Intervention de Gérard Leseul

Séance en hémicycle du jeudi 18 février 2021 à 15h00
Protection des mineurs victimes de violences sexuelles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Leseul :

Renforcer la protection des mineurs victimes de violences sexuelles est une exigence attendue depuis de nombreuses années ; cela a été très bien dit par les orateurs précédents. Nous sommes toutes et tous, à épisodes malheureusement répétés, bouleversés par la révélation d'actes criminels de violence sexuelle et d'inceste. Chaque récit est glaçant, chaque témoignage est une épreuve souvent insoutenable ; des vies sont durablement abîmées. La place spécifique que le viol occupe désormais en droit pénal, parmi les autres agressions sexuelles, est le fruit de nombreux efforts et combats collectifs. Depuis le combat de Gisèle Halimi, plusieurs interpellations ont permis de faire avancer le droit : en 2012, le « manifeste des 313 » a brisé le silence qui trop souvent entoure, voire étouffe, le crime de viol ; l'allongement de la prescription pour les faits de crime sexuel sur mineurs a permis d'avancer.

Écoutons les professionnels de la protection de l'enfance, qui demandent notamment que tout acte sexuel incestueux commis sur un ou une mineure soit qualifié de crime incestueux et puni par la loi, sans qu'un hypothétique consentement de la victime ne soit examiné. Publiquement réprouvé, mais malheureusement odieusement répandu dans la société, l'inceste n'est pas encore une infraction en tant que telle devant les tribunaux. Interdit par le code civil et puni par le code pénal lorsqu'il est commis sur mineur, l'inceste n'est devant la loi qu'une circonstance aggravante de crimes sexuels. L'adjectif « incestueux » n'a fait son entrée dans le code pénal qu'avec la loi de 2016, qui dispose que le viol est réputé incestueux lorsqu'il est commis par les membres du cercle familial. Il existe un hiatus énorme entre la réprobation universelle de ce tabou, de cet interdit immuable – en référence aux travaux de Claude Lévi-Strauss – et sa trop grande fréquence dans la société. Les chiffres sont glaçants : en 2020, plus de trois Français sur dix connaissent au moins une personne victime d'inceste et 10 % des sondés déclarent en avoir eux-mêmes été victimes, soit 6,7 millions de personnes. Je n'oublie pas que 78 % des victimes sont des filles.

Le droit pénal n'est pas assez protecteur : il y a trop de failles dans lesquelles les pires horreurs peuvent se produire. La proposition initiale d'Isabelle Santiago – avant son affadissement en commission des lois – est simple, courageuse et nécessaire. Si l'affaire Duhamel, à laquelle tout le monde pense, avait été judiciarisée, la défense aurait pu présumer un consentement de la victime. Or un enfant de moins de 15 ans qui a subi des violences sexuelles ne devrait pas avoir à prouver son absence de discernement. Nous devons donc adapter la loi et être à la hauteur des exigences de la société, afin de mieux protéger les mineurs victimes de violences sexuelles.

La proposition de loi répond à l'urgence et à la gravité de la situation ; elle était attendue par tous les acteurs de l'enfance en danger, depuis le débat de 2018 sur le texte relatif aux violences sexuelles et sexistes. Le choix de traiter l'inceste comme une infraction distincte est essentiel ; il n'est plus l'heure, monsieur le secrétaire d'État, de procrastiner. Pourquoi attendre les travaux d'une énième commission ou un rapport supplémentaire, puisque le Gouvernement semble rallié au principe des seuils d'âge ? Alors discutons honnêtement des propositions initialement formulées par Isabelle Santiago, qui sont plus claires et plus protectrices que le texte du Sénat auquel le ministre faisait référence ce matin ; elles n'ont pas été écrites sous le coup de l'émotion ou selon un calendrier politicien, mais traduisent une connaissance pratique des réalités et une urgence que nous avons tous rappelée. Soyons donc précis, en posant deux bornes absolues, pour envoyer un signal clair et fort à la société : un seuil d'âge de non-consentement à 15 ans pour les violences sexuelles et à 18 ans en cas d'inceste. De facto, les peines encourues seront rehaussées en cas de violences sexuelles sur mineur.

Puisque nous sommes presque au terme de la discussion générale, je tiens à remercier Isabelle Santiago pour la qualité de son travail, et j'en appelle à la majorité et au Gouvernement pour répondre positivement, reprendre le texte initial proposé avant le passage en commission, et ainsi honorer à la fois le travail et l'initiative parlementaires.

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