Intervention de Frédérique Vidal

Réunion du mercredi 8 novembre 2017 à 16h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation :

Le Gouvernement est convaincu que nous devons amener le plus possible de jeunes vers une qualification. Les chiffres sont là : le taux de chômage des moins de 25 ans est de l'ordre de 25 %, mais il tombe à 6 % parmi les titulaires d'un diplôme de niveau bac + 2. Donc, le diplôme, l'enseignement supérieur, protège du chômage.

Bien sûr, la grande majorité des lycéens souhaite être accompagnée, et c'est la raison pour laquelle nous avons proposé la mise en place de filières plus personnalisées et plus « à la carte » dans le supérieur. Ils entendent, pour une partie d'entre eux, qu'il peut être nécessaire de procéder à des remises à niveau. J'ai rencontré beaucoup d'étudiants, en première année et au-delà, qui m'ont dit qu'ils auraient bien aimé bénéficier d'une telle remise à niveau. Pour moi, le mérite est là : c'est accepter, comme le fait la très grande majorité des jeunes, de travailler plus parce qu'on tient à un projet qu'on a construit. Ils seront accompagnés pour passer d'une envie de jeunesse, à plus aucune envie – parce que les jeunes passent souvent par une période où ils n'ont plus envie de rien – puis à un projet que nous les aiderons à élaborer. C'est cette envie de travailler, y compris de travailler plus pour réussir, qu'il faut encourager et valoriser, parce que rien ne s'obtient sans rien. Et les jeunes aussi sont capables de l'entendre.

Nous avons maintenu le dispositif « meilleurs bacheliers », qui permet de reconnaître le mérite, les meilleurs bacheliers ayant accès à la filière de leur choix, qu'elle soit sélective ou non. C'est aussi un encouragement. Notre objectif est bien d'encourager les jeunes à réussir, ce qui ne signifie pas qu'on leur dit que ce sera facile. Il faut juste leur expliquer la réalité du chemin et les aider à arriver au bout.

Les enseignants du secondaire comme les enseignants-chercheurs du supérieur vont enfin retrouver le plaisir d'aider vraiment les jeunes à réussir. Il est très difficile pour eux de constater ce taux d'échec année après année, d'avoir le sentiment que tout le monde s'y est habitué, et que personne ne fait rien pour que ça change.

S'agissant de la possibilité d'inclure plus de stages, c'est exactement l'idée de la formation « à la carte ». Si nous avons un souci depuis très longtemps dans les universités, c'est que nous nous sommes acharnés à opposer les filières professionnalisantes aux filières académiques. Or pour que notre pays fonctionne, nous avons besoin de jeunes diplômés à l'issue de formations courtes ou dotés de diplômes d'ingénieurs ou de masters qui soutiendront l'économie, mais également de professeurs d'université, de chercheurs, qui prépareront eux aussi l'économie de demain ; ils ajouteront de la connaissance et seront capables de la transmettre.

On ne peut pas imaginer que le même parcours amène à un bac + 2 ou un bac + 8. Il faut donc prévoir des parcours beaucoup plus modulaires, plutôt que des formations en tuyaux définies dès le départ. Actuellement, les professeurs et les chercheurs d'une discipline donnée veulent former ceux qui vont travailler avec eux et leur succéder, et leur formation est incompatible avec les stages ou l'expérience avec le monde du travail.

Notre système « à la carte » permettra plus de souplesse. Les étudiants, avides de connaissance, qui iront jusqu'aux carrières académiques, pourront choisir de faire histoire, histoire, et encore histoire. Les étudiants qui hésitent, ou qui souhaitent faire des formations plus professionnelles, plus ancrées dans la réalité, au moins dans un premier temps – ils pourront toujours changer d'avis et revenir plus tard à l'université, l'idée étant aussi d'avoir une université beaucoup plus ouverte – pourront choisir d'étudier la discipline, mais aussi des stages, des modules entrepreneuriat, des modules « connaissance de l'entreprise », et construire ainsi leur parcours.

L'objectif est d'arrêter d'opposer les formations professionnelles aux formations académiques, et de proposer un ensemble de briques à partir desquelles, de manière guidée, et en fonction de ce dont il a envie, l'étudiant pourra construire son projet. Nous aurons ainsi des étudiants qui choisiront de faire des mathématiques pour devenir chercheurs en mathématiques, et nous en aurons de plus en plus besoin. Mais nous aurons aussi attiré des jeunes qui s'apercevront qu'ils ont besoin des mathématiques pour faire un autre métier que mathématicien. C'est vrai en licence, et ça doit aussi l'être en master. Cela nous impose de décloisonner et de passer « à la carte ».

La PACES est un cas très spécial, et il n'est pas prévu de la modifier. Nous avons travaillé avec les doyens de facultés de médecine : ceux qui veulent tenter leur chance au niveau du concours, en ayant été informés, peuvent le faire.

En revanche, nous analysons deux types d'expériences en cours, dont les résultats vous seront présentés. Certaines universités, tout d'abord, ont ouvert des années préparatoires à la PACES ; nous allons en évaluer l'efficacité. Ensuite, d'autres universités se sont dotées d'un portail plus large qui permet de tenter le concours ou de réussir sa première année pour passer en deuxième année. Là encore, nous dresserons le bilan de cette expérimentation et vous le présenterons.

En clair, nous ferons en sorte qu'il y ait autant de places en PACES que de candidats et nous évaluerons les expérimentations en cours. Nous poursuivons cet objectif pour l'ensemble des filières qui se sont trouvées en tension – étant entendu que c'est plus simple pour la PACES car, très souvent, les cours sont retransmis dans plusieurs amphithéâtres, ce qui résout la question du manque de places.

J'en viens à la question des baccalauréats généraux qui conduisent aux filières courtes et professionnelles et des bacheliers technologiques et professionnels qui en sont exclus. Nous créerons des places en BTS et dans les filières courtes professionnalisantes, mais nous devons impérativement nous demander pourquoi les bacheliers généraux se dirigent vers ces filières : s'il ne s'agit que d'un accompagnement en vue d'intégrer une école d'ingénieur, mieux vaut alors s'inscrire en classes préparatoires – il y reste 2 500 places. Les IUT, en effet, sont parfois considérés comme une autre manière d'accéder aux écoles d'ingénieurs et de commerce. Il nous faut identifier clairement les filières qui permettent d'accéder à ces écoles afin de laisser les IUT jouer leur rôle, c'est-à-dire former des jeunes qui prendront un emploi à bac+2 ou bac+3. Ce travail de longue haleine suppose de cerner finement les raisons pour lesquelles ces jeunes s'inscrivent en IUT plutôt que dans des filières qui les conduiraient tout aussi bien vers des écoles d'ingénieurs, des écoles de commerce ou des grandes écoles. Il se pose aussi une question de proximité, et nous devrons sans doute nous interroger sur la manière d'accéder à l'enseignement supérieur, au moins la première année, dans un établissement situé au plus près de chez soi – c'est un autre problème.

Il va de soi que les conseillers d'orientation–psychologues jouent un rôle essentiel, mais le nombre d'élèves qui prennent rendez-vous avec ces conseillers montre qu'il ne s'agit pas encore d'une démarche naturelle. Nous comptons sur les commissions mixtes que nous allons établir et sur le dialogue que nous susciterons entre l'enseignement secondaire et l'enseignement supérieur, car ce sont les enseignants qui connaissent très bien les élèves, à qui ils enseignent parfois depuis la seconde. C'est d'autant plus important si leurs collègues du supérieur parviennent à leur expliquer ce qu'ils attendent des élèves, même s'il est très difficile de formuler cinq ou six attendus. La question n'est évidemment pas d'obtenir de bonnes notes dans telle ou telle matière : les universités disposent des dossiers et ces données sont faciles à consulter. En revanche, il est plus difficile de déterminer si tel lycéen aime lire et s'il s'interroge sur ce qu'on lui apprend ; cela, les enseignants le savent parce qu'ils côtoient les élèves. Lorsque les attendus portent sur la curiosité ou la capacité de lecture, par exemple, ce sont les professeurs qui pourront en juger bien davantage que des personnes qui ne voient pas les élèves tous les jours. Plusieurs propositions d'attendus ont déjà été formulées et devraient permettre de cerner le profil complet des élèves, bien au-delà des seuls relevés de notes.

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