Intervention de Ugo Bernalicis

Séance en hémicycle du jeudi 4 février 2021 à 15h00
Respect des principes de la république — Article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Merci monsieur le président. Je vais en profiter pour défendre la cohérence de l'ensemble des amendements que nous défendons à cet article 3 relatif au FIJAIT.

On voit bien quel est le noeud de l'affaire : la question est de savoir ce qu'on veut faire de ce fichier. L'article inverse la logique qui prévaut actuellement en rendant obligatoire l'inscription au FIJAIT, sauf à ce que le juge s'y oppose. L'inscription à ce fichier deviendrait donc quasi automatique, à des fins de renseignement plutôt qu'à des fins judiciaires puisque les services de police ont accès aux renseignements administratifs contenus dans ce fichier – c'est la raison d'être de nos divers fichiers.

C'est le premier point qui me pose problème. Alors qu'aujourd'hui on fait confiance au juge pour apprécier l'opportunité d'une inscription au FIJAIT, on nous demande là de le contraindre à prendre une décision qui n'a rien de banal, une inscription à ce fichier s'apparentant à une mesure de sûreté.

La seconde série de nos amendements portera plus spécifiquement sur la question du fichage des mineurs, fort à propos, puisqu'une commission mixte paritaire conclusive s'est tenue ce matin sur le projet de loi relatif au code de la justice pénale des mineurs et que nous avions évoqué cette question lors de l'examen de ce texte.

Que signifie dans le monde réel le délit d'apologie du terrorisme ou d'incitation au terrorisme ? Un mineur qui a partagé une vidéo de Daech sur les réseaux sociaux pourra se voir condamné et fiché à ce titre, pour une durée qu'on nous propose d'augmenter – nous proposerons d'ailleurs de maintenir la durée actuelle. Nous proposerons également que les mineurs de moins de 15 ans ne puissent pas figurer dans ce fichier, fidèles à notre conviction qu'il faut assurer la primauté de l'éducatif sur le répressif. En l'occurrence il s'agit d'éviter que le mineur qui s'est rendu coupable d'une telle infraction soit condamné pendant des années à une forme de relégation sociale. Car que dit-on au mineur qui a commis cette infraction sinon qu'il en sera marqué à vie et qu'il passera sa vie sous surveillance ? On voit d'autant moins l'intérêt d'une telle automaticité qu'il existe déjà un fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste, le FSPRT, qui permet de faire du renseignement et du suivi.

C'est la question de fond : croit-on vraiment que c'est en le traitant de la sorte, en le pointant du doigt le plus longtemps possible sur le plan judiciaire au travers de ce fichage, qu'on arrivera au résultat escompté, c'est-à-dire qu'il ne soit pas réitérant, qu'il ne se sente pas définitivement condamné et qu'il ait la possibilité de réintégrer la communauté nationale, de respecter les lois de la République et de ne pas être dans une forme de séparatisme, y compris terroriste ? Cette question a toute sa place dans nos débats et c'est pourquoi nous vous proposerons de restreindre l'extension de l'inscription au FIJAIT prévue par cet article.

D'ailleurs, si jusqu'à présent l'inscription à ce fichier n'était pas automatique et si les auteurs d'infractions d'apologie du terrorisme et d'incitation au terrorisme étaient exclus de ce fichier, c'était en grande partie pour des raisons opérationnelles. Mais vous voulez qu'on puisse ficher le plus de monde possible le plus longtemps possible en toute matière, on l'a vu lors de l'examen de la proposition de loi relative à la sécurité globale : ce n'est pas la société que je souhaite. Je ne pense pas que c'est ainsi que l'on fait nation, que l'on fait peuple et qu'on lutte contre la récidive, je pense même tout à fait le contraire. Vous vous enfoncez vous-même dans une logique séparatiste.

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