Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du jeudi 28 janvier 2021 à 9h00
Accessibilité des magasins de la grande distribution aux personnes en situation de handicap — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Cette proposition de loi, née d'une expérience très pratique menée dans votre circonscription, madame la rapporteure, faite d'innovation sociale et territoriale, s'inscrit dans la tradition personnaliste, que je partage en grande partie avec la famille du groupe Dem, selon laquelle le politique se forme dans l'expérience. Bien sûr, le politique ne peut se résumer à cela, mais il est aussi cela. Nous prenons des décisions à partir de nos propres expériences sans pour autant en faire des récits de vie, qui encombrent, parfois de manière un peu indécente et agaçante, les débats parlementaires.

En l'occurrence, madame la rapporteure, vous avez pris la bonne distance par rapport au sujet pour faire un travail en profondeur dans la continuité du processus engagé, il y a plus de quinze ans, par le Président Chirac. Il visait à améliorer les dispositifs dans les entreprises et l'espace public, en fixant des obligations, mais il avait laissé un angle mort : le droit pour les personnes souffrant de troubles du spectre de l'autisme à consommer de façon adaptée à leur situation, autrement dit l'amélioration de la vie quotidienne de 700 000 de nos concitoyens. Merci, madame la rapporteure, pour votre travail.

Cependant, si je veux être honnête, je ne peux pas ne pas dire une certaine déception – la mienne autant que celle du groupe Socialistes et apparentés. Nous donnerions sinon dans le mielleux, ce qui ne serait pas servir notre cause commune. Vous aviez proposé un petit pas que personne n'avait considéré comme insignifiant. Il était même de nature à engager un processus, et nous nous apprêtions, comme chaque fois que nous nous trouvons face à une bonne idée, à chercher des améliorations : quelle durée retenir ? quelle obligation déterminer ? quelle limite de taille fixer pour les magasins concernés ? Quelle n'a donc pas été notre surprise quand nous avons constaté que ce dispositif avait été troqué contre une longue discussion, dénommée dans le texte « concertation », sans doute après que vous ayez négocié. Après Sylvia Pinel, Sébastien Jumel et un peu tous les orateurs finalement, je m'interroge : est-il nécessaire de légiférer pour engager une concertation dans ce pays ?

Je suis bien conscient du jeu des contraintes et des compromis auquel vous avez dû vous soumettre et compte tenu de l'objet de ce texte, il n'y aura aucune polémique de notre part. Pas de suspense : nous le soutiendrons. Je tiens tout de même à ce que cette courte intervention soit pour nous l'occasion de réfléchir : franchement, a-t-on besoin de dix-huit mois dans notre pays pour faire une heure de silence dans nos magasins.

Ceux mêmes qui nous reprochent de ne pas réformer assez vite, de ne pas savoir nous adapter à l'urgence qu'impose le rythme de la mondialisation, nous disent tout à coup qu'il faut prendre le temps, alors même que la grande distribution n'est pas un secteur en difficulté. Qu'il faille aller au-delà de l'heure de silence hebdomadaire, tout le monde en convient, mais pourquoi n'avoir pas maintenu votre proposition première en y ajoutant un processus de discussion pour aller plus loin ? Cela aurait donné du corps, du nerf, du crédit à votre démarche. Nous trouvons dommage que vous ne l'ayez pas fait d'autant que notre démocratie sociale permet de se concerter, comme l'a rappelé Sylvia Pinel, sans passer par la loi.

Dans les minutes qui me restent, je soulignerai que votre proposition de loi, au-delà de la prise en compte des personnes en situation de handicap, ouvre une réflexion sur le rééquilibrage des sphères de l'existence. Compte tenu de la crise de la covid-19, il est certes nécessaire d'ouvrir les magasins le dimanche pour assurer la survie de bien des secteurs, tout le monde en convient. Mais, m'appuyant sur les travaux de Marie Balmary et d'autres personnes qui nous aident à réfléchir au monde actuel, j'aimerais mettre en question la pertinence de l'ouverture des magasins tous les jours de la semaine. Le dimanche a été inventé pour que, dans notre civilisation, il y ait un temps pour autre chose que produire et consommer.

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