Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du lundi 1er mars 2021 à 16h00
Travaux de l'assemblée nationale en période de crise — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Dans le contexte exceptionnel que nous connaissons, l'engagement du groupe de la Gauche démocrate et républicaine pour endiguer l'épidémie de covid-19 ne doit faire aucun doute, et en aucun cas la gravité de la crise sanitaire ne saurait être sous-estimée. Prendre au sérieux la situation, mesurer le risque sanitaire, agir pour protéger nos concitoyens, anticiper nos modes de fonctionnement ne signifie nullement s'abstenir de porter un regard critique sur la façon dont l'exécutif entend y répondre, en particulier s'agissant de la prorogation d'un régime d'exception, de dispositifs attentatoires aux libertés fondamentales ou de la mise à l'écart du Parlement dans les processus de décision et de contrôle.

Gardons à l'esprit que c'est précisément à sa capacité de fonctionner en temps de crise que l'on mesure l'effectivité de l'État de droit, dont le respect constitue justement l'une des conditions essentielles de la résolution des problèmes en temps de crise. Depuis le début de cette crise sanitaire, alors que des pouvoirs exorbitants du droit commun ont été conférés à l'exécutif, nous n'avons eu de cesse d'alerter sur la nécessité de renforcer le rôle du Parlement. Or l'exécutif et sa majorité refusent de s'engager dans la voie d'un contrôle parlementaire exigeant, le dernier exemple en date étant la dissolution de la mission d'information parlementaire sur la crise du covid-19. Si le Parlement doit s'adapter en temps de crise, nous considérons que cette adaptation doit aller dans le sens d'un renforcement de ses missions, et en particulier de sa mission de contrôle.

Les travaux menés sous la houlette du rapporteur Sylvain Waserman, dans le cadre du groupe de travail sur l'organisation de nos travaux en période de crise, ont été conduits dans le respect et l'écoute mutuels de tous les groupes, et pour cela nous l'en remercions sincèrement. Nous saluons ainsi le refus transpartisan de la création d'un état d'urgence parlementaire et le refus d'institutionnaliser un mode de crise relevant d'une gouvernance et d'un corpus de règles spécifiques. De manière générale, si nous soulignons un travail de qualité, équilibré, nous regrettons malgré tout que rien n'ait été dit sur le recours aux ordonnances, sur la nécessité de renforcer les fonctions de contrôle du Parlement et tout particulièrement de l'opposition, ou encore sur le rééquilibrage des rapports entre le Parlement et le Gouvernement.

Surtout, nous demeurons circonspects sur le choix fait dans cette proposition de résolution et son article unique de confier à la conférence des présidents la possibilité d'adapter temporairement les modalités d'organisation des travaux de l'Assemblée nationale.

Avec cette modification, la majorité pourra seule, je dis bien seule, décider de bouleverser totalement notre mode de fonctionnement parlementaire en cas de circonstances exceptionnelles – circonstances non énumérées, donc laissées à son libre arbitre – , y compris en écartant des membres de la représentation nationale des réunions de commission ou de la séance publique. Même temporaire, cette éviction ne peut être prise à la légère et nécessite des garde-fous solides. Une information a priori des présidents de groupe par le président de l'Assemblée et une clause de rendez-vous tous les quinze jours ne peuvent être considérées comme suffisantes.

La mise en oeuvre d'un mode de fonctionnement exceptionnel pour nos travaux doit faire l'objet d'une prise de décision elle-même exceptionnelle dans ses modalités, donc, selon nous, écarter la règle du fait majoritaire. C'est d'ailleurs ce que prévoit aujourd'hui notre règlement : les décisions de notre assemblée qui limitent, voire privent les députés de leur possibilité d'expression dans l'hémicycle, à savoir le temps législatif programmé, la procédure d'examen simplifiée ou encore la procédure de législation en commission, ne sont pas soumises au fait majoritaire, le législateur ayant considéré qu'il s'agissait de décisions suffisamment graves pour qu'un seul président de groupe puisse s'y opposer.

Nous avons donc déposé des amendements qui garantissent une décision prise à l'unanimité des groupes parlementaires ou, en repli, qui ne pourrait être prise si deux groupes s'y opposent. Si l'un de ces amendements n'est pas adopté, nous nous refuserons à accompagner une modification de notre règlement que nous pourrions amèrement regretter – oui, regretter – si une future majorité était désireuse de saisir n'importe quel prétexte pour écarter une expression pleine et entière des représentants du peuple. Parce que, chacun d'entre nous le sait, demain est un autre jour.

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