Intervention de Françoise Dumas

Séance en hémicycle du mercredi 3 mars 2021 à 15h00
Débat consacré à l'europe

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Dumas, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées :

À l'automne 2017, la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale a affirmé clairement et de manière inédite que la France n'envisageait plus de développer seule certaines capacités indispensables à ses forces armées, mais les concevrait désormais dans un cadre européen. En décembre de la même année, sous l'impulsion de la France et de l'Allemagne, une coopération structurée permanente européenne a vu le jour dans le domaine de la défense, impliquant vingt-cinq États membres. Quarante-cinq projets collaboratifs ont été entérinés dans ce cadre et sont éligibles à un financement du fonds européen de la défense, dont le budget a été fixé à 7 milliards d'euros pour la période 2021-2027, soit un sixième du budget de recherche et de développement de défense des États membres et du Royaume-Uni.

Autre fait majeur, à l'initiative du Président de la République, plusieurs États européens, incluant le Danemark et le Royaume-Uni, ont adhéré en juin 2018 à l'initiative européenne d'intervention, qui constitue un cadre particulièrement souple permettant aux pays qui le souhaitent de développer une culture stratégique commune.

Ces initiatives sont à saluer mais les difficultés s'amoncellent. Comme l'ont mis en évidence nos collègues Natalia Pouzyreff et Michèle Tabarot dans les conclusions du rapport de la mission d'information sur la coopération structurée permanente, les engagements pris par les États membres ne sont pas tous tenus. En outre, le grand nombre de projets adoptés fait peser un risque de dilution sur cet embryon de politique européenne, alors même que l'OTAN – Organisation du traité de l'Atlantique nord – demeure l'unique horizon de la politique de défense de nombreux États, tout comme l'achat de matériels américains celui de leur politique d'équipement.

En matière de coopération capacitaire franco-allemande, les projets en cours – notamment le char et l'avion du futur – constituent des programmes structurants tant pour les armées que pour les filières industrielles de défense. Les négociations sur les prochaines étapes de ces programmes n'ont pas encore abouti et visent à obtenir un juste équilibre entre les intérêts industriels français et allemands, tout en assurant la logique du « meilleur athlète » qui est la seule capable d'assurer, dans la durée, la maîtrise des coûts et des délais. Un accord bénéfique aux différentes parties, même s'il est complexe par nature et qu'il faut l'aborder sans naïveté, semble en bonne voie.

Enfin, le Brexit fait planer une incertitude sur l'avenir de la coopération franco-britannique en matière de défense. Comme l'ont souligné nos collègues Jacques Marilossian et Charles de la Verpillière dans leur rapport d'information retraçant le bilan des accords de Lancaster House, dont le dixième anniversaire a été célébré en novembre dernier, l'enjeu est pourtant de taille. Les deux pays représentent 60 % des dépenses européennes de défense et 80 % des dépenses de recherche et développement dans ce domaine. Le Royaume-Uni est le seul autre pays européen à avoir à la fois la capacité et la volonté de mener des opérations militaires, y compris de combat, là où leurs intérêts l'exigent, là où la présence de l'Europe est attendue, souhaitée et soutenue. Nous ne pouvons pas nous passer de cet allié qui vient d'ailleurs d'annoncer une nouvelle hausse de son budget de défense de 18 milliards d'euros sur quatre ans.

L'Europe demeure donc un combat politique, que l'on ne peut repousser à un horizon toujours plus lointain. J'attends avec impatience la tenue d'un nouveau sommet franco-britannique qui permettra de dessiner le futur des accords de Lancaster House. Mais nous devons faire davantage. L'adoption d'une boussole stratégique européenne, prévue au cours du premier semestre 2022, pendant la présidence française, sera notamment l'occasion d'une analyse commune des menaces, analyse qui permettra de définir les orientations stratégiques, de déterminer les instruments et les capacités dont l'Union européenne a besoin.

En attendant, la France doit continuer à jouer un rôle moteur en maintenant la trajectoire définie par la loi de programmation militaire – LPM – et en préparant une future loi de programmation aussi ambitieuse que l'actuelle.

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