Intervention de François Ruffin

Séance en hémicycle du jeudi 18 février 2021 à 21h00
Fiscalité des droits de succession et de donation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Ruffin :

La transmission du patrimoine est au c? ur des inégalités. Un tiers des Français ne toucheront rien, aucun héritage durant la totalité de leur existence et la moitié percevront moins de 8 500 euros. Et 87 % des Français, soit neuf Français sur dix, toucheront au total moins de 100 000 euros pendant leur vie. Il s'agit de les laisser tranquilles, surtout aujourd'hui, de ne pas toucher à leur héritage, mais de se concentrer sur les 10 % du haut puisque c'est là que se trouve le moteur des inégalités. En ce qui concerne les inégalités de revenus, le rapport est de un à cinq entre les 10 % les plus pauvres et les 10 % les plus riches. Quant aux inégalités de patrimoine, le rapport est de 1 à 200 entre les 10 % les plus pauvres et les 10 % les plus riches et il passe de 1 à 600 entre les 10 % les plus pauvres et les 1 % du sommet – sans parler de ceux dont il est question dans Challenges. En général, avec ces héritages, l'argent va à l'argent, ceux qui héritent étaient déjà riches auparavant.

On affiche un taux de 45 % de droits de succession. Or ce taux est absolument fictif : personne n'est taxé à 45 %. En général, les patrimoines sont taxés entre 3 et 5 % parce que les assurances-vie échappent à l'imposition, parce qu'il existe un abattement de 100 000 euros par enfant, un rabais sur la résidence principale, des niches sur les monuments, les forêts, les entreprises. Il y a les malins qui savent utiliser tout ça, et les autres qui ne le savent pas. On aboutit à une transmission des patrimoines – et donc des inégalités – à peu près intacte.

Avec votre proposition qui est proche de la nôtre, il ne s'agit pas de bidouiller les taux, les barèmes, les niches, etc. mais de sortir de cette logique et d'en proposer une autre, sur le modèle de l'Irlande, que j'appellerai une espèce d'héritage progressif : aucun impôt sur les 100 000 premiers euros touchés, aucune taxe pour 90 % des Français, mais un taux progressif pour ceux qui touchent plus de 100 000 euros tout au long de leur vie.

Je tiens à souligner le moment particulier auquel vous faites cette proposition. En un an, il y a eu un million de pauvres supplémentaires. Ce sont massivement des jeunes, doublement punis non seulement parce qu'ils doivent se confiner à cause de la crise du covid-19 mais aussi parce qu'ils se retrouvent embarqués dans la pauvreté alors que leur taux de pauvreté était déjà trois fois plus élevé que celui des plus de 65 ans. Il me paraît nécessaire de flécher des recettes fiscales en direction des jeunes, en particulier pour lutter contre les inégalités dans leur accès au logement.

Enfin, j'invite nos collègues députés à avoir le courage de voter une loi allant contre nos intérêts particuliers, contre les intérêts de notre caste. Car il faut dire la vérité : 90 % des Français toucheront un héritage inférieur à 100 000 euros, tandis que j'ai la conviction que 90 % des députés – et j'en fais partie – transmettront ou recevront plus de 100 000 euros au cours de leur existence. Je les invite à nous rejoindre et à voter une loi de progrès qui ne vienne pas briser mais enrayer un peu cette République des héritiers.

1 commentaire :

Le 12/03/2021 à 11:18, Laïc1 a dit :

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"En général, avec ces héritages, l'argent va à l'argent, ceux qui héritent étaient déjà riches auparavant."

Salaups de riches... Mais pourquoi n'interdisez-vous pas la Française des jeux, les gros lots de centaines de millions, qui sont comme une gifle au petit peuple qui n'arrive pas à payer son loyer de fin de mois ?

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