Intervention de Marlène Schiappa

Séance en hémicycle du vendredi 5 février 2021 à 21h00
Respect des principes de la république — Après l'article 6

Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté :

Je dois reconnaître que, spontanément, ma première réaction à la lecture de vos amendements était plutôt favorable et c'est pourquoi j'ai travaillé la question plus avant. Toutefois, même si je comprends votre objectif de mieux protéger chacun en luttant contre le terreau du terrorisme et, singulièrement, contre l'emprise des récidivistes, il s'avère que vos propositions poseraient un problème juridique, alors que nous essayons de trouver la ligne de crête entre la nécessaire lutte contre le terreau du terrorisme et la préservation des grands principes fondamentaux de notre droit. En l'occurrence, dans son avis, le Conseil d'État, après avoir rappelé que « le projet prévoit que toute personne condamnée pour une infraction en matière de terrorisme ne pourra diriger ou administrer une association cultuelle pendant les dix ans suivant la date à laquelle la condamnation sera devenue définitive », considère que « cette incapacité est justifiée par le caractère particulièrement sensible des activités cultuelles ».

A contrario, étendre le champ de cette interdiction aux associations loi de 1901 serait faire courir un risque de censure constitutionnelle, au regard notamment du principe de la liberté d'association qui a valeur constitutionnelle. De même, l'automaticité de la sanction nous paraît, elle aussi, une disposition inconstitutionnelle. En effet, une telle interdiction aurait pour effet d'empêcher la personne en question de créer, de diriger ou d'administrer une association pour défendre son cas ou pour aider à la réinsertion selon les principes de la République.

Cette interdiction est prévue dans le projet de loi pour les associations cultuelles parce que le culte est une activité particulière qui mérite une attention particulière. C'est pourquoi la loi de 1905 postule que le culte peut susciter des troubles à l'ordre public en raison des caractéristiques qui lui sont propres – direction des consciences, risque d'ingérence étrangère, forte adhésion des fidèles au discours qu'ils viennent écouter dans le cadre de l'exercice du culte. En revanche, l'extension de cette mesure de manière générale et absolue à toutes les associations loi de 1901 constituerait à notre sens une atteinte disproportionnée au principe de liberté d'association. Et comme le Gouvernement est très attaché à éviter la censure constitutionnelle d'une partie de ce texte, il faut bien circonscrire la mesure à des associations menant une activité particulièrement exposée ou sensible, et justifier la proportionnalité de la mesure par rapport à l'objectif poursuivi, justification qui semblerait, dans le cadre d'un recours devant le Conseil constitutionnel, faire défaut en l'espèce. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.