Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du mercredi 3 mars 2021 à 21h30
Mission d'information sur les enfants sans identité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

Parce que les enfants sont plus vulnérables que les adultes, parce qu'ils n'ont ni droit de vote ni influence politique ou économique, parce que le développement sain des enfants est crucial pour l'avenir de toute la société, le monde s'est doté en 1989 d'une convention internationale des droits de l'enfant. C'est ainsi que l'UNICEF présente ce qui constitue le socle de son action à travers cette convention internationale, dont les cinquante-quatre articles énoncent pour chaque enfant des droits fondamentaux, parmi lesquels celui d'avoir un nom, une nationalité et une identité.

Or, en 2019, selon l'UNICEF, 160 millions d'enfants de moins de cinq ans dans le monde n'étaient pas enregistrés à la naissance et 237 millions, soit un tiers des enfants de cette catégorie d'âge, ne disposaient pas d'un acte de naissance. Les parties du monde les plus concernées sont l'Afrique subsaharienne et le sud de l'Asie, qui totalisent 145 millions d'enfants de moins de cinq ans non enregistrés.

En France, cette réalité existe également : les enfants sans identité seraient des enfants d'étrangers en situation irrégulière, mais aussi des membres de la communauté rom. Le phénomène serait plus prégnant sur deux territoires ultramarins : en Guyane, en raison de la venue de populations du Surinam, du Brésil et de Haïti, et à Mayotte, du fait de la proximité des Comores.

Comme l'indiquent les deux rapporteures de la mission d'information dont nous débattons ce soir les conclusions, notre action en matière d'aide à l'enregistrement à l'état civil des enfants ne pourra être efficace que si la France apparaît crédible sur cette thématique, c'est-à-dire si elle est elle-même exemplaire sur son territoire. C'est sur ce point que je souhaite concentrer mon propos. La volonté de la France de promouvoir l'enregistrement des enfants dans le monde se heurte en partie à ses propres inconséquences en la matière, à commencer par son non-respect de l'objectif de développement durable 16. 9 des Nations-Unies, qui indique que d'ici à 2030, il s'agit de garantir à tous une identité juridique, notamment grâce à l'enregistrement des naissances.

C'est le manque d'investissements de notre pays en matière d'adaptation des services publics aux territoires ultramarins, notamment Mayotte et la Guyane, qui est en cause, comme l'a constaté à de nombreuses reprises le Défenseur des droits – entre autres. Pour la Guyane, la proposition des rapporteures d'instituer un bureau commun de l'état civil entre la France et le Surinam est intéressante, mais elle n'aura que peu d'effets pour les enfants nés de parents étrangers poursuivis par les autorités françaises. Si on veut véritablement agir dans l'intérêt des enfants, il faut réviser entièrement l'orientation de notre politique migratoire, car nous n'avons aucune chance de régulariser la situation des enfants migrants et migrantes si nous continuons à les pourchasser, eux et leurs parents.

Il en va de même pour Mayotte, où les associations de défense des droits humains ne cessent d'alerter le Gouvernement sur la pénurie en matière de services publics et sur la situation particulièrement grave des mineurs non accompagnés. Là encore, la proposition de renforcer la coopération avec les pays limitrophes n'aurait que peu d'effet sur la protection des enfants sans une véritable prise en charge sociale, éducative et administrative des mineurs isolés, dont la protection ne devrait pas dépendre des aléas des choix de politique migratoire.

Il y a urgence en Outre-mer, mais aussi en Hexagone, vis-à-vis de ces mineurs non accompagnés, d'un changement complet de paradigme, ou plutôt d'une remise à l'endroit. Le Gouvernement a choisi de présumer que ces enfants étrangers non accompagnés étaient majeurs en l'absence de preuve du contraire, ce qui va à l'encontre de la convention des Nations unies sur les droits de l'enfant, qui postule la présomption de minorité. Ces enfants devraient être accueillis et protégés en France sans que leur situation administrative soit un facteur de précarisation.

Si nous voulons être en conformité non seulement avec nos engagements internationaux, mais aussi avec une stratégie diplomatique à l'échelle internationale qui fasse de la France un exemple à suivre, une voix qui compte, qui est entendue et qui est crédible, il faut impérativement que nous mettions nous-mêmes en oeuvre les moyens d'être une inspiration pour d'autres pays en résorbant ce qui existe aujourd'hui en matière de non-inscription des enfants, notamment des enfants étrangers, et en changeant notre doctrine en matière de gestion des flux migratoires, en faisant primer enfin l'intérêt des enfants sur les choix répressifs aujourd'hui mis en oeuvre. Nous sommes heureux que ces débats permettent de mettre en lumière le travail que nous avons encore à faire sur ce sujet.

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