Intervention de Frédérique Vidal

Réunion du mercredi 8 novembre 2017 à 16h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation :

Vous avez raison, monsieur Juanico, l'orientation doit démarrer le plus tôt possible, c'est-à-dire dès le collège. Il faudra continuer à encourager et soutenir toutes les initiatives comme les cordées de la réussite qui sont effectivement extrêmement intéressantes, qui lèvent souvent une forme d'autocensure ou d'inhibition chez les collégiens, et qui leur montrent l'enseignement supérieur comme un domaine qu'ils peuvent appréhender d'une autre façon.

S'agissant des lycées, il n'est pas question que l'avis du conseil de classe soit caché à qui que ce soit. Les attendus seront disponibles a priori au plus tard au début du mois de janvier. Nous travaillons ces attendus au niveau national avec les conférences des doyens et ils correspondront à chacune des quarante-cinq mentions de licence. Si certaines universités n'ont pas tous les parcours, elles seront amenées à apporter des précisions mais les attendus seront bien préparés au niveau national. La transparence des réponses sera à la discrétion du lycéen. S'il donne les codes à ses parents, ceux-ci pourront lire les réponses, celles-ci étant adressées au lycéen. J'ai oublié de préciser que nous allons également mettre en place un comité scientifique et d'éthique pour surveiller le fonctionnement de cette plateforme et disposer d'une analyse. Il s'agit d'éviter les dérives et de faire en sorte que l'État joue son rôle de régulateur au travers des recteurs, notre objectif étant de ne surtout pas faire une réforme qui prive de l'accès à l'enseignement supérieur. C'est pour cela que ce sont les recteurs – donc l'État – qui fixent les capacités d'accueil.

Vous avez parlé de la loi Fioraso et de la fixation de quotas pour l'accès des lycéens des bacs technologiques dans les IUT et STS. Une expérimentation prévoyant que le conseil de classe de terminale donne un avis pour que l'élève puisse enter plus facilement en BTS a été lancée l'année dernière. Cette expérimentation a très bien fonctionné dans les cinq académies qui l'ont mise en oeuvre. Cette année, vingt-trois autres académies se sont également engagées – il n'en reste que sept à ne pas l'avoir fait. Nous dresserons un bilan de cette expérimentation. Si celle-ci est aussi concluante que la précédente, nous ferons en sorte que cette expérimentation devienne la règle. Cela signifiera que nous aurons trouvé un bon dispositif pour que les BTS accueillent plus et mieux les bacheliers professionnels. Là aussi, nous devrons veiller au taux de passage en deuxième année, car il est important que ces élèves réussissent en BTS.

Quant à l'entrée en IUT, pour le moment les quotas sont laissés à la discrétion de ces instituts qui annoncent, a posteriori, le pourcentage de bacheliers technologiques accueillis dans ces formations. Nous travaillons avec les directeurs d'IUT et les présidents d'université, de manière à voir si l'on peut appliquer là aussi ce mécanisme de recommandation des conseils de classe de terminale technologique.

Il faut s'interroger sur le fait que 85 % des titulaires d'un DUT poursuivent leurs études, alors que ces filières sont conçues pour être courtes et conduire à l'emploi à l'issue de la formation. Ne doit-on pas, comme le demandent les directeurs d'IUT, positionner finalement le curseur sur les licences professionnelles ? Mais, par définition, ce sont des licences professionnelles parce qu'elles n'autorisent pas la poursuite d'études. Dans ce cas, il faut réfléchir à des passerelles avec les licences générales pour ceux qui n'arrivent pas se projeter sur cinq ans d'études après leur bac, mais qui finalement changent d'avis et se verraient bien faire deux ans d'études supplémentaires. Comme les IUT sont au sein des universités, il faut travailler sur ces passerelles entre les licences générales et ces formations de DUT. Cela fait partie de cette façon de repenser de manière beaucoup plus souple le premier cycle universitaire dans son ensemble, IUT inclus.

S'agissant de l'aide globale d'autonomie, on sait que les régions, les collectivités, les villes ou les métropoles, selon les cas, instaurent des chèques santé, prévoient des accompagnements pour baisser le coût des transports etc. D'où l'idée d'un endroit où l'étudiant pourrait avoir accès à l'ensemble des informations, saisir une fois pour toutes son dossier et savoir à quel type d'aide il a droit – bien souvent, il renonce à demander par ignorance. Il faut procéder à un travail de mise en cohérence de l'information parce que les choses sont très variables d'une région à l'autre, d'une ville à l'autre.

Dans le projet de budget pour 2018, nous avons fait le choix d'augmenter les crédits de fonctionnement des universités et, pour la première fois, de prendre en compte totalement la compensation des mesures salariales de l'État dans les établissements. J'insiste sur ce point parce que, et je le dis sans blesser personne, il y a une différence entre annoncer par exemple la création de 1 000 postes chaque année pendant cinq ans dans l'enseignement supérieur, et la réalité. Si on fait une telle annonce mais que l'on ne compense pas le glissement vieillesse-technicité (GVT), les universités ne recruteront pas mais utiliseront la masse salariale ainsi transférée pour payer leurs personnels qui, par avancement interne ou concours, voient leurs salaires augmenter. Nous avons considéré quant à nous qu'il fallait d'abord calculer réellement le coût du GVT, le coût des mesures salariales de l'État, et garantir aux universités qu'elles seraient à même de prendre en charge ces mesures, et ensuite identifier les financements supplémentaires pour qu'ils aillent bien là où nous le souhaitons. C'est une autre façon de faire, et si j'étais encore présidente d'université, je serais contente que cette méthode soit employée car elle va simplifier la vie des universités pour construire leur budget.

Bien évidemment, j'ai lu la stratégie nationale de l'enseignement supérieur (StraNES) et le livre blanc, et j'entends bien la préconisation d'investir 1 milliard par an, ce qui inclut que l'on puisse construire de nouveaux locaux pour accueillir les étudiants. Mais je ne sais pas réaliser de telles constructions d'ici à la rentrée de septembre 2018. Cela fait dix-huit ans que l'on sait que l'enseignement supérieur serait confronté à une vague démographique importante… Il ne fallait pas attendre décembre 2017 pour envisager ces projets.

Là encore, je procède de manière réaliste. Par exemple, j'ai demandé aux doyens des facultés de sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) de regarder quelles infrastructures sportives pourraient éventuellement être louées autour des sites universitaires ou dans les villes voisines, leur problème n'étant pas celui du nombre de chaises ou d'amphithéâtres…. Je vais tout faire pour qu'il y ait davantage de places dans cette filière au mois de septembre 2018, sans pour autant prétendre que j'aurai construit des gymnases en six mois, parce que ça, je ne sais pas le faire.

Voilà la première raison pour laquelle je pense qu'il vaut mieux avoir un milliard d'euros spécifiquement dédié à la réforme, comme c'est le cas actuellement, et être en mesure d'apporter des réponses pragmatiques, plutôt que de demander un milliard d'euros par an. Pourquoi pas deux ou trois ? Là encore, c'est la réalité qui doit nous guider : le budget pour 2018 de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation augmente – et il est prévu qu'il augmente sur toute la durée du quinquennat – et 1 milliard d'euros supplémentaire est spécifiquement dédié à la réforme et ne se diluera pas dans autre chose.

Vous m'interrogez sur la question spécifique de la sous-dotation de l'université technologique de Troyes. Je peux vous faire rencontrer tous les présidents d'université. Ils calculeront tous la dotation à laquelle ils ont droit et qu'ils n'ont pas, ils se référeront tous à quelqu'un d'autre. J'ai annoncé aux présidents d'université que je ne comprenais pas la façon dont les budgets étaient répartis depuis des dizaines d'années, sur la base d'un modèle qui a existé à un moment, mais qui n'a jamais été vraiment appliqué – c'est le fameux modèle SYMPA, système de répartition des moyens à la performance et à l'activité, que tous les universitaires connaissent – et qui se traduit par une construction à partir d'une règle de trois. Voilà pourquoi, là encore, je préfère avoir un 1 milliard d'euros supplémentaires sur le quinquennat spécifiquement dédié à la réforme.

Cela dit, pour bien connaître ce qui se fait à l'université technologique de Troyes et les capacités de cette université à travailler avec le monde socio-économique qui l'entoure, je ne doute pas qu'elle soit capable de mobiliser des ressources propres, au travers de formations professionnelles ou de formations continues.

Le travail des étudiants est un sujet dont nous nous sommes emparés. Il n'est pas complètement abouti, donc je ne peux pas en parler aussi facilement que je le souhaiterais. Je suis convaincue en tout cas que nous devons faire beaucoup plus confiance à nos étudiants : il faut que sur les campus, nous soyons en mesure de leur confier plus de jobs étudiants, par exemple pour faire en sorte que les bibliothèques universitaires soient ouvertes plus longtemps. Pendant qu'ils seront payés pour surveiller les bibliothèques, ils pourront travailler à leurs études. De même, ils pourraient surveiller des salles informatiques ou des salles de ressources partagées tout en étudiant. On ne bénéficie pas suffisamment dans les établissements de toute l'énergie des étudiants. Or je suis persuadée qu'il vaut mieux qu'ils aient un job étudiant dans leur établissement plutôt que d'aller travailler la nuit dans des activités qui ne leur apportent rien. Cela permettra aussi de beaucoup mieux valoriser un certain nombre de compétences, y compris dans les cursus. Cela nous ramène à la question de la valorisation de l'engagement étudiant, qui sera bien plus facile dans ces conditions, même si l'étudiant est rémunéré.

Pour les étudiants de moins de vingt ans, demandez donc autour de vous s'il était si clair pour les jeunes qui s'inscrivaient qu'ils n'avaient pas à payer les 217 euros. Pour ma part, j'en connais beaucoup qui ont découvert qu'en fait, ils n'étaient pas du tout obligés de prendre la Sécurité sociale étudiante. Il aurait donc fallu repréciser ce point.

En tout état de cause, la cotisation au fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes, la cotisation pour la visite médicale, et le coût des cotisations – certes facultatives – de culture et de sport, correspondent exactement au premier niveau de cotisation, fixé à 60 euros. S'il reste des cas particuliers, nous les examinerons. Nous avons travaillé en masse, c'est pour cela que nous annonçons 100 millions d'euros de pouvoir d'achat rendu aux étudiants, sans entrer dans les détails. Les exemples que nous avons pris sont fiables, mais nous n'avons pas encore analysé tous les cas particuliers.

Concernant les doctorants, lorsqu'ils bénéficient de contrats doctoraux, ils sont considérés comme des personnels des établissements, et donc exemptés de tout, comme les boursiers. Nous examinons quelle est la part des doctorants qui ne payent pas la Sécurité sociale étudiante et cotisent déjà au régime général. Notre objectif est que personne ne se retrouve à payer plus ; il s'agit ici de cas particuliers. Concrètement, avec ce que nous proposons, un étudiant de plus de vingt ans en troisième année de licence économisera 178 euros à la rentrée. Nous n'annonçons pas dans le détail qui gagnera combien à la rentrée, car nous sommes en train de procéder aux estimations détaillées, mais la somme globale de 100 millions d'euros est confirmée par Bercy. Cette cotisation concernera tous les étudiants, et sera payée aux CROUS, de manière que la redistribution se fasse au travers des aides sociales.

S'agissant de la ligne 18 du Grand Paris Express, j'ai déjà été alertée à plusieurs reprises, ainsi que la ministre des transports et le Président de la République. Nous sommes parfaitement informés de l'enjeu qu'elle représente et sommes à l'écoute de l'ensemble des attentes des habitants du Plateau de Saclay, des contraintes des zones protégées et de celles des agriculteurs. Aucune décision n'est prise à ce stade, mais nous sommes conscients de l'importance cruciale de pouvoir disposer d'un équipement permettant de se déplacer sur cette zone de manière beaucoup plus fluide.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.