Intervention de Stéphane Baudu

Séance en hémicycle du jeudi 28 janvier 2021 à 15h00
Indemnisation des catastrophes naturelles — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Baudu, rapporteur de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Voilà bientôt quarante ans que notre régime d'indemnisation des catastrophes naturelles n'a pas été réformé. La loi n° 82-600 du 13 juillet 1982, elle aussi issue d'une initiative parlementaire, créa ce régime spécial, original, qui associe acteurs publics et privés. Depuis quarante ans, il protège nos concitoyens des conséquences des risques naturels auxquels nos territoires sont inévitablement exposés. Peu de pays disposent d'un régime comparable. Son cadre général, fondé sur une reconnaissance préalable de l'état de catastrophe naturelle par l'État, organise avec précision la contribution des assureurs. En cela, le régime dit CATNAT constitue une chance, puisqu'il garantit à nos concitoyens une protection contre les risques naturels.

Les dernières années ont rendu tristement visible la montée en puissance du dérèglement climatique. Induit par nos propres activités, il menace les sociétés humaines en accroissant la fréquence et l'intensité des catastrophes naturelles. Aussi, alors que notre territoire national subissait déjà une sinistralité élevée, nous pouvons d'ores et déjà observer une augmentation de l'ampleur et de la redondance de certains phénomènes naturels, en particulier les inondations et les sécheresses. Les changements climatiques révèlent et aggravent les faiblesses de notre régime CATNAT, figé depuis 1982. Il nous appartient désormais de le faire entrer dans une nouvelle ère, pour affronter le dérèglement climatique, sans affaiblir la protection de nos concitoyens.

Beaucoup d'entre vous, mes chers collègues, avez constaté les limites de ce régime dans vos propres territoires. Vous avez pu observer l'enchaînement tragique que déclenche une catastrophe naturelle : la violence de la nature, le choc du drame, puis le silencieux parcours du combattant que mènent les sinistrés pour obtenir une indemnisation. Face à des procédures opaques et si longues, ces foyers se trouvent désemparés et partagent un même sentiment d'impuissance et d'injustice. Dans mon département du Loir-et-Cher, de nombreux habitants affrontent les pernicieuses conséquences de la sécheresse, notamment lorsque s'y ajoutent des épisodes pluvieux. Le retrait-gonflement des sols argileux provoque des mouvements de terrain ; ce phénomène se distingue par des conséquences sur l'habitat difficiles à caractériser, et par une apparition tardive des dégâts, lesquels surviennent des mois, voire des années après la sécheresse. Les épisodes de sécheresse-réhydratation concernent près de 70 % du territoire métropolitain, à l'exemple de l'épisode sévère de 2018.

Confronté aux alertes des sinistrés et des maires de ma circonscription, j'ai décidé de mener un travail sur l'indemnisation des catastrophes naturelles, convaincu de l'urgence de réformer un régime dont les faiblesses ont été mises en évidence ces dernières années. Je sais que nombre de mes collègues parlementaires partagent ma conviction, comme en attestent les travaux conduits par la sénatrice Nicole Bonnefoy, ainsi que les initiatives de députés de tous bords. Je salue à cet égard l'action de notre collègue Vincent Ledoux, qui s'est beaucoup mobilisé sur le sujet, en particulier sur ce problème de sécheresse-réhydratation.

Tous les acteurs attendaient cette réforme, comme j'ai pu le vérifier au cours des auditions que j'ai conduites. Les sinistrés, souvent constitués en association, appelaient l'amélioration du régime, pour davantage de transparence et d'efficacité. Les assureurs demandaient ces évolutions, afin de renforcer la protection de leurs assurés et de réduire les contentieux que provoquent les ambiguïtés du régime actuel. Enfin, la puissance publique, dont l'intervention est centrale dans ce système d'indemnisation, était consciente des limites du régime. Par conséquent, l'ensemble des concertations et auditions ont abouti à ce texte, que je crois équilibré, et que nous pouvons, que nous devons adopter avant la fin de la législature.

Cette proposition de loi répond à une double ambition. D'une part, elle vise à améliorer les procédures, pour les rendre plus transparentes et plus protectrices de nos concitoyens ; d'autre part, elle tend à préparer l'avenir, en engageant une réflexion sur nos politiques de prévention.

Notre premier défi est d'affermir la confiance des Français dans ce régime, en assurant sa totale transparence. Le sentiment d'abandon dont les sinistrés nous font part tient avant tout à l'opacité des procédures ; ne pas comprendre les procédures et les décisions, c'est rester dans une insupportable incertitude, qui empêche de reconstruire sereinement ce que la nature a détruit. C'est pourquoi l'article 1er de ce texte oblige à motiver les décisions et à expliciter les voies de recours. De même, l'article 4 inscrit dans la loi l'existence de la commission interministérielle chargée d'émettre un avis sur la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Créée par la circulaire n° 84-90 du 27 mars 1984, l'opacité de son fonctionnement et de ses critères suscite bien des critiques. Pourtant le gouvernement suit généralement son avis pour publier l'arrêté de reconnaissance CATNAT. Or c'est précisément cet arrêté qui conditionne l'indemnisation des assurés. Il n'est donc pas acceptable qu'une décision si importante pour tant de foyers sinistrés reste incomprise et ne soit pas pleinement transparente. Je propose donc de figer dans la loi l'existence de la commission interministérielle, et de créer une commission consultative pour étudier la pertinence des critères qu'elle applique. La publication d'un avis annuel nous permettra d'examiner régulièrement les critères appliqués pour décider de l'état de catastrophe naturelle ; c'est en garantissant la transparence que nous affermirons la confiance des Français dans le régime.

En outre, pour permettre une circulation efficace de l'information, l'article 2 prévoit l'élaboration de supports de communication destinés à expliquer les étapes de la procédure à nos concitoyens. Il vise également à simplifier le dialogue de l'État avec les élus locaux, en instituant un référent CATNAT au sein des préfectures. Aujourd'hui, lorsqu'un drame survient – comme souvent d'ailleurs – , c'est vers le maire que nos concitoyens se tournent : c'est lui le principal interlocuteur des sinistrés, parce qu'il est chargé de déposer la demande de reconnaissance CATNAT. En toute logique, les habitants de la commune concernée attendent qu'il leur fournisse les informations et les explications dont ils ont besoin. Pourtant, faute d'un dialogue efficace avec les services de l'État, il se trouve dans le même désarroi et la même impuissance que ses administrés. C'est pourquoi cet article vise à accompagner davantage les maires et à favoriser la circulation d'une information claire et transparente.

Notre second défi consiste à sécuriser et à simplifier l'indemnisation des sinistrés. À cet égard, le texte propose un cadre plus protecteur pour les foyers sinistrés. Afin de remédier à l'inefficacité constatée de certaines réparations, l'article 5 tend d'abord à rendre obligatoire la réalisation des travaux de nature à permettre un arrêt des désordres existants. Il aborde ensuite la question des délais, qui freinent l'accès à l'indemnisation. Les délais que nous observons actuellement sont trop courts pour déclarer un sinistre, et trop longs pour obtenir réparation. C'est pourquoi je propose d'étendre le délai de déclaration des sinistres et de réduire celui du versement de l'indemnisation du phénomène de sécheresse-réhydratation.

L'article 8 étend quant à lui le délai de reconnaissance du régime dit CNAT. En effet, dans le cas précis de cet aléa, l'apparition des dégâts est bien souvent postérieure à la survenance du phénomène.

Toujours dans un esprit de justice et afin de protéger nos concitoyens, l'article 6 intègre les frais de relogement d'urgence des sinistrés aux montants pris en compte dans le calcul de l'indemnisation, et l'article 3 supprime la possibilité de moduler la franchise restant à la charge de l'assuré, selon que la commune est dotée ou non d'un plan de prévention des risques naturels (PPRN). Le dispositif actuel est, à juste titre, vécu comme une injustice, puisque les habitants ne peuvent strictement rien à l'existence ou non d'un plan de prévention, mais en subissent les conséquences financières.

Enfin, pour ouvrir une nouvelle ère dans la gestion des risques naturels, le troisième défi consiste non seulement à penser une politique de prévention ambitieuse, mais aussi son articulation avec nos politiques d'indemnisation. Le dérèglement climatique oblige à cette adaptation ; c'est pourquoi l'article 7 prévoit la remise au Parlement d'un rapport gouvernemental sur l'adaptation des dispositifs de prévention et d'indemnisation aux particularités du phénomène de sécheresse-réhydratation des sols.

Pour ce risque précis en effet, les dispositifs actuels ne suffiront pas. Il faut cependant souligner les apports de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite ELAN, qui devrait permettre une meilleure résilience de l'habitat neuf, tandis que le régime d'indemnisation dit CATNAT a apporté une réponse aux phénomènes exceptionnels. En dehors de ces deux situations, nombre de constructions existantes sont ou seront touchées à court terme, sans aucune solution d'accompagnement financier : je pense notamment aux maisons construites dans les années 1970.

Il faudra donc apporter d'autres réponses préventives ou curatives : c'est l'enjeu de l'article 7, qui doit nous inviter à nous saisir plus largement de la question de la prévention. À cet égard, la récente budgétisation du fonds Barnier offrira au Parlement l'opportunité de se saisir de la question des politiques publiques de prévention, lorsque seront examinées les prochaines lois de finances.

Voici, mes chers collègues, l'ambition que porte cette proposition de loi, adoptée à l'unanimité par la commission des finances. Les mesures proposées sont très attendues. Ces évolutions sont urgentes et leurs impacts pour nos concitoyens, majeurs. Aussi notre responsabilité est-elle grande : il nous appartient désormais d'améliorer le présent texte pour toujours plus de transparence, d'efficacité et de protection pour les Français.

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