Intervention de Isabelle Florennes

Séance en hémicycle du lundi 1er février 2021 à 21h00
Respect des principes de la république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Florennes :

Nos travaux sont nourris d'échanges, de lectures et d'écoute. Peu de temps avant le début de l'examen de ce projet de loi, j'ai eu l'occasion d'entendre l'interview du chanteur et écrivain Abd al Malik. Je le cite : « Aujourd'hui, on nous parle beaucoup de la République. On nous dit que c'est fabuleux. Mais en réalité, si on veut comprendre ce qu'est la République réellement, ça doit être incarné, incarné par des êtres, incarné par des valeurs, incarné par des attitudes. Pareil pour la France : on nous dit que la France c'est fabuleux, mais ça doit être incarné. Moi, j'ai eu la chance de rencontrer des êtres qui incarnaient tout ça ; j'ai rencontré la République dans des enseignants fabuleux qui incarnaient la République, j'ai rencontré la France en la personne de Juliette Gréco, j'ai rencontré les valeurs qui sont les nôtres, les valeurs de justice, d'intelligence, de dialogue dans la figure d'un Albert Camus. »

Ces mots me semblent être les bons : une république incarnée, c'est une république présente, une république qui refuse l'assignation, une république qui infléchit le destin de ses enfants. Mais que se passe-t-il malheureusement aujourd'hui ? D'autres le font à sa place, d'autres le font contre elle. Partout où la laïcité n'est plus, où l'égalité n'est plus, où la justice n'est plus, la République souffre, la République recule. Réaffirmer la République, lui donner de nouvelles incarnations, rappeler ses valeurs et ses principes, voilà ce qui nous préoccupe aujourd'hui pour lutter efficacement contre les idéologies qui la bousculent.

Mais un texte seul ne fait pas une politique. Il nous faudra travailler à recréer une véritable mixité sociale, à poursuivre la réforme de notre système éducatif, à repenser l'aménagement de nos territoires. Le projet politique dessiné ici poursuit cet objectif : la reconstruction de nos politiques publiques autour de la promesse républicaine. Sans cela, nous ne parviendrons pas à regagner la confiance de nos concitoyens, qui continueront de chercher une alternative ailleurs, en marge, en dehors des règles républicaines et, alors, nous ne ferons plus corps. La division, voilà ce qui nous menace si nous ne replaçons pas la promesse républicaine au coeur de notre action.

Cette entreprise commence avec la réaffirmation de la prééminence de la laïcité menacée de multiples manières. Il n'est pas naïf de croire, encore aujourd'hui, qu'elle est le garant d'un espace public non discriminant, au sein duquel l'ensemble des citoyens français peuvent, indistinctement, trouver leur place. Il n'est pas naïf de croire encore que la laïcité demeure un principe central de la République sans lequel notre société, dans sa pluralité, ne connaîtra pas d'avenir heureux. À ceux qui la refusent en invoquant à tort son caractère excluant, je rappelle que, loin d'être une entrave, la laïcité nous protège et nous rassemble.

Compte tenu des enjeux, un texte tel que celui-ci aurait pu donner lieu à un verbiage désincarné : ce n'est pas le cas. Avec ce projet de loi, nous sortons enfin des traditionnelles ambages sur la question et regardons en face l'étendue du problème. Les brèches ouvertes depuis de trop nombreuses années par les menaces que j'ai évoquées trouvent ici une réponse.

J'entends certains collègues, à droite, nous dire que nous n'allons pas assez loin et que le texte est incomplet. Pourtant, les sept textes de loi sur la sécurité intérieure adoptés pendant le mandat de Nicolas Sarkozy n'ont pas permis de régler le problème. J'entends d'autres collègues, dans les rangs de la gauche, affirmer que ce texte pourrait être liberticide. Je me souviens alors de cette nuit de 2015 où, cette même gauche, par la voix du Président de la République, eut la terrible idée de créer la déchéance de nationalité.

Je remercie le Gouvernement et le ministre de l'intérieur de nous présenter un texte solide, équilibré et courageux. Certes, on peut toujours aller plus loin, mais franchissons déjà cette étape ensemble. Les rapporteurs l'ont rappelé : autour des axes structurant le projet de loi se décline une palette d'outils juridiques et de mesures qui prennent le problème par la racine tout en préservant les libertés fondamentales de nos concitoyens.

Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés estime toutefois qu'il est encore possible de progresser sur certains sujets, dans la droite ligne de ce que nous avons proposé et obtenu en commission, notamment la création sur le fond de promesses républicaines, le renforcement de la protection des agents du service public ou encore l'accès à l'instruction en famille. Nous formulons plusieurs propositions : extension du principe de neutralité aux associations encadrant des mineurs, présence de référents laïcité dans les établissements de santé, rétablissement de la symétrie entre les associations relevant de la loi de 1901 d'une part, et les associations cultuelles et les fondations de l'autre. Enfin, nous vous ferons des propositions concernant l'encadrement du recours à l'instruction en famille, qui est totalement préservée et à laquelle nous sommes attachés, ainsi que l'organisation d'un véritable suivi du parcours des enfants.

Ce corpus de propositions a été bâti en toute cohérence avec l'esprit du projet de loi. Nos propositions sont avant tout destinées à enrichir le texte, dont nous pensons qu'il est à la hauteur des enjeux actuels et qu'il apporte des réponses fortes là où les principes républicains se trouvent affaiblis. C'est en effet cela dont il s'agit : réaffirmer partout où c'est nécessaire la prééminence des lois de la République, réaffirmer sa présence et l'ancrer à nouveau dans la vie de nos concitoyens. Cela passe, certes, par des mesures de fermeté, mais aussi par des mesures de soutien, parce que la laïcité ne se trouve renforcée que dans l'égalité et la justice. Il ne s'agit donc, en aucun cas, de stigmatiser mais plutôt de rappeler les règles du vivre ensemble, celles qui protègent l'espace public, en font un espace de cohabitation et de coexistence, celles aussi qui protègent le for intérieur de chacun.

C'est dans cet esprit et dans celui dans lequel se sont déroulés les débats en commission spéciale – ce dont nous pouvons nous féliciter – que le groupe Dem entend avancer. Nous devons aux Français une discussion éclairée et apaisée. Notre groupe croit sincèrement qu'il n'y a aucune fatalité au repli communautaire et à l'islamisme radical. Nous sommes fermement convaincus qu'il est encore possible de faire corps autour de la promesse républicaine. C'est bien pour cette raison que nous appelons de nos voeux un plan dédié à l'égalité des chances, pour compléter ce projet de loi, car il n'y aura pas d'issue en dehors de la recherche de la concorde nationale et du devoir républicain de faire à chacun la place qui lui revient, de tisser et de retisser la toile du lien, selon lequel en démocratie et en république, nous sommes tous unis solidairement les uns aux autres.

1 commentaire :

Le 06/03/2021 à 09:52, Laïc1 a dit :

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Pour certains, la solidarité s'achève là où le voile commence... Et le droit au blasphème aussi bien sûr.

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