Intervention de éric Dupond-Moretti

Séance en hémicycle du mercredi 10 février 2021 à 15h00
Respect des principes de la république — Article 18

éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice :

Monsieur Vallaud, vous avez parlé de la loi de 1881 comme si personne n'avait jamais touché à ce texte depuis son adoption, mais c'est le droit positif qui compte. Les dispositions de l'article 24 de la loi de 1881 que je citais tout à l'heure ont par exemple été modifiées par la loi du 16 décembre 1992. Elles permettent de punir de la même façon, soit cinq ans d'emprisonnement, ceux qui ont « directement provoqué » – ces mots sont explicites et clairs – à commettre des atteintes volontaires à la vie, des vols ou les atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation. Ces trois infractions sont donc mises sur le même plan.

Dans le projet de loi, nous parlons de révélation d'informations : nous sommes donc un cran en dessous de la provocation directe. Ces révélations peuvent toutefois avoir des conséquences mortifères et aussi bien aboutir à une dégradation de biens qu'à rien du tout. La peine d'emprisonnement prévue est de trois ans. Un équilibre est bien respecté.

Vous trouvez anormal que la dégradation d'un bien soit punie de deux ans d'emprisonnement alors que la révélation d'informations risquant d'en provoquer la dégradation serait punie de trois ans d'emprisonnement. Ce n'est pas anormal du tout : nous voulons combattre ceux qui lancent une espèce de machine infernale de haine. Comme avec l'article 24 de la loi de 1881, c'est la provocation qui compte, même si on n'est pas sûr de ce qui en résulte. Aujourd'hui, ceux qui provoquent directement au vol sont punis de cinq ans d'emprisonnement en application de la loi de 1881 actualisée, alors que le vol lui-même est passible de trois ans de prison. À nouveau, l'ensemble de ces textes est parfaitement équilibré. J'y suis personnellement attaché : on ne peut pas tout bouleverser, je le répète.

Je comprends comment vous êtes intellectuellement parvenu à construire votre argumentation, mais lorsque l'on compare les textes, on constate que la démarche est similaire. Au fond, peu importe ce qui en résulte – bien évidemment, les choses sont bien plus graves quand elles aboutissent à la mort d'un homme, nous sommes tous d'accord : c'est la mécanique infernale qui passe par les réseaux sociaux et qui pourrit notre société qu'il est aujourd'hui impératif d'arrêter. C'est cela qui nous guide.

Ce que nous proposons est cohérent avec le droit en vigueur, en particulier avec l'article 24 de la loi de 1881. Je suis totalement défavorable à l'amendement.

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