Intervention de Vincent Ledoux

Séance en hémicycle du jeudi 28 janvier 2021 à 9h00
Service public d'eau potable et d'assainissement en guadeloupe — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVincent Ledoux :

Madame la rapporteure, je ne porte pas de masque orange comme vos collègues du groupe du Mouvement démocrate (MoDem) et démocrates apparentés aujourd'hui, mais c'est avec enthousiasme que j'accueille cette proposition de loi, qui vise à régler un problème auquel sont confrontés depuis longtemps nos compatriotes guadeloupéens. Pour beaucoup d'entre eux, contrairement à nous métropolitains, ouvrir le robinet ne sert souvent à rien. Pour pallier un réseau de distribution d'eau hors service depuis plus de trente ans, les coupures sont organisées en tours d'eau. Un calendrier est censé prévoir l'alimentation des communes en alternance et permettre aux habitants d'organiser leur vie en fonction de l'heure des coupures, qui durent de douze à quatorze heures. S'ajoutent à cela les coupures imprévisibles et injustifiées dans certaines zones régulièrement à sec.

Chacun organise ses réserves en mettant de côté, comme on le voit à la télévision, des dizaines de bouteilles en plastique, stockées dans toutes les pièces de la maison. Nous avons tous en mémoire ces images récentes de Guadeloupéens, notamment dans le sud de l'île, contraints d'attendre quotidiennement les camions qui transportent des packs servant à ravitailler la population en eau potable. La mairie de Goyave a déclaré avoir dépensé en deux ans plus de 200 000 euros pour distribuer environ 300 000 bouteilles d'eau à ses 8 000 habitants.

Comme tous les Français métropolitains, je suis choqué d'entendre des témoignages d'habitants de l'archipel contraints de partir au travail la voiture chargée de bidons vides, qu'ils remplissent d'eau potable à certains points de leur itinéraire. Une jeune résidente de Sainte-Anne, mère de deux enfants en bas âge, me confiait d'ailleurs qu'à son domicile une douche consiste en deux bouteilles d'eau froide par personne. Pour le bébé, on fait chauffer l'eau à la casserole…

En Guadeloupe, l'eau potable est donc un véritable problème sanitaire. Cette crise n'est pas le fruit d'une insuffisance de la ressource en eau – M. le ministre et Mme la rapporteure l'ont rappelé – , mais la conséquence d'une situation globalement dégradée. C'est l'étude précédemment évoquée et réalisée en 2018 par le ministère de l'environnement qui a pointé les équipements obsolètes, la multiplicité des propriétaires du réseau et le flou autour des responsabilités de gestion, lesquels constituent des freins majeurs à sa modernisation. S'ajoutent des problèmes récents de pollution de l'eau, épisodiquement impropre à la consommation, notamment en Basse-Terre. « Cela devient un sujet de santé publique, et la proportion de gens sans eau augmente », constate le préfet de Guadeloupe.

Cette situation est totalement indigne de ce que nos compatriotes ultramarins sont en droit d'attendre d'un service public de l'eau. Par ailleurs, leurs difficultés se trouvent exacerbées par la crise sanitaire qui nous frappe. Durant le premier confinement, le préfet de région a réquisitionné pour trois mois régies, agents, opérateurs et entreprises de l'eau pour traquer quelques milliers de fuites, avec un objectif : rétablir des tours d'eau fiables pour permettre d'alimenter tous les quartiers concernés par des coupures, encore aggravées en période de sécheresse sur l'île. Malheureusement, le calendrier des tours d'eau n'est plus respecté aujourd'hui et des secteurs entiers du territoire n'ont plus d'eau au robinet pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines consécutives.

C'est donc à une faille d'un droit fondamental et à l'inexistence de l'accès à l'eau dans un département français que s'attaque notre collègue Justine Benin. La proposition de loi qu'elle nous présente aujourd'hui vise à remédier à la complexité de l'organisation du service public de l'eau potable et de l'assainissement en Guadeloupe, mais aussi à offrir une prestation de meilleure qualité aux usagers du service public de l'eau. Il y a urgence à agir et à rénover le dispositif en vigueur grâce à ce texte, qui crée un service unique de l'eau potable et de l'assainissement en Guadeloupe continentale.

Nous avons évoqué les nombreux dysfonctionnements et les carences d'ordre technique, qui vont coûter extrêmement cher. Pour y remédier, l'article 1er de la proposition de loi confie la compétence de la gestion de l'eau et de l'assainissement à un syndicat mixte unique composé du département, de la région et de cinq communautés d'agglomération. Ce texte est issu d'un long travail, entamé en 2015, dont je félicite à la fois l'État, les parlementaires et les élus locaux. On ne peut que se réjouir de l'adhésion au principe d'un syndicat mixte ouvert, qui a recueilli un soutien quasi unanime des établissements publics intercommunaux concernés.

Je veux saluer aussi le travail de la commission des lois de l'Assemblée, qui a adopté un amendement, déposé à l'initiative de Mme la rapporteure, visant à inscrire dans la loi le principe dégagé par la jurisprudence selon lequel la mission de l'opérateur des eaux en Guadeloupe consiste aussi à assurer l'approvisionnement des personnes, même si le système normal de distribution doit subir une interruption. Ainsi, lorsque ce texte sera adopté, la loi disposera clairement « qu'en cas de rupture de l'approvisionnement des usagers, le syndicat mixte prend toute mesure propre à garantir un droit d'accès normal et régulier à l'eau potable. »

Enfin, l'article 2 de la proposition de loi institue une commission consultative permettant l'association de la société civile à la supervision des activités du syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement. Là encore, on peut dire que le travail de la commission des lois a permis d'affiner le dispositif prévu par l'article. En effet, un autre amendement de Mme la rapporteure a été adopté qui vient renforcer la participation de la société civile à la gouvernance du service public d'eau potable et d'assainissement en Guadeloupe à travers un conseil de surveillance adossé au comité syndical de la structure unique. Quand on sait d'où l'on vient, on voit très bien où l'on va. Chacun peut imaginer l'énergie qu'il a fallu déployer pour réduire une fracture inacceptable.

C'est la raison pour laquelle le groupe Agir ensemble, au nom duquel j'ai l'honneur de m'exprimer, votera bien évidemment en faveur de la proposition de loi, dont il se félicite. Nous espérons que les mesures prévues par le texte pourront rapidement être mises en oeuvre afin de satisfaire nos concitoyens de Guadeloupe que vous représentez, madame la rapporteure.

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