Intervention de Muriel Pénicaud

Séance en hémicycle du mercredi 22 novembre 2017 à 15h00
Renforcement du dialogue social — Article 3

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

Mon avis est évidemment défavorable, mais je voudrais saisir cette occasion de préciser certains points sur la fusion des IRP dont nous avons déjà parlé en commission et au moment du projet de loi d'habilitation.

Pour moi, il y a deux enjeux principaux, et d'abord un enjeu de simplification.

Cette simplification est souvent réclamée par les salariés eux-mêmes, qui ont du mal à se retrouver dans ces quatre modes de représentation. Ils ne voient pas toujours très bien pourquoi c'est aussi compliqué. D'autre part, la pratique – j'ai moi aussi une certaine expérience en la matière – montre qu'il y a énormément de doublons, les mêmes sujets étant évoqués à plusieurs reprises selon le contexte. En termes d'énergie et de temps consacrés à discuter des vrais enjeux de l'entreprise, il n'est pas sûr que le système actuel soit le meilleur.

Nous sommes d'ailleurs un des très rares pays à compter plusieurs instances représentatives du personnel. Ce n'est pas parce qu'il y a une seule instance qu'on en fait moins, notamment en termes de prévention ou d'accidents du travail. Nous ne sommes d'ailleurs pas très bons dans ce domaine en comparaison d'autres pays européens où n'existe pourtant qu'une IRP. Vous voyez qu'il n'y a pas de corrélation entre les deux.

Mais l'intérêt n'est pas seulement de simplification. Pour moi, ce qui fait véritablement l'intérêt du CSE ou du conseil d'entreprise, c'est le fait que, dans la vie des entreprises et dans la vie des salariés, les sujets sont interconnectés. Je prendrai l'exemple des risques psychosociaux que vous avez évoqué et qui me paraît d'autant plus important que ces risques augmentent.

Pour le rapport que Christian Larose de la CGT, Henri Lachman de Schneider Electric et moi-même avions consacré à ce sujet, nous avions entendu de nombreuses personnes et soigneusement étudié la question. Nous avions constaté qu'environ 20 % des cas de risques psychosociaux avérés étaient liés à des comportements inacceptables, parfois de managers, parfois de collègues, ou à des relations difficiles avec les clients. Mais la plupart des cas étaient dus à des décisions de stratégie, d'organisation ou de management, par exemple à la mise en place d'un nouveau système d'information, à la mise en oeuvre des fameuses ERP – Enterprise Resource Planning –, à l'éloignement des centres de décision de l'usine, qui rend la décision très anonyme.

Nous avons constaté aussi que les modes de management matriciels, où le salarié doit en référer à deux lignes hiérarchiques à la fois et faire lui-même la synthèse, renforcent le sentiment d'isolement et d'incapacité à atteindre ses objectifs.

Le fait de pouvoir discuter en même temps de la dimension organisationnelle et managériale, de ses conséquences sociales, sur les conditions de travail ou sur les risques psychosociaux, permettra un débat de qualité. Pour cela, il faut que certains aient creusé le sujet, mais je peux témoigner que le chef d'entreprise ne participe jamais au CHSCT : c'est toujours quelqu'un du service des ressources humaines qui y assiste. Par conséquent, les liens entre la stratégie, le management, l'organisation et la santé et la sécurité au travail sont très peu pris en compte, moins en tout cas que dans des pays où la même instance traite de tout ce qui concerne l'entreprise et les salariés. L'organisation du travail a un lien avec les risques psychosociaux, avec la sécurité au travail et avec la prévention.

Toutes les compétences sont évidemment transférées au CSE, et les obligations restent les mêmes, qu'il s'agisse de prévention, de santé ou d'accidents du travail.

Vous avez évoqué le nombre de représentants syndicaux dans les CSE. Le décret ne fixe pas un nombre mais un plancher. C'est par la négociation dans chaque entreprise que sera fixé le nombre de représentants. Le plancher actuel est très en deçà de la réalité de beaucoup d'entreprises. Le nombre de personnes exerçant un mandat sera forcément moindre – elles sont aujourd'hui 600 000.

En revanche, après concertation avec les partenaires sociaux, nous avons non seulement maintenu la totalité du nombre d'heures mais, surtout, nous avons fait ce qui ne l'avait jamais été : ces heures pourront être mutualisées entre délégués et annualisées, ce qui, au total, augmente leur nombre potentiel en le faisant passer de 20 à 25. Nous ne sommes donc pas en train de diminuer les moyens.

Tous les thèmes convergent. Il faut avoir une approche économique et sociale des problèmes de l'entreprise qui corresponde à la réalité de ce que vivent les salariés, à la réalité de l'évolution de l'entreprise, à ses marchés, à son organisation, à son management, aux conditions de travail, à l'égalité hommes-femmes. Toutes ces questions sont liées et c'est pourquoi nous avons besoin d'une instance unique.

Des évaluations seront réalisées dans quelques années et je vous parie que le CSE aura beaucoup plus d'impact et de pouvoir de discussion que les structures actuelles, parce qu'il disposera d'un panorama complet sur l'entreprise, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, puisque chacune des instances la voit à travers sa petite fenêtre.

Je dirais même que cette nouvelle situation sera très exigeante pour les entreprises, car la transparence sera beaucoup plus grande, puisque toutes les questions, toutes leurs interactions feront l'objet d'un dialogue social et économique.

Enfin, j'ai déjà évoqué dans mon propos liminaire les moyens dont disposeront les nouveaux délégués : renforcement de la formation, parcours de carrière, lutte contre la discrimination syndicale, nombre d'heures mutualisées.

Tous les moyens sont donc réunis pour faire réussir ces nouveaux comités sociaux et économiques au profit des entreprises et des salariés.

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