Intervention de Albane Gaillot

Séance en hémicycle du jeudi 18 février 2021 à 15h00
Protection des mineurs victimes de violences sexuelles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlbane Gaillot :

Le hasard du tourniquet me donne l'occasion d'exprimer ma colère d'abord, mais aussi mon profond regret, de voir la proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement confisquée par quelques-uns. Cette proposition de loi n'est pas seulement la mienne et celle de Marie-Noëlle Battistel, que je salue et donc je sais la profonde déception, elle est celle des femmes en premier lieu, celle des associations des professionnels de santé engagés à leurs côtés.

Nous n'avons plus de temps à perdre. Je profite de cette tribune pour réitérer notre appel au Gouvernement à se saisir de cette occasion, afin de réaffirmer son engagement plein et entier pour les droits des femmes, en reprenant ce texte et en l'inscrivant à l'ordre du jour de l'Assemblée et du Sénat.

La vie est bien faite parce qu'elle me donne aujourd'hui l'occasion et le plaisir de parler de la proposition de loi de Mme Isabelle Santiago, contre les violences sexuelles faites aux mineurs. C'est un sujet qui m'est cher, et j'ai la conviction que notre travail fera date.

Mes chers collègues, je souhaiterais vous lire quelques phrases : « Tu te laisses imposer une fellation. » ; « Pourquoi tu ne lui as pas dit non ? » ; « Tu aurais pu crier, gémir, le mordre, le pousser avec les bras avant qu'il mette son sexe dans la bouche ? » ; « Selon toi, une femme qui se fait violer, repousse beaucoup son violeur ou le repousse-t-elle un peu ? Pourquoi l'as-tu repoussé un peu et pas beaucoup ? » ; « Je comprends mieux ce que tu m'expliques, vois-tu une différence entre ce qui s'est passé et un viol ? ». Ces questions ont été posées à Julie, 15 ans, lors de sa première audition par la brigade des mineurs. Le policier de la brigade des mineurs, plutôt que de l'interroger sur l'existence d'une contrainte – constitutive du viol – exercée par des pompiers adultes sur une enfant, met en cause la victime, 14 ans au moment du premier viol en réunion, pour ne pas s'être suffisamment débattue.

Nous en conviendrons sur l'ensemble de ces bancs : il est plus qu'urgent d'énoncer enfin un interdit clair, et d'en finir une bonne fois pour toutes avec la recherche du consentement de nos enfants. Je ne m'étendrai pas sur les nombreux chiffres qui révèlent l'ampleur de ces violences ; ils ont été cités à de multiples reprises. Je crois toutefois que la société est en train de se réveiller. Doucement mais sûrement, nous apprenons à regarder les victimes, à les entendre, à les écouter. Douloureusement, j'en suis certaine, nous avons pris connaissance des témoignages ; leur hashtag commun, MetooInceste, n'a pas masqué la singularité de chacun. Douloureusement, nous avons découvert les mots et les histoires de nos collègues, de nos amis, de nos voisins, ou de parfaits inconnus, dont nous avons partagé virtuellement les blessures quelques instants.

Cependant, après chaque nouvelle vague de témoignages, après chaque hashtag, passé le vent de révolte qui les suit presque toujours, je ne peux m'empêcher d'être inquiète. Que propose-t-on aux victimes après qu'elles ont parlé ? Que leur propose-t-on, hormis nos milliers de tweets de soutien ? En général, rien ou si peu. Cette fois, je crois que la vie n'a pas repris son cours tout à fait comme avant ; nous sommes réunis pour faire en sorte que ce ne soit pas le cas.

Notre droit pénal ne protège pas suffisamment les enfants des violences sexuelles. Cela doit changer. À celles et ceux qui doutent – s'il y en a – de l'intérêt de renforcer l'arsenal législatif contre les violences sexuelles, je veux rappeler les mots de Gisèle Halimi, lors du procès d'Aix-en-Provence : « Je ne dis pas qu'un jugement de condamnation va refaire des femmes violées des femmes neuves. Jamais. Mais je dis, au moins elles n'auront pas eu le sentiment d'avoir une identité gommée, une existence effacée, d'avoir été niées dans ce qui est le plus important pour une femme, pour un être humain : son intégrité physique et morale, son affectivité et sa sexualité. »

Nous ne méconnaissons plus les conséquences des violences sexuelles sur les femmes, a fortiori sur les mineurs : ni le stress post-traumatique, ni l'amnésie traumatique, ni la perte d'estime de soi. La loi doit changer, pour permettre aux victimes d'être reconnues comme victimes, et de se reconstruire, tout simplement.

Vous l'aurez compris, je voterai cette proposition de loi, et j'espère que nous l'adopterons unanimement, car ce sujet mérite mieux que des clivages partisans : nos concitoyens et concitoyennes, qui nous écoutent, ne comprendraient pas que ces derniers conduisent à un rejet.

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