Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du vendredi 12 février 2021 à 21h00
Respect des principes de la république — Article 26

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur :

Aucun de mes prédécesseurs – et ce sera sûrement le cas de mes successeurs – n'a eu de religieux comme interlocuteurs représentant le culte musulman. Les ministres de l'intérieur parlent avec des présidents d'associations cultuelles ou des recteurs de mosquées, qui ne sont pas des religieux. Il faut respecter cette différence, même si nous essaierons d'avoir pour interlocuteurs des religieux qui connaissent et enseignent le dogme. Les imams, nous en discutions tout à l'heure avec M. Corbière, ne sont également pas à proprement parler des ministres du culte : ils guident la prière car le culte ne s'entend pas comme les juifs et les chrétiens l'entendent – nous avons généralement une vision très judéo-chrétienne du culte.

Nous ne discutons donc pas toujours avec les gens qui conduisent la prière ; nous ne discutons même quasiment jamais officiellement avec eux. Quand vous rencontrez les responsables des mosquées dans votre circonscription, vous discutez avec le président de l'association cultuelle. Bien souvent, il est difficile de discuter avec l'imam, non pas parce qu'il est inaccessible, mais parce qu'il change, parce qu'il n'est pas le ministre du culte comme on l'entend pour le rabbin, le pasteur ou le curé.

L'illégitimité que vous évoquez n'est donc pas que démocratique, elle est également théologique ; c'est donc à juste titre que votre amendement peut être qualifié d'amendement d'appel et mériterait d'être retiré. Une désignation pleinement démocratique du « président du culte » – au sens associatif – par les croyants ne résoudrait pas le problème de la légitimité, parce que, dans la mesure où le sunnisme est majoritaire sur le sol national, et non le chiisme qui, lui, dispose d'un clergé, nous discutons avec les présidents d'associations cultuelles ou les présidents de fédérations et non avec les représentants du dogme. Ceux-ci pourraient nous aider, comme les catholiques, les protestants, les bouddhistes et les juifs – d'une certaine manière – , à apporter une légitimité dogmatique qui ne concerne pas la République, sauf aux bornes de l'ordre public.

Je trouve un peu dur le procès en illégitimité que vous faites, mais je le comprends parce que je ne vis pas dans un monde éthéré. J'entends bien ce que vous évoquez, parce que c'est ce que pensent certains croyants musulmans. Le fait est que ce n'est pas un sujet démocratique, mais un sujet relatif au dogme. Tant qu'on n'aura pas répondu à cette question, qui concerne le culte musulman lui-même, à savoir la façon d'associer responsables religieux et responsables administratifs, ce procès en illégitimité demeurera.

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