Intervention de Boris Vallaud

Séance en hémicycle du vendredi 5 février 2021 à 9h00
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBoris Vallaud :

Je vous prie de bien vouloir excuser ma collègue Marietta Karamanli, qui ne pouvait être présente ce matin. Elle m'a chargé de lire son intervention.

Vous nous proposez d'adopter en lecture définitive la prorogation jusqu'au 1er juin de l'état d'urgence sanitaire actuellement en vigueur. Mon groupe vous le redit, nous ne voterons pas ce projet de loi.

Nous ne contestons évidemment ni la gravité de la situation sanitaire, ni la nécessité d'un cadre juridique exceptionnel, temporaire, afin d'y faire face. Nous avons voté ce cadre en mars 2020, et nous nous attendons à ce que des mesures soient prises pour en durcir l'application. Comme la grande majorité des Français, nous suivons les décisions du Gouvernement, tout en ayant parfois du mal à en comprendre les tenants et aboutissants. Cependant, contrairement a ce qui a été dit pendant nos débats, nous examinons ce texte dans un esprit de responsabilité, et avec beaucoup de gravité.

Parce que nous sommes responsables, nous ne sommes pas prêts à proroger cet état d'urgence au-delà du nécessaire. Nous sommes dans un cadre juridique d'exception, dont les mesures et la durée doivent demeurer strictement proportionnées au contexte sanitaire, ce qui implique de le réévaluer en permanence. Nous avions proposé de limiter à deux, voire trois mois, la prorogation de l'état d'urgence sanitaire, afin d'assurer un rendez-vous régulier à la représentation nationale. Nos collègues sénateurs avaient adopté des amendements en ce sens, et ramené l'échéance de la prorogation au 3 mai 2021. Nous soutenions ces propositions. Vous êtes revenus en nouvelle lecture sur cette disposition, qui était pourtant de nature à recueillir un quasi-consensus de la représentation nationale.

Parce que nous sommes responsables, nous avions exigé un contrôle parlementaire effectif durant toute la période d'état d'urgence sanitaire, ainsi qu'un bilan de ce contrôle. Votre réponse fut de mettre fin à la mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences de l'épidémie de covid-19, constituée il y a quelques mois, laquelle aurait permis à la représentation nationale de porter en continu une appréciation sur la situation, en prenant toutes les dimensions de la crise en considération. Je ne sais pas ce que vous craigniez ; cette mission avait produit deux rapports et conduit un travail tout à fait sérieux. Une seule mesure, symbolique, a finalement été adoptée, et encore, contre votre avis ; elle concerne l'audition des membres du Conseil scientifique par les commissions parlementaires.

Parce que nous sommes responsables, nous avons proposé d'améliorer le cadre de l'état d'urgence sanitaire, à défaut de texte ad hoc. Ces adaptations, de bon sens, identifiées par la mission flash conduite par Sacha Houlié et Philippe Gosselin ont été rejetées. À chaque fois, nous étions renvoyés au projet de loi qui devait fixer un cadre juridique pérenne pour les urgences sanitaires. Le texte existe, mais il a été retiré de l'ordre du jour et renvoyé sine die, après la crise dont on ne connaît évidemment pas le terme. Autant dire que ce texte ne sera vraisemblablement jamais examiné.

Lors de son audition par la commission des lois, avant l'examen du texte en première lecture, le ministre des solidarités et de la santé a évoqué un « texte technique » ; malgré nos longs débats ici et au Sénat, c'est exactement ce que vous en avez fait. Ce texte ne remédie à aucune des faiblesses du régime juridique voté en mars 2020. Il ne permettra pas un contrôle parlementaire effectif – encore une fois, je le regrette – , car ce contrôle sera conditionné au seul bon vouloir des présidents de commission, lesquels sont presque tous issus ici de la majorité.

Au prétexte de l'échec de la commission mixte paritaire sur les questions du confinement et de la consultation du Parlement, vous êtes revenus sur toutes les avancées du Sénat, qui auraient pu nous amener à soutenir ce projet de loi. Monsieur le secrétaire d'État, chers collègues de la majorité, l'union nationale ne se décrète pas ; elle est le résultat d'une construction politique patiente et exigeante. Dans la lutte que nous avons à mener contre la pandémie, et face à beaucoup d'autres défis présents et à venir, nous devons faire la démonstration quotidienne que la démocratie n'est pas un inconvénient, pas seulement des mots qui résonnent dans le silence de vos actes. Voilà où nous en sommes. C'est donc seule que cette majorité adoptera ce texte. Pour notre part, nous voterons contre ce projet de loi.

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