Intervention de Jean-Yves le Drian

Séance en hémicycle du mercredi 3 mars 2021 à 15h00
Débat consacré à l'europe

Jean-Yves le Drian, ministre de l'Europe et des affaires étrangères :

Telle est la réalité que nous partageons ; pour la plupart d'entre nous, c'est un fait. La souveraineté que nous affirmons désormais à vingt-sept, au nom des 450 millions d'Européens, constitue un levier de souveraineté supplémentaire pour chacune de nos nations. Si nous voulons rester acteurs de notre propre histoire et maîtres de notre destin, si nous tenons à considérer avec lucidité et pragmatisme les rapports de force qui régissent actuellement la vie internationale, il nous faut aller plus loin dans la construction de cette souveraineté commune, en continuant à tracer pour la France et pour l'Europe un chemin d'autonomie stratégique.

En 2021, confondre souveraineté et autarcie serait absurde ; en revanche, force est de constater que, dans le processus d'acquisition de cette souveraineté, nous avons longtemps confondu naïveté et ouverture. C'est ce qui fait la valeur du réveil européen dont nous avons voulu donner le signal, afin que notre Union sorte enfin du temps de l'innocence et, très concrètement, se donne les moyens de se faire respecter. Se faire respecter, tout d'abord, en matière économique et commerciale : à notre initiative, l'Union européenne a instauré en octobre dernier un filtrage des investissements dans les domaines stratégiques, comme les télécommunications, les biotechnologies, les infrastructures. Réciprocité et loyauté étant essentiels aux échanges, les Européens formulent désormais des conditions nettes et n'hésitent plus à défendre leurs intérêts ; honnêtement, c'est là une véritable avancée.

Sachant M. Bourlanges particulièrement soucieux de ce sujet, j'insiste sur la vigilance dont nous ferons preuve concernant l'Accord global sur les investissements, que l'Union européenne a conclu en décembre avec la Chine. Cet accord représente pour nos entreprises un vrai progrès en matière d'accès au marché chinois ; il constitue aussi un levier majeur, qui pousse la Chine à intégrer les objectifs de développement durable et l'oblige quasiment à lutter contre le travail forcé. Cette dernière question est en effet de la plus grande importance pour notre pays. Notre partenariat commercial ne saurait se construire sur le mépris des droits de l'homme, et nous porterons à ce point une attention toute particulière.

La communication publiée le 18 février dernier par la Commission pour établir la nouvelle stratégie de politique commerciale de l'Union européenne s'inscrit dans ce mouvement de réveil européen ; elle représente à cet égard un vrai changement de paradigme. En la lisant, je me réjouis que l'idée de souveraineté ne s'arrête pas à celles de concurrence, d'industrie ou de commerce – pour reprendre les observations que Mme Rabault a faites tout à l'heure.

Chacun, à la faveur des derniers mois, a compris que nous devions impérativement améliorer la résilience de nos chaînes de valeur et réduire nos dépendances stratégiques. Il s'agit d'identifier nos fragilités, de diversifier nos approvisionnements, de constituer des stocks stratégiques européens, de faciliter le recyclage lorsque cela est pertinent et, pour certains produits particulièrement critiques comme les médicaments – y compris les vaccins, monsieur Mélenchon – , de retrouver une capacité d'offre au sein de l'Union européenne grâce à la création de nouvelles capacités de production ou à la relocalisation de certains segments clés.

De plus en plus, nos partenaires européens prennent également conscience que notre action à l'OMC en faveur de la régulation des échanges doit nécessairement s'accompagner d'un renforcement des outils européens et d'une attention politique accrue à l'égard de la lutte contre les pratiques déloyales et contre les pratiques coercitives ou extraterritoriales de certains de nos grands partenaires.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.