Intervention de Olivia Gregoire

Séance en hémicycle du mercredi 27 janvier 2021 à 21h00
Réforme du courtage — Présentation

Olivia Gregoire, secrétaire d'état chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable :

La proposition de loi que nous examinons est une réforme attendue, comme vous venez de le rappeler, madame la rapporteure, depuis au moins un an et demi par les courtiers comme par les consommateurs. Nous avions eu l'occasion d'en débattre lors de l'examen du projet de loi PACTE : en tant que présidente de la commission spéciale, j'avais alors largement soutenu, à vos côtés, l'objectif de mieux accompagner l'activité de courtage. Mais comme le Conseil constitutionnel avait décidé que l'article concerné était un cavalier législatif, je me réjouis que le groupe La République en marche ait choisi de le mettre à nouveau à l'ordre du jour. En effet, ce texte apporte des réponses simples et pragmatiques aux questions que se posent les entreprises de courtage, afin de pérenniser la confiance des Français à leur égard, donc leur viabilité. Il satisfait ainsi à la nécessité de protéger le consommateur par la promotion d'un haut niveau d'exigence pour l'ensemble du secteur.

Au cours des dix dernières années, le législateur a renforcé les règles en matière de protection du consommateur dans la sphère financière. Mais ces règles ne sont pas toujours respectées : il y a, d'un côté, le manque de sens des responsabilités de certains, et, du nôtre, parfois un manque de contrôle. L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution n'est en mesure de réaliser que soixante-dix contrôles par an, alors qu'il y a près de 40 000 courtiers et mandataires en assurance et 13 000 courtiers et mandataires en opérations de banque et de services de paiement. Au détriment de tous les professionnels de bonne foi, un tel contexte a permis le développement de pratiques malhonnêtes. J'en citerai deux.

Le démarchage téléphonique en assurance s'est multiplié ces dernières années – je sais que ce fléau de la vie quotidienne a d'ailleurs mobilisé l'Assemblée nationale l'an passé : nous n'avons pas encore réussi à mettre fin à la gradation des pratiques problématiques, qui vont des purs schémas d'escroquerie au démarchage fort abusif. En second lieu, se sont développées des garanties d'assurance-construction placées par des acteurs situés en dehors de nos frontières, par exemple à Gibraltar : faute de provisionnement adéquat, ces sociétés ont fait faillite en cascade à partir de 2017, laissant des assurés sans aucune protection ni aucun recours. Nous en avons tiré les leçons au niveau européen en établissant un meilleur contrôle des activités transfrontalières, mais nous devons aussi en tirer les leçons en France en contrôlant mieux la distribution de garanties que l'on sait parfois douteuses.

Afin que les Françaises et les Français puissent donner au courtage toute la confiance que ce métier mérite, il paraît indispensable que celui-ci s'organise et se professionnalise avec la création d'associations professionnelles agréées, dont la relation avec l'ACPR sera consacrée par la loi. À cet effet, le Gouvernement proposera par voie d'amendement de rétablir le texte initial de la proposition de loi, dont certaines dispositions ont été écartées en commission des finances en application de l'article 40.

Les associations agréées seront chargées du suivi de l'activité et de l'accompagnement de leurs membres. À ce titre, elles devront offrir un service de médiation, vérifieront les conditions d'accès et d'exercice de l'activité, ainsi que le respect des exigences professionnelles, dans une logique de conseil et d'accompagnement. Il convient de rappeler, afin de dissiper toute ambiguïté, que ces associations ne constitueront pas des autorités compétentes au sens de l'article 12 de la directive européenne sur la distribution d'assurances du 20 janvier 2016 et que la proposition de loi ne prévoit aucune délégation de contrôle par l'ACPR. La logique suivie est donc bien celle de la confiance et de la responsabilisation des acteurs.

Afin de favoriser la diversité des associations, nécessaire pour que chaque professionnel puisse se sentir véritablement à son aise dans ce nouveau cadre, plusieurs associations seront créées. À ce jour, huit associations professionnelles ont déjà indiqué être prêtes à déposer leur dossier d'agrément. Cela démontre, s'il le fallait, que le secteur est déjà en ordre de marche. Les acteurs étrangers exerçant des activités en France au titre de la libre prestation de services ou de la liberté d'établissement pourront également adhérer à ces associations professionnelles agréées, mais le droit européen ne permet pas de les y contraindre. Il s'agira donc d'une simple faculté, même s'il est probable que la grande majorité d'entre eux souhaiteront y recourir, car leur adhésion constituera pour les clients français une marque de sérieux et un gage de confiance dans leur courtier.

Les associations agréées seront encadrées par des règles qui garantiront leur indépendance et leur impartialité : tout d'abord, l'ACPR vérifiera leur représentativité, leur compétence, l'honorabilité de leurs représentants légaux et de leurs administrateurs, ainsi que leur aptitude à assurer l'exercice et la permanence de leurs missions au travers de moyens matériels et humains adaptés. Ensuite, l'ensemble des règles de fonctionnement des associations seront précisées par écrit et approuvées par l'ACPR au moment de leur agrément, lequel pourra être retiré par l'Autorité à celles qui ne les respecteraient plus.

Quant aux professionnels, ils disposeront de garanties importantes. Ainsi, la demande d'adhésion à une association devra donner lieu à une réponse dans un délai maximum de deux mois à compter de la date de réception d'un dossier complet. Tout refus devra être motivé et pourra faire l'objet d'un recours devant les tribunaux.

Vous l'aurez compris, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement apporte, sous réserve bien sûr de l'adoption des amendements rétablissant le texte initial, tout son soutien à cette proposition de loi nécessaire à la pérennité de notre réseau de courtage, en particulier à celle des courtiers de proximité, dont la présence est si importante pour les assurés. Si vous m'autorisez une formule un peu facile, nous faisons une réforme pour le courtage, non pour le court terme.

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