Intervention de Cathy Racon-Bouzon

Séance en hémicycle du mercredi 3 mars 2021 à 15h00
Débat consacré à l'europe

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCathy Racon-Bouzon :

La commission des affaires culturelles et de l'éducation a procédé à deux auditions de ministres pour cerner les conséquences du Brexit pour la recherche et l'enseignement supérieur, d'une part, et pour la culture, d'autre part.

Lors de son audition du 27 janvier dernier, Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, a souligné que l'incidence du Brexit n'était pas la même pour l'Europe de l'enseignement supérieur et pour l'Europe de la recherche.

Le Royaume-Uni a fait le choix de poursuivre sa participation aux grands programmes de recherche européens. L'accord signé le 24 décembre dernier fixe les modalités de sa participation financière au programme-cadre de recherche et d'innovation et de son accès aux subventions dans le cadre du Conseil européen de l'innovation – CEI. En ce qui concerne le programme Horizon Europe, l'accord ouvre la voie à la participation des chercheurs britanniques et le Royaume-Uni s'est engagé à financer entre 10 et 20 milliards d'euros sur la durée du programme. La mobilité des chercheurs ne devrait pas poser problème, que ce soit pour les programmes en cours ou à venir. Le Royaume-Uni se trouve désormais à cet égard dans la même position que la Suisse ou la Suède, qui contribuent au financement des programmes de recherche et récupèrent ce qu'elles ont investi au travers de partenariats. Seul changement d'importance, les chercheurs français qui voudront s'installer au Royaume-Uni seront soumis au système de points qui régit désormais la politique migratoire du pays et devront apporter la preuve d'un revenu minimum.

En revanche, les conséquences sont tout autres dans l'enseignement supérieur, le Royaume-Uni ayant fait le choix de sortir d'Erasmus + et de créer son propre programme de mobilité internationale, le programme Alan Turing. Cette décision, qui met fin à plus de trente ans de coopération, a profondément ébranlé la communauté universitaire française car le Royaume-Uni était jusqu'en 2018 la deuxième destination des Français pour les mobilités Erasmus. Si des solutions vont être trouvées pour permettre aux actuels bénéficiaires du programme d'aller au bout de leur séjour, il est probable que les obstacles financiers découragent à l'avenir nombre d'étudiants de traverser la Manche. En effet, outre le coût du visa, d'environ 400 euros, et les frais d'inscription sans commune mesure avec ceux pratiqués en France – plus de 10 000 euros par an en moyenne – , le Royaume-Uni va exiger un revenu minimum annuel de 28 500 euros au titre de la subsistance. Une négociation intergouvernementale au niveau européen va s'engager sur ces différents points, mais la ministre ne nous a pas caché qu'elle serait difficile. Un point positif tout de même, l'Irlande du Nord, l'Écosse et le Pays de Galles veulent rester dans le cadre d'Erasmus +. Tous les ministres européens insistent pour qu'il en soit ainsi, afin que ces destinations restent accessibles à nos étudiants.

J'en viens au secteur culturel.

Lors de son audition du 18 février, la ministre de la culture, Mme Roselyne Bachelot, a souligné qu'au Royaume-Uni, la question culturelle n'a pratiquement jamais été abordée dans les débats relatifs au Brexit. Or, s'il est un secteur particulièrement marqué par les conséquences de cette décision, c'est bien le secteur culturel britannique au moment même où il vit un véritable drame avec la crise pandémique. L'accord signé le 24 décembre dernier préserve la souveraineté culturelle européenne et protège nos modèles de régulation, ainsi que la diversité et les droits de nos acteurs culturels face aux géants du numérique.

Toutefois, les avantages du marché intérieur et de la solidarité européenne disparaissent. Il en est ainsi de la liberté de circulation des artistes et des professionnels de la culture, désormais soumis aux règles nationales de visa et d'autorisation de travail mais aussi de la reconnaissance mutuelle des diplômes et des qualifications. Pour le secteur culturel, cette situation a des conséquences très importantes, qu'il s'agisse des architectes, des restaurateurs du patrimoine, des professeurs de danse ou encore des guides conférenciers. Ajoutons que les ressortissants britanniques ne bénéficieront plus de certaines conditions tarifaires préférentielles pour l'accès aux établissements culturels européens, comme la gratuité pour les jeunes de moins de 26 ans dans nos musées nationaux.

L'accord ne marque cependant pas la fin de toute relation culturelle entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. Ce dernier pourra continuer à bénéficier de certains programmes de financement européens en tant que pays tiers associé, comme le programme de recherche Horizon Europe, ou, s'il le souhaite, du programme Europe créative. Certaines règles pourront ainsi continuer de s'appliquer, notamment en matière de sécurité sociale afin de faciliter la mobilité des artistes et d'éviter les surcoûts et les difficultés administratives.

Mme la ministre de la culture nous a assuré être déterminée à poursuivre le dialogue afin de faciliter la circulation des artistes et des créateurs des deux côtés de la Manche, car le Brexit ne saurait rimer avec repli sur soi. Il convient désormais de bâtir une nouvelle relation entre l'Union et le Royaume-Uni dans le respect de la souveraineté et des cultures de chacun. Ce sera l'un des enjeux de la présidence française de l'Union européenne.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.