Intervention de Sylvia Pinel

Séance en hémicycle du mercredi 3 mars 2021 à 15h00
Mutations du secteur aérien face aux défis économique et écologique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSylvia Pinel :

La crise de la covid-19 est venue assombrir le ciel, jusque-là sans nuage, du secteur aéronautique. La contraction du tourisme et, plus globalement, de l'activité et des échanges économiques a cloué au sol l'immense majorité de la flotte aérienne, ce qui a terni les perspectives d'un secteur entier.

Chez moi, en Occitanie, véritable bastion de l'industrie aéronautique, les conséquences sont lourdes. Pour Airbus tout d'abord : à la suite de la baisse des livraisons et des commandes brutes, le groupe a été contraint d'annoncer, en juin dernier, un plan de restructuration. D'autres géants industriels, comme Safran, Thales, ou encore Dassault, qui participent au dynamisme du secteur, ont eux aussi été contraints d'adapter leur production au contexte de la crise sanitaire.

Parmi les victimes, on compte également les PME et les ETI sous-traitantes de ces grandes entreprises, indirectement affectées par la réduction du volume des carnets de commandes – beaucoup d'entre elles se trouvent dans mon département. Pour elles, la situation est d'autant plus critique qu'elles étaient nombreuses à s'être endettées pour se moderniser et acheter des équipements ou des machines afin de suivre la montée en cadence des dernières années. Localement, le choc est dur à encaisser. La filière aéronautique était depuis plusieurs années l'un des principaux, si ce n'est le principal moteur de croissance du territoire. De nombreuses sociétés et entreprises du secteur des services, de l'hôtellerie ou du tourisme sont en effet dépendantes de la prospérité liée à l'aérien et manquent aujourd'hui de perspectives. Ces difficultés économiques ne sont pas anodines. Elles se traduisent pour nos concitoyens par des destructions d'emplois, et une hausse inquiétante de la précarité.

Heureusement, des dispositifs d'accompagnement ont été mis en place par le Gouvernement tant pour le secteur aérien que, plus globalement, en faveur du maintien de l'emploi. Ils ont été complétés par des mesures, bienvenues, de soutien de la part des collectivités territoriales. Je pense en particulier à l'action de la région Occitanie qui a dévoilé, au début du mois de juillet, un plan complémentaire de 100 millions d'euros pour la filière, dont 35 millions alloués à la formation et à la préservation des compétences, et 43 millions à l'accompagnement de la diversification de la sous-traitance et au développement des technologies vertes.

Ces soutiens de l'État et de la région sont essentiels pour préserver les savoir-faire et les compétences de pointe qui font la richesse de nos territoires. En effet, ces emplois expérimentés et qualifiés permettront au secteur de rebondir et de faire face aux nombreux défis qui l'attendent.

Le premier, et non des moindres, est celui de son impact environnemental. Les émissions de gaz à effets de serre imputables à l'avion, représentaient, avant la crise, près de 5 % du total des émissions. Avec la hausse attendue du nombre de passagers au moment de la reprise, ce chiffre devrait augmenter. À l'heure où l'ensemble de la société est appelé à contribuer à l'effort environnemental, le secteur aérien doit, lui aussi, opérer sa mutation. Il faudra toutefois veiller à lui donner un cadre juridique satisfaisant et, sur ce sujet, je rejoins les inquiétudes exprimées par mes collègues concernant le projet de loi « climat et résilience ».

Pour concilier croissance économique et respect de l'environnement le transport aérien devra affronter de nouveaux enjeux techniques et technologiques. Ils sont à la portée d'une industrie qui a toujours cherché à dépasser les limites. D'ailleurs, la performance environnementale du transport aérien s'est d'ores et déjà améliorée. Entre 2000 et 2019, grâce à une meilleure efficacité énergétique des avions, on a observé une décroissance moyenne de 1,5 % par an des émissions de CO2 unitaires liées au trafic aérien. Il faut que l'ensemble du secteur poursuive ses efforts. C'est une condition pour améliorer l'acceptabilité sociétale du développement du transport aérien. Les pistes sont multiples : le développement des biocarburants, les recherches accrues sur l'hydrogène vert, et les premiers projets de propulsion électrique sont autant de signaux positifs.

Les grands groupes industriels et les équipementiers ont les moyens et les ressources disponibles pour développer des solutions de pointe. Je suis toutefois convaincue que nous ne parviendrons à de réelles avancées qu'à condition d'entraîner l'ensemble de la filière, PME et ETI comprises. Les solutions les plus innovantes ne viendront pas nécessairement des plus grosses entreprises. À ce titre, le CORAC, le conseil pour la recherche aéronautique civile, a un rôle déterminant à jouer pour synchroniser les efforts de recherche et de transferts de technologies, mais également pour que l'ensemble du tissu industriel bénéficie du milliard et demi d'euros prévu dans le cadre du plan France relance. Monsieur le ministre délégué, pourriez-vous dresser un premier état des lieux des appels à projets lancés par le CORAC ? Combien de projets ont-ils été proposés ? Combien ont été retenus ? Quels sont les montants distribués en 2020 ?

En attendant de développer l'avion du futur, ne perdons pas de vue que la priorité doit rester de soutenir un tissu industriel en grande difficulté, et les milliers d'emplois qui en dépendent dans tous nos territoires.

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