Intervention de Sylvain Waserman

Séance en hémicycle du lundi 1er mars 2021 à 16h00
Travaux de l'assemblée nationale en période de crise — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvain Waserman, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

J'aimerais commencer par dire merci parce que, contrairement à un projet de loi, qui vient du Gouvernement, et contrairement à une proposition de loi, qui vient de l'un de nos groupes, ce texte est le résultat de travaux et d'un groupe de travail auquel chacun des groupes politiques et des députés qui se sont engagés ont contribué. Je m'attacherai durant tout l'après-midi à le rappeler.

Le 5 mai dernier, monsieur le président, vous m'avez confié un groupe de travail et nous avons déployé une méthodologie à l'image du dialogue que vous aviez conduit et des décisions consensuelles que vous aviez prises pour piloter les travaux de l'Assemblée nationale en temps de crise.

Dans ce groupe de travail, nous sommes parvenus à quatre conclusions. La première, quasi unanime, c'est que nous ne voulions pas d'un état d'urgence parlementaire qui redéfinirait un ensemble de règles spécifiques aux cas de crise, mais que nous comptions nous appuyer sur la gouvernance, sur les textes, sur nos façons de travailler, sur la flexibilité qu'offrent les règles qui régissent nos travaux.

Deuxième élément de conclusion : il fallait construire une boîte à outils. Celle-ci a été alimentée par les soixante idées nées des réunions que j'ai pu avoir avec chacun des groupes politiques. Ce sont autant d'outils utilisables par notre gouvernance, par nous-mêmes, en cas de crise. Chacun des groupes politiques y a contribué.

J'ai noté un certain nombre d'exemples, dont nous pourrons parler, que ce soit sur les contributions écrites – avec des suggestions, en particulier, du groupe UDI-I – , sur les règles applicables aux questions écrites – propositions issues du groupe Libertés et territoires notamment – , sur la vue à 360 degrés de l'ensemble des actions de contrôle du Gouvernement – comme le propose le groupe LaREM – , sur les outils et les techniques de vote à distance, sujet de réflexion de différents groupes – Agir ensemble, LaREM et les autres – ou sur l'organisation des débats, au sujet de laquelle le groupe FI, notamment, a proposé des solutions. Je n'oublie pas le groupe Dem, qui était également représenté dans ce groupe de travail. Nous avons donc, à partir de ces travaux, constitué une boîte à outils qui sera à disposition de la gouvernance lorsqu'il faudra nous préparer à la prochaine crise.

Le troisième élément de conclusion, c'est toute une série d'actions qui ne relèvent pas de décisions dans l'hémicycle mais des questeurs et des services, pour trouver des sites alternatifs et travailler sur un degré de sécurisation supérieur des outils informatiques, dès lors qu'on en aurait une utilisation accrue en situation de crise.

Ces conclusions ont permis d'élaborer un rapport, que vous avez tous commenté et auquel nous avons ajouté, à l'initiative du groupe Socialistes et apparentés, une clause de rendez-vous. C'est la seule différence entre le texte que je vous présente aujourd'hui et le rapport dont je viens de parler : une clause de rendez-vous tous les quinze jours pour la conférence des présidents, dès lors que la gouvernance déciderait d'un passage en « mode crise » et, par exemple, d'un recours aux outils numériques pour les débats ou pour les votes.

J'aimerais insister sur le contrat moral qui a organisé nos travaux. Le contrat moral et le mandat qui m'a été fixé, c'est de ne parler que de l'Assemblée nationale et de nos travaux en cas de crise. Ce contrat moral a été souhaité par l'opposition, et plusieurs groupes de l'opposition ont même fait de son respect la condition sine qua non de leur participation à ces travaux. Il n'y aura donc aucune surprise dans le fait que je respecterai jusqu'au bout ce contrat moral : sur les amendements qui ne traiteraient pas du sujet pour lequel j'ai été mandaté – et sur lequel nous avons travaillé de six à huit mois – , j'émettrai un avis défavorable par principe, malgré l'intérêt qu'ils peuvent avoir sur le fond.

Le deuxième point, que je commenterai à l'envi lors de l'examen des amendements, tient à la question de savoir s'il faut déroger aux règles décisionnelles de la conférence des présidents. Faut-il des majorités qualifiées, faut-il permettre à l'un des présidents de s'opposer, avant de basculer en mode crise ? Je ne traiterai pas le sujet ici car je le ferai lors de l'examen des amendements ; cela a été un grand sujet de débat qui a été tranché, dans le dialogue, par la proposition que nous avons aujourd'hui et qui est cosignée, je le rappelle, par cinq groupes politiques.

Enfin, j'aimerais conclure par un plaidoyer pour notre belle institution qu'est l'Assemblée nationale. Depuis 231 ans, l'Assemblée rythme la vie de notre démocratie. Je voudrais dire à tous ceux qui la décrient et la trouvent inutile que chacune des décisions du Gouvernement pendant la crise a été rendue possible par une loi, parfois d'urgence sanitaire, par un ensemble de textes votés dans cet hémicycle : par là même, cette crise a montré la fonction démocratique essentielle de notre institution.

À ceux qui la décrient, qui critiquent son assiduité ou son travail, je voudrais dire qu'à aucun moment l'Assemblée nationale n'a failli et que, toutes familles politiques confondues, nous étions là quand il fallait débattre, statuer sur des lois importantes, exercer notre rôle de contrôle de l'action du Gouvernement, si important en période de crise.

À ceux qui critiquent aussi sa capacité à se fédérer, je voudrais dire que l'ensemble des décisions qui ont été prises depuis le premier jour de cette crise, relativement à notre fonctionnement, l'ont été à l'unanimité des groupes politiques : cela montre que, malgré la diversité des convictions politiques que nous pouvons avoir, malgré ces différences qui constituent la richesse de notre débat démocratique, lorsque l'essentiel est en jeu – et l'essentiel était bien notre institution et son fonctionnement – , l'ensemble des groupes politiques peuvent unanimement soutenir le président lorsqu'il est conduit à prendre des décisions si importantes.

À ceux, enfin, qui décrient notre assemblée et la considéreraient presque comme sans valeur ajoutée, je voudrais dire qu'il est intéressant de regarder la différence entre l'état dans lequel les textes entrent à l'Assemblée nationale et l'état dans lequel ils en sortent : dans la crise que nous traversons, de nombreux exemples pourraient illustrer cette différence. Finalement, la valeur ajoutée parlementaire, c'est bien la différence entre ce qui entre dans l'enceinte du Parlement et ce qui en sort ; et peu importe, à la limite, que les amendements viennent de la majorité, de l'opposition, du Gouvernement, du Sénat ou de l'Assemblée : cette valeur ajoutée parlementaire, la crise l'a mise en lumière à beaucoup d'égards, sur des thématiques sur lesquelles nous pourrons revenir.

Enfin, à ceux qui voudraient peut-être un peu trop rapidement intégrer l'état d'urgence sanitaire dans le droit commun, je dois dire que notre institution n'a jamais failli. Aujourd'hui, nous l'outillons un peu plus encore pour que, quelle que soit la crise à laquelle nous aurions à faire face, nous soyons là, dans le respect de l'intérêt démocratique commun, pour jouer pleinement et totalement notre rôle.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.