annoncé aux professionnels une fermeture sous cinq ans : ainsi, l'amendement vise simplement à mettre la loi en conformité avec cette annonce. Cependant, le débat parlementaire vivra, et nous appliquerons bien entendu la date que vous choisirez d'inscrire dans la loi.

Le pays prend un véritable tournant, progressivement – car je tiens à ce que nous ayons le temps d'accompagner chacune et chacun – , mais assurément ; un tournant qui reconnaît notre histoire et notre patrimoine, tout en acceptant de changer. Demain comme hier, les enfants de France iront au cirque ; ils y vivront la même magie et le même rêve, même sans animaux sauvages. Ils grandiront dans un pays où le bien-être de ces animaux et la dignité de la société seront renforcés.

Ces décisions n'achèvent pas l'histoire, elles ouvrent une nouvelle page, à écrire avec toutes les bonnes volontés. C'est mon engagement et celui du Gouvernement : ce sera le vôtre également, si vous adoptez cette proposition de loi, au contenu aussi ambitieux que le travail que les rapporteurs et les groupes de la majorité, que je salue, ont accompli.

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