Intervention de Jean-Paul Lecoq

Séance en hémicycle du mercredi 17 février 2021 à 21h15
Lutte contre les inégalités mondiales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

Nous y voilà. Une loi sur l'aide publique au développement est arrivée ! Nous avons bien cru qu'elle ne viendrait jamais. Comme l'Arlésienne : on en parlait, mais personne ne l'avait jamais vue.

Cette loi a d'ailleurs mis tellement de temps à parvenir jusqu'à nous qu'elle en porte les stigmates : une très large part du cadre de partenariat global se contente de reprendre les conclusions du comité interministériel de la coopération internationale et du développement de 2018, tandis que la programmation financière de la loi débute en 2020.

Je dis « programmation » mais, en réalité, ce n'en est pas vraiment une, puisqu'elle s'arrête en 2022. Tout cela est donc très décevant, sauf évidemment si vous votez l'amendement que vous proposent les députés communistes et qui vise à supprimer le mot « programmation » du titre. Ainsi serions-nous au moins plus honnêtes car c'est justement une vraie programmation qu'attendaient avec impatience tous les acteurs de la solidarité internationale, lesquels mènent au quotidien un formidable travail qui nécessite une capacité à se projeter.

Ces sujets de fond ne sont pas les seuls dont nous ne sommes pas satisfaits. Les députés communistes regrettent profondément que la question de la paix ne soit pas prépondérante dans ce projet de loi, alors que c'est bien le seul objectif qu'il faut se fixer pour lutter contre les inégalités mondiales et pour le développement solidaire. À cet égard, la diplomatie, le respect des droits de l'homme, la construction de services publics et l'élaboration de règles acceptées par tous sont le véritable enjeu.

Le respect de règles communes concerne aussi bien la communauté locale que la communauté internationale. Or il n'est mentionné nulle part explicitement que la France respectera toutes les résolutions votées par les Nations unies, qui forment pourtant la base du vivre-ensemble mondial, parce qu'elles énoncent des solutions négociées et acceptées, parfois difficilement, par chacun des pays du monde. J'espère que vous corrigerez cela en votant nos amendements allant dans ce sens.

Le respect du droit international est la solution prioritaire pour une paix juste et durable, elle-même préalable indispensable au développement. Imaginez un seul instant le Moyen-Orient sans le conflit israélo-palestinien. Imaginez l'Afrique du Nord sans le conflit du Sahara occidental. Certes, les vendeurs d'armes y perdraient, mais les populations, elles, pourraient se développer bien plus harmonieusement et les États ainsi reconnus pourraient mutuellement coopérer.

Dans ce combat pour la paix, la France joue un rôle particulier qu'elle ne doit pas oublier même s'il ne figure pas explicitement dans le texte : membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, elle se doit d'être exemplaire. Cette responsabilité est diplomatique et non militaire, distinction majeure qui n'est pas assez mise en évidence dans le projet de loi.

Cette confusion se retrouve dans le lien que vous établissez entre la sécurité et le développement. La partie du cadre de partenariat global intitulée « Prévenir et traiter les crises et les fragilités » – paragraphes 55 à 59 – , caractéristique de cette confusion, laisse planer le doute sur les intentions de la France.

Ainsi le paragraphe 56 indique-t-il que la France « s'efforce de mieux coordonner l'ensemble des acteurs mobilisés dans les domaines de la diplomatie, de la sécurité, du développement, de la stabilisation et de l'aide humanitaire en recentrant les actions sur les missions de chacun dans le cadre d'une approche globale ». Or il est indiqué quelques lignes plus bas que la France « met en oeuvre tous les moyens de nature à permettre la bonne exécution des missions de chacun des acteurs en présence ». Cela signifie-t-il que la France mettra en oeuvre tous les moyens de nature à permettre la bonne exécution de sa mission sécuritaire, et qu'elle interviendra au niveau sécuritaire partout où elle le jugera nécessaire ?

Si le besoin de déployer de manière contiguë les différents axes d'intervention – l'action humanitaire, la stabilisation ou le développement – est réel, les députés communistes sont extrêmement méfiants à l'égard de l'irruption dans ce schéma de la question de la sécurité qui, de surcroît, perturbe les principes de neutralité, d'impartialité et d'indépendance des interventions humanitaires. Ce type d'orientation laisse en outre toujours planer le doute sur les intentions de la France lorsqu'elle intervient dans une région du monde.

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