Intervention de Mathilde Panot

Séance en hémicycle du lundi 8 février 2021 à 16h00
Respect des principes de la république — Article 8

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMathilde Panot :

Nous voulons nous aussi marquer par cet amendement notre opposition à la création d'une disposition permettant d'imputer à une association des agissements commis par un de ses membres, mais je voudrais en profiter pour revenir sur les atteintes aux libertés associatives que contient le présent article – et plus généralement votre projet de loi – , tant elles me paraissent graves.

L'article 8 vous permettra de rayer d'un trait de plume toutes les associations qui dérangent la politique que vous menez contre l'intérêt général au nom de votre loi chérie du libre marché. Démonter un Mac Do pour dénoncer la malbouffe : dissolution. S'introduire dans un champ d'OGM – organismes génétiquement modifiés – pour dénoncer l'agrobusiness : dissolution. Mener une action anti-pub' : dissolution. Décrocher un portrait du président Macron pour dénoncer l'inaction climatique : hop, dissolution ! D'ailleurs, le syndicat des avocats de France déplore que la dissolution, qui n'était jusqu'alors prononcée qu'en cas d'atteinte très grave à l'ordre public, puisse l'être désormais du fait d'atteintes à des intérêts matériels privés.

Le contrat d'engagement républicain prévu à l'article 6 ouvrait déjà la voie à l'arbitraire en vous permettant de désigner selon votre goût qui est républicain et qui ne l'est pas. Nous nous rappelons par exemple du sort réservé au GENEPI – groupement étudiant national d'enseignement aux personnes incarcérées – , auquel vous avez retiré la convention lui permettant d'accéder aux établissements pénitentiaires. Pour justifier la suppression de sa subvention et la restriction de son accès aux prisons, le ministère de la justice avait alors déclaré : « Il n'est pas cohérent pour nous de subventionner une association qui s'attaque aux fondements mêmes de notre institution. »

Vous portez une atteinte sans précédent aux libertés associatives. Les associations, que vous n'avez cessé de précariser en supprimant 250 000 emplois aidés, perdent chaque année depuis dix ans 1,7 % de leurs subventions. Elles dénoncent la marchandisation de l'action sociale du fait de la généralisation des appels à projets et de l'importance croissante des financements privés, conformément à votre esprit « start-up nation ».

Je rappelle aux députés du groupe La République en marche qu'il y a quelques mois, un rapport de l'Observatoire des libertés associatives a mis en évidence que les activités d'une centaine d'associations avaient été restreintes, réprimées ou entravées par les pouvoirs publics, et ce dans tous les secteurs – écologie, lutte contre les discriminations, logement, sport, culture. Un tel rapport devrait nous alerter : quel est ce monde que vous nous préparez, dans lequel les associations deviennent des supplétifs du ministère de l'intérieur ?

Finalement, c'est le Haut Conseil à la vie associative qui parle le mieux de votre projet de loi. Il affirme que « les articles concernant les associations proposés dans ce projet de loi sont, pour la plupart, superfétatoires, les pouvoirs publics disposant déjà de tous les leviers juridiques nécessaires au contrôle, à la sanction et à la dissolution. »

Un projet de loi inutile, donc, mais qui a visiblement le mérite de vous être utile, monsieur le ministre de l'intérieur, pour faire la promotion de votre nouveau livre dont la date de sortie ne pouvait être mieux choisie. Est-il vraiment opportun, pour un ministre de l'intérieur probablement très occupé, de publier un livre en pleine pandémie, …

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