Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du mardi 2 février 2021 à 21h00
Respect des principes de la république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Il est peu de dire que ce projet de loi était attendu par la représentation nationale. Après le discours prononcé aux Mureaux par le Président de la République et l'odieux attentat commis contre Samuel Paty, lâchement assassiné parce qu'il apprenait à ses élèves à être des citoyens épris de liberté, chacun était en droit d'attendre un texte qui nous permettrait de nous hisser à la hauteur des enjeux de notre époque. C'est ce qu'avaient su faire nos augustes prédécesseurs au début du XXe siècle en votant une loi dont Jean Jaurès disait avec raison qu'elle fut le plus grand achèvement depuis la Révolution française. Le décret du 3 ventôse An III avait en effet ouvert la voie, puis celui du 2 avril 1871, voté à l'unanimité par la Commune de Paris, qui mettait en oeuvre la laïcisation de l'État, stipulant dans son article 1er : « L'Église est séparée de l'État », et dans son article 2 : « Le budget des cultes est supprimé. »

La loi du 9 décembre 1905 a été construite par les parlementaires ; c'est toujours bon à rappeler alors que certains ici se font les chantres d'un présidentialisme débridé. Cette loi a consacré le principe de laïcité, garantissant ainsi la liberté de conscience et l'égalité entre tous les citoyens. Contre l'intransigeance de Pie X et de son secrétaire d'État, le cardinal Rafael Merry del Val, le législateur de 1905 a acté la séparation des Églises et de l'État et la neutralité de ce dernier en matière religieuse. Ce sont les Briand, Jaurès, Allard, Buisson qui étaient en ce temps les séparatistes soucieux de mettre fin aux conflits qui opposaient depuis des siècles pouvoir temporel et pouvoir spirituel, donnant lieu à des guerres de religion et à de violents affrontements entre républicains et Églises.

Nous sommes éternellement redevables à ces parlementaires qui ont érigé la laïcité au rang de valeur fondamentale de notre République et qui ont donné à notre pays cette singularité regardée avec beaucoup d'attention dans le monde entier. Nous ne cesserons jamais de nous réjouir que la France soit passée à cette occasion du statut de petite fille de l'Église à celui de digne héritière de la philosophie des Lumières.

Chacun en conviendra : le projet de loi en discussion n'est pas de la même épaisseur historique, d'abord parce qu'il a peu à voir avec la laïcité, à l'exception notable de l'extension de la neutralité pour les délégataires des missions de service public, à l'exception aussi des articles ayant trait à l'organisation des associations cultuelles. Sur ces points, nous considérons que le Gouvernement va dans le bon sens. En revanche, nous n'approuvons pas l'article 28 du projet de loi, qui leur permet de bénéficier d'immeubles de rapport, et de se transformer ainsi en gestionnaires de patrimoine immobilier, ce qui est contraire à la loi de 1905, laquelle ne leur permet rien d'autre que la gestion du culte. Censée favoriser l'autonomie financière du culte musulman, cette mesure est en outre contre-productive, puisqu'elle profitera avant tout aux cultes les plus anciens en France, dont les fidèles seront plus à même de transmettre des biens.

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