Intervention de Michel Zumkeller

Séance en hémicycle du lundi 1er mars 2021 à 16h00
Travaux de l'assemblée nationale en période de crise — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Zumkeller :

Il y a bientôt un an, des milliers d'entreprises, d'indépendants, d'administrations et de services publics ont dû s'adapter, souvent en urgence, pour continuer à fonctionner malgré la crise de la covid-19. L'Assemblée nationale y a également réussi, grâce à la compétence de ses services : au plus fort de la crise, nous nous sommes retrouvés dans cet hémicycle à un ou deux par groupe pour voter des lois d'urgence très souvent composées d'ordonnances, à auditionner par visioconférence et à restreindre le contrôle parlementaire aux questions au Gouvernement.

Avons-nous tiré les leçons de cette crise ? Nous ne l'avons sans doute fait que très partiellement, d'abord parce qu'elle n'est pas terminée, ensuite parce que la modification d'habitudes aussi ancrées nécessite un travail de longue haleine. Le groupe de travail que vous avez conduit, monsieur le rapporteur, y a contribué dans un esprit de dialogue.

Selon nous, voici une des premières leçons concrètes que nous devons tirer : il faut rendre d'autres lieux opérationnels pour qu'ils puissent accueillir les travaux parlementaires en cas de nouvelle crise.

Ensuite, la proposition de résolution vient apporter une réponse à l'urgence de la situation. Tout a bien fonctionné au printemps 2020 grâce à la souplesse de notre règlement mais aussi à la coopération unanime de tous les groupes face à l'urgence. Il nous faut néanmoins créer un dispositif susceptible de sécuriser les innovations que sont le vote à distance – dont la nécessité est incontestable – et la délibération physique limitée, en particulier vis-à-vis du Conseil constitutionnel.

Ne pouvant pas anticiper les crises futures, nous devons nous rendre adaptables. Nous souscrivons donc à votre logique de souplesse, notamment en matière de gouvernance. Oui, c'est à la conférence des présidents d'agir en cas de circonstances exceptionnelles. Mais nous divergeons depuis le début sur un point. En conférence des présidents, chaque président de groupe détient autant de voix que son groupe a de membres. Autrement dit, c'est la majorité qui décide. Ce serait donc à elle de décider si nous sommes oui ou non face à des « circonstances exceptionnelles », et de contraindre – ce n'est pas rien – certains représentants de la nation à ne pas délibérer physiquement. Si tout s'est bien passé en 2020, en sera-t-il toujours de même ?

Nous pensons qu'il faut installer un verrou qui soit suffisamment solide sans bloquer notre fonctionnement, par exemple la majorité des deux tiers ou un double droit de veto. Si nous faisons cette proposition, ce n'est pas pour attaquer la majorité ni cette proposition, mais c'est parce que nous sommes guidés par un principe : chaque fois que nous prenons une mesure restrictive de nos droits, il faut imaginer ce que pourraient en faire d'autres élus moins démocrates que nous. Même au sein de notre propre assemblée, le pouvoir doit arrêter le pouvoir.

En commission, monsieur le rapporteur, vous m'avez indiqué que les décisions se prennent à la majorité simple depuis 1954. Mais cela ne saurait constituer un argument : entre 1954 et 2020, il n'y a eu ni invasion du territoire, ni crise de cette ampleur, ni épidémie mondiale ! Le propre des crises est d'être exceptionnelles, et celle de l'année dernière l'a été. Nous parlons bien de cas extraordinaires, pour lesquels il ne devrait pas y avoir de difficulté à imaginer des dispositifs nouveaux. Nous devons être capables de remettre en cause des procédés bien installés pour affronter l'inconnu et le pire.

Si le texte est maintenu en l'état, une procédure d'examen simplifiée pourra faire l'objet d'un droit de veto, mais l'instauration d'un fonctionnement de crise selon lequel les présences seraient plafonnées ne le pourra pas ; nous devrions donc en prendre acte comme d'une décision banale.

Vous avez retenu la clause de revoyure suggérée par de nombreux groupes et en particulier par Jean-Christophe Lagarde, ce qui est une très bonne chose. En revanche, vous l'avez compris, la simple information des présidents de groupe n'est à nos yeux pas suffisante.

C'est ce qui nous a conduits à nous abstenir lors de l'examen du texte en commission. Nous espérons le faire évoluer, afin de « dissiper les craintes exprimées », comme l'a dit le président Richard Ferrand lors de la remise du rapport. Nous ne voudrions pas réitérer l'expérience de la réforme du règlement de 2019, car l'exigence de concertation ne s'était pas toujours concrétisée lors de la discussion parlementaire.

Parce que nous voulons tirer les leçons de la crise, nous sommes à votre disposition pour améliorer certains outils abondamment utilisés en 2020, en particulier les questions écrites et les contributions écrites, qui nous sont chères, mais aussi les ordonnances, pour lesquelles une association maximale du Parlement est nécessaire.

Enfin, les crises doivent aussi être l'occasion de modifier les logiques routinières. Le « monde d'après » parlementaire doit absolument se moderniser en prenant en compte la situation particulière de nos collègues ultramarins : ils doivent pouvoir voter et participer à distance autant que possible, afin de compenser l'inégalité géographique qu'ils subissent.

Le groupe UDI et indépendants espère que la discussion parlementaire nous permettra de progresser sur l'ensemble de ces points, afin de tendre vers un dispositif qui soit le plus abouti possible.

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