Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du lundi 15 février 2021 à 16h00
Justice pénale des mineurs — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Nous discutons d'une ordonnance qui traite de l'enfance : c'est dire l'importance de ce travail et l'émotion que suscite ce texte, en projet depuis de nombreuses années. Personne ne doute de l'importance d'une telle codification, même si nous aurions préféré un code de la justice pénale et civile des mineurs. En tout état de cause, il était essentiel d'instituer un code distinct du code pénal.

Nous avions longuement évoqué cette question avec Christiane Taubira lors de la conférence de consensus, dont nous retrouvons ici les lignes directrices. Je ne reviens pas sur nos critiques sur le principe de l'ordonnance, largement développées dans nos précédentes interventions, et que nous maintenons.

Les principes fondateurs de l'ordonnance de 1945 – atténuation de la responsabilité pénale, juridiction spécialisée, procédure spécifique et primauté de la réponse éducative – sont rappelés au début du texte, dans lequel est également introduite la notion d'intérêt supérieur de l'enfant.

Deux nouvelles mesures, sans constituer une révolution, peuvent améliorer le fonctionnement de la justice pénale des mineurs. La première d'entre elles est l'institution d'une procédure plus réactive et plus rapide, ce qui répond à une demande forte de nos concitoyens. Fondée sur le principe de césure du procès, sur lequel nous avons beaucoup travaillé, elle se présente en deux temps : le prononcé de la culpabilité d'abord, et celui de la sanction ensuite, au terme d'une période de mise à l'épreuve permettant d'adapter cette sanction au comportement de l'enfant.

La seconde est l'instauration d'une présomption d'irresponsabilité pour les mineurs de 13 ans. Pour ces enfants, les mesures éducatives, qui peuvent être très coercitives, sont la réponse à apporter.

Avec ma collègue Alexandra Louis, qui a beaucoup oeuvré sur cette question, ainsi qu'avec le rapporteur Jean Terlier, nous nous sommes battus, en séance et en commission, pour maintenir la présence du JLD dans la procédure de détention provisoire : fort heureusement, ce dispositif a été rétabli en CMP. L'incarcération peut être pire que le mal pour un enfant : appeler le juge des libertés et de la détention à se prononcer, c'est souligner la gravité d'une telle décision et conférer au mineur autant de droits qu'au majeur, ce qui est la moindre des choses. Merci, monsieur le ministre, d'avoir accepté nos demandes en ce sens.

La décision de la CMP de reporter au 30 septembre une réforme dont tout le monde convenait qu'il fallait la repousser est un soulagement pour les professionnels. Cette décision fait suite à un amendement de notre groupe, en commission des lois et en séance publique.

En revanche, la présomption simple ne permet pas de satisfaire les dispositions de l'article 40 de la CIDE – Convention internationale des droits de l'enfant. La définition du discernement réduit la portée de la présomption d'irresponsabilité pour les mineurs, en ce qu'elle prétend définir ce qui, à notre avis, n'est pas définissable et appartient au domaine de l'enfance. Cela complique la tâche du juge et l'organisation des services de l'aide à l'enfance et altère la clarté du message que nous devons tenir devant l'opinion publique, selon lequel l'enfant en danger ou l'enfant dangereux nous obligent de la même manière. Je fais cependant confiance au juge et à une politique de petits pas pour combattre les positions irréalistes et populistes.

Sur l'utilité d'étendre le rôle du juge des enfants à toutes les infractions, j'entends les objections tenant aux moyens. Mais il faut avancer résolument dans cette voie.

D'ailleurs, les moyens matériels seront-ils au rendez-vous ? C'est en effet essentiellement de cela qu'il est question. La justice des mineurs, dont le suivi éducatif est le corollaire, exige des crédits importants. La hausse, bienvenue, de 8 % des crédits pour 2021 ne suffira pas : nous le savons tous. Dans mon département, l'unique centre éducatif fermé a été supprimé. Depuis, aucun projet n'émerge.

Dans son ensemble, notre groupe ne s'opposera pas à ce texte. Pour ma part, pour les raisons que j'ai évoquées lors des différents débats, grâce au travail mené en confiance dans le cadre de la mission et malgré des réserves, je soutiendrai la ratification de cette ordonnance.

Pour conclure, je rends hommage aux magistrats, avocats, éducateurs, greffiers et personnels pénitentiaires qui oeuvrent au quotidien pour le soutien de l'enfance, qui la connaissent et qui la protègent. Je fais confiance à ces professionnels : au-delà de cette ordonnance, nous savons tous que c'est par eux que passe le regard vigilant que nous portons sur les enfants de notre pays.

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