Intervention de Ugo Bernalicis

Séance en hémicycle du mercredi 27 janvier 2021 à 21h00
Réforme du courtage — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Même s'il pourrait y en avoir une palanquée, je vais éviter les jeux de mots sur l'assurance en allant tout de suite au fond du sujet.

Faut-il, oui ou non, mieux contrôler le secteur du courtage en assurance, les courtiers et les intermédiaires ? Assurément. Créer une association à laquelle l'adhésion sera obligatoire améliorera-t-il le contrôle ? La réponse est plutôt non. D'ailleurs, les associations professionnelles du secteur ont tout de suite expliqué que ces associations seraient tout bonnement géniales puisqu'elles seraient là pour accompagner le secteur. Comprenez : pour le réguler un peu entre personnes concernées et non pour le contrôler. Elles l'ont assuré, dit et répété sur tous les tons, afin que personne ne craigne cette proposition de loi dans le secteur.

Finalement, on vient expliquer que l'ACPR aura peut-être son mot à dire : tant mieux ! Moi qui ai rendu, avec notre collègue Jacques Maire, un modeste rapport sur les moyens mis en oeuvre pour lutter contre la délinquance économique et financière, je ne peux que me réjouir de l'attribution de pouvoirs supplémentaires à l'ACPR. Mais on pourrait s'interroger sur les moyens dont elle dispose pour contrôler ce secteur tout à fait florissant. Le nombre de créations d'entreprises de courtage en assurance connaît une croissance exponentielle. Or ce secteur ne crée pas vraiment de valeur, puisque ses acteurs sont des intermédiaires.

Parfois ces entreprises fautent sans que l'on dispose toujours des moyens de les contrôler. Aura-t-on davantage de moyens pour le faire avec ce texte ? Non, et ce sont les associations professionnelles elles-mêmes qui le disent elles-mêmes, ce qui devrait nous mettre la puce à l'oreille. Finalement, le texte constitue plutôt une façon de blanchir ce secteur, qui pourra invoquer l'existence d'associations, de représentants, de cahiers des charges et de déontologie pour qu'on ne vienne pas lui chercher des poux dans la tête. Or nous savons qu'il s'agit d'un des secteurs où les signalements de pratiques frauduleuses aux organismes de contrôle – l'ACPR, TRACFIN ou d'autres organismes – sont les moins nombreux.

Je ne sais pas s'il faut en faire des déductions, mais j'y vois tout même un faisceau d'indices. On nous dit que l'adhésion obligatoire aux associations professionnelles serait de nature à régler les problèmes. Je dois le dire : quand bien même on aurait donné à ces associations professionnelles le pouvoir de contrôler le secteur, je n'y aurais pas été davantage favorable.

Voyez ce qui se passe dans le secteur de la banque et de l'assurance : les différentes directives européennes, élaborées notamment à la suite de la crise financière de 2008, ont entraîné un renforcement du contrôle interne avec le développement, au sein des entreprises, d'un département chargé de contrôler la conformité aux règles. Séparé des autres directions opérationnelles de l'entreprise, ce service effectue des signalements internes. Cependant, en cas de problème dans une entreprise, une banque ou une assurance, l'affaire remonte tout même au top management, comme on dit dans le milieu, tout en haut de l'entreprise. Il existe donc un conflit interne à l'entreprise, avec des personnes qui travaillent pour elle mais qui se retrouvent éventuellement chargées de la dénoncer si elle ne respecte pas les règles. En conséquence, des fraudes continuent d'être décelées dans les entreprises et, à chaque fois, les assureurs et les banques s'excusent en disant qu'ils feront mieux la prochaine fois.

Nous imposons à ces entreprises d'affecter un nombre suffisant d'employés et une part de leur chiffre d'affaires au contrôle interne, mais il serait préférable de taxer les banques, les assurances et les courtiers en assurance à hauteur de leurs dépenses consacrées à la conformité aux règles prudentielles, afin de financer un contrôle externe en renforçant les moyens de l'ACPR et ceux de l'AMF – Autorité des marchés financiers. C'est à cette condition que la puissance publique pourra s'assurer que quelques margoulins ne profitent pas de l'aubaine constituée par le désert juridique et l'encadrement assez évasif, pour tout de même faire un petit jeu de mots.

Si vous voulez participer au blanchiment général du secteur, ce sera sans nous : le groupe de la France insoumise votera contre le texte.

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