Intervention de Michel Larive

Séance en hémicycle du lundi 1er mars 2021 à 16h00
Travaux de l'assemblée nationale en période de crise — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Larive :

Voilà presque un an – c'était le 23 mars 2020 – que l'état d'urgence sanitaire a été proclamé, donnant la possibilité au Premier ministre de prendre par décret toutes les mesures jugées nécessaires pour faire face à l'épidémie.

Si le caractère d'urgence de la situation nécessite des mesures exceptionnelles, rien ne justifie en revanche le fait d'écarter les représentants de la nation de la construction des solutions et des décisions qui en découlent. Malgré les tentatives du Gouvernement pour ignorer le pouvoir législatif, le groupe La France insoumise a travaillé sans relâche, depuis l'arrivée de la covid-19 en France, pour être force de proposition. Son travail sérieux, mis à la disposition de toutes et de tous afin d'offrir des solutions de rechange à celles proposées par le Gouvernement, a permis, depuis mars 2020, de publier onze propositions de loi, six plans et quatre guides et de former une commission d'enquête spécifique à la gestion de crise.

Après avoir contourné le Parlement, le Gouvernement l'a muselé. Après la remise d'un premier rapport en juin 2020, assorti de nouvelles conclusions en décembre, il a été décidé à la fin du mois de janvier dernier, on ne sait pour quelles raisons, de dissoudre la commission d'enquête parlementaire sur la gestion de la covid-19. L'explication est peut-être à chercher du côté d'une politique de gestion de crise hasardeuse, que vous préféreriez dissimuler plutôt qu'assumer.

Le point culminant de votre dérive renvoie à la place prépondérante laissée au conseil de défense dans la conduite de la politique sanitaire nationale. Cette instance de décision est régie par le secret-défense. Les parlementaires en sont exclus et découvrent l'identité de certains de ses membres par voie de presse.

Aujourd'hui, nous discutons d'une proposition de résolution visant à modifier le règlement de l'Assemblée nationale dans le but de faciliter le travail du Parlement en période de crise.

Nous nous réjouissons, comme en commission, que la majorité présidentielle s'essaie à la planification sanitaire – méthode que nous réclamons depuis des mois dans tous les domaines de l'action publique. Dans cette optique, on a nommé un commissaire au plan, M. François Bayrou, mais il semblerait que le mode d'organisation du prochain scrutin législatif l'inquiète plus que les perspectives de résolution de la crise.

Nous regrettons que cette proposition de résolution serve de prétexte à un nouvel affaiblissement du Parlement. Le règlement de l'Assemblée nationale issu de la révision constitutionnelle de 2008 prévoit que la composition des huit commissions permanentes, de soixante-treize députés chacune, respecte les proportions des groupes politiques. Certains groupes minoritaires, dont le nôtre, ne disposent que de deux sièges par commission permanente. En divisant par deux, depuis des mois, le nombre de députés pouvant siéger en commission, vous mettez en péril la possibilité, pour les groupes d'opposition, d'exercer leurs prérogatives de proposition législative et de contrôle de l'action du Gouvernement.

De plus, avec ce texte, la conférence des présidents pourra adapter les modalités de vote, notamment en recourant à des outils de travail à distance. L'exposé des motifs de la proposition de résolution indique que deux types de scrutin peuvent être inclus dans le champ du vote à distance : les votes sur l'ensemble d'un texte et ceux sur les déclarations du Gouvernement effectuées en application de l'article 50-1 de la Constitution. Mais le respect du principe du vote personnel et des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire ne nous semble pas en mesure d'exclure du dispositif tous les autres types de scrutin.

La majorité présidentielle n'en est pas à son coup d'essai en matière de limitation des pouvoirs du Parlement. Les procédures accélérées, le recours systématique aux ordonnances, le passage en force par l'article 49. 3 lors du débat sur la réforme des retraites, la réforme du règlement de notre assemblée en 2019, les amendements de l'opposition jugés irrecevables quand ils sont trop nombreux, le second vote quand le premier ne satisfait pas le Gouvernement : tout nous laisse à penser que cette proposition est une nouvelle étape dans la remise en cause de notre institution.

Aucune crise ne saurait justifier une telle dérive. Même s'il est indispensable d'anticiper en se dotant de procédures adaptées, le caractère imprécis de votre texte laisse craindre que la subjectivité qu'il engendre n'en fasse un support légal de la mise sous tutelle de l'Assemblée nationale. Nous, parlementaires insoumis, refusons d'aggraver le délitement de notre institution et la concentration des pouvoirs entre les mains de l'exécutif. Nous proposerons donc des amendements visant à donner à ce texte un sens qui correspond mieux au fonctionnement des démocraties modernes.

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