Intervention de Pieyre-Alexandre Anglade

Séance en hémicycle du mercredi 3 mars 2021 à 15h00
Débat consacré à l'europe

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPieyre-Alexandre Anglade :

Il est vrai que le négociateur, M. Michel Barnier, a joué un rôle prépondérant. Cet accord embrasse de nombreux sujets, et touche directement aux travaux de la commission des lois dans ses volets relatifs à la coopération judiciaire et à la sécurité intérieure.

En matière de coopération judiciaire, d'importants compromis ont été trouvés pour limiter les conséquences du Brexit. Le mandat d'arrêt européen, par exemple, qui avait prouvé son efficacité, ne pourra plus être utilisé avec le Royaume-Uni, mais sera remplacé par un mécanisme proche : une procédure d'extradition rapide, similaire à celle du cadre européen, sera ainsi instaurée avec le Royaume-Uni. Autre exemple, si le Royaume-Uni ne participe plus aux activités de l'agence Eurojust – unité de coopération judiciaire de l'Union européenne – , un magistrat de liaison britannique restera présent au sein de l'agence, comme nous l'a rappelé le garde des sceaux lors de son audition. En matière de gel et de confiscation d'avoirs, ainsi que d'échange d'informations relatives aux condamnations pénales, l'accord prévoit également des dispositions proches du droit européen en vigueur.

Pour ce qui est de la sécurité intérieure, le Brexit n'aura pas, non plus, de conséquences négatives sur notre relation bilatérale. Toutefois, le ministre de l'intérieur a signalé, lors de son audition par la commission des lois, que certains enjeux restaient en suspens et feraient l'objet de nouvelles discussions dans un avenir proche – citons notamment la question migratoire, qui ne figurait pas dans le mandat de négociation confié à l'Union européenne. En conséquence, le règlement de Dublin III, qui prévoit que le pays responsable de l'instruction d'une demande d'asile est le pays d'entrée, ne s'applique plus au Royaume-Uni. Les Britanniques souhaiteraient conclure un accord bilatéral avec la France à ce sujet ; or, comme l'a souligné le ministre de l'intérieur, nous devons trouver un accord global entre les vingt-sept et le Royaume-Uni en la matière.

L'unité dont nous avons fait preuve face au Brexit nous a permis d'obtenir des résultats significatifs – il faut saluer, à ce titre, le travail mené par le négociateur, mais aussi par le gouvernement français, qui a constamment cherché à faire prévaloir l'unité européenne. Cette même unité doit nous guider en ce qui concerne deux sujets majeurs, au coeur des débats liés à la crise, et qui devraient animer les discussions de la commission des lois : la gestion des frontières au sein de l'espace Schengen, d'une part, et le pass sanitaire, de l'autre, dont la Commission européenne, avec le mandat des États membres, s'est saisie ces derniers jours.

Voilà un an que les États européens ont réintroduit des contrôles aux frontières intérieures de l'espace Schengen, souvent de façon désordonnée et non concertée, en dépit de l'important travail de coordination mené par la France – nous l'avons encore vu ces derniers jours à la frontière allemande. Voilà un an que ces mesures pèsent très lourdement sur les vies de millions de citoyens français et européens qui ont construit leur vie professionnelle, étudiante ou familiale dans une zone transfrontalière ou dans un autre État membre. Aujourd'hui encore, certains États prennent des mesures qualifiées de disproportionnées par la Commission européenne : la semaine dernière, ils ont été cinq ou six à être rappelés à l'ordre. Je pense en particulier à la Belgique, État frontalier qui interdit, depuis le 27 janvier, tous les voyages non essentiels depuis et à destination d'un autre pays.

S'il appartient évidemment à chaque pays de prendre les mesures qu'il estime nécessaires pour protéger sa population, il n'en demeure pas moins que des mesures excessives aux frontières abîment la confiance entre les États et les citoyens européens. En la matière, ma conviction est claire : lorsqu'on parle des frontières intérieures de l'Union, c'est à l'échelle de l'Europe que les mesures doivent être prises, car c'est dans cet espace que nous avons construit nos libertés, et c'est dans cet espace que nous aurons à construire, dans les mois et les années à venir, les moyens de nous protéger. Il n'est pas acceptable qu'un citoyen français ou européen, établi à Bruxelles ou ailleurs en Belgique, ne puisse pas regagner la France au motif que l'État dans lequel il réside le lui interdit. C'est une expérience profondément douloureuse et injuste pour de nombreux Français qui résident en Belgique, citoyens habitués à vivre au quotidien le principe fondateur de l'idée européenne qu'est la libre circulation.

J'en viens au pass sanitaire. Dans la crise brutale que nous vivons, nous devons donner des perspectives claires à nos concitoyens et préparer l'avenir. Cela implique nécessairement d'entamer un débat sur le pass sanitaire. Sur ce sujet, comme sur celui des frontières, nous devons avoir une approche commune avec les vingt-sept. Si nous voulons retrouver une vie plus normale dans les semaines à venir, profiter des lieux qui font notre vie sociale – lieux de culture, cafés, restaurants – , des événements sportifs ou encore voyager de nouveau en Europe, …

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.