Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du mercredi 3 mars 2021 à 21h30
Mission d'information sur les enfants sans identité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

La question des enfants sans identité est un sujet de fond, pourtant peu connu, sur lequel il existe peu de données. Nous remercions le groupe Socialistes et apparentés de l'avoir mis à l'ordre du jour et de nous apporter un éclairage utile sur ce phénomène suite au travail de qualité mené par nos deux collègues Laurence Dumont et Aina Kuric.

La situation décrite par le rapport de la mission d'information est très préoccupante et les chiffres mentionnés sont véritablement impressionnants. Selon les données de l'UNICEF, un enfant sur quatre dans le monde n'est pas enregistré à la naissance et un enfant sur trois n'a pas d'acte de naissance. Cela représente 166 millions d'enfants de moins de cinq ans dans le monde qui ne sont pas enregistrés à la naissance et 237 millions qui ne disposent pas d'acte de naissance. Avoir une identité est pourtant un droit fondamental. Selon l'article 7 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, chaque enfant doit être enregistré à la naissance afin de posséder une entité juridique. Surtout, c'est un droit qui détermine l'accès à tous les autres droits : comment avoir accès à l'éducation ou à la santé sans inscription à l'état civil ? Comment se marier, voyager, accéder à l'emploi dans l'économie officielle ? Être sans identité, c'est être condamné à une vie de fantôme en marge de la société moderne.

Le rapport nous informe que les enfants sans identité se concentrent surtout en Afrique, en Asie, en particulier dans les pays pauvres d'Afrique de l'Ouest ou encore au Sahel, avec parmi les principales causes le fait que dans certains pays, l'inscription à l'état civil est payante. Si ce phénomène est surtout visible dans les pays en développement, il existe aussi en France, principalement à Mayotte et en Guyane, mais aussi en France continentale.

Dans le cadre de mon activité parlementaire, j'ai eu à traiter dans ma circonscription la situation d'une famille dont les deux enfants ne possédaient pas d'acte de naissance. J'ai pu réaliser à quel point l'absence d'identité bafouait le droit même d'avoir des droits, puisque l'accès à l'éducation et à la santé était rendu très difficile par le fait que ces enfants n'avaient aucune existence légale – en un mot, ils étaient invisibles. J'y reviendrai à l'occasion des questions.

Comment lutter contre cette anomalie ? Le rapport nous fournit des pistes de réflexion intéressantes. À l'échelle internationale, dans les pays en voie de développement, l'aide publique au développement est un moyen d'action pertinent. Le groupe Libertés et territoires tient ici à saluer l'inscription d'un engagement sur cette thématique dans le cadre de partenariat global annexé au projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, voté hier à l'unanimité par notre assemblée. Selon le projet de loi, la France promeut l'enregistrement des naissances et des faits d'état civil et accompagne la création d'états civils fiables au travers de sa politique d'aide au développement bilatérale et elle s'investit au niveau multilatéral. Nous nous interrogeons cependant sur les formes concrètes que prendra cet engagement : comment le Gouvernement souhaite-t-il défendre cette thématique dans sa politique bilatérale pour parvenir à des résultats efficaces ?

En ce qui concerne la situation sur notre sol, il nous paraît particulièrement important de traiter de la question de la Guyane et de Mayotte. Nous soutenons donc la recommandation visant à améliorer la coopération en matière d'état civil avec les pays limitrophes de la Guyane et de Mayotte, notamment le Surinam et les Comores, pour avancer sur la question. En France continentale, les cas les plus présents sont ceux de mineurs étrangers. La priorité est de pouvoir recueillir les informations provenant des pays d'origine de ces mineurs qui permettront leur authentification.

Notre groupe soutient ainsi tout particulièrement la proposition no 3 des rapporteures, qui vise à renforcer la coopération bilatérale pour obtenir davantage de réponses des pays d'origine. De même, nous approuvons la proposition de donner à la mission relative aux mineurs non accompagnés du ministère de la justice la capacité matérielle et humaine d'apporter aux mineurs étrangers non accompagnés une aide juridique afin qu'ils puissent accéder à un jugement déclaratif ou supplétif, nécessaire pour accéder aux documents d'identité.

Une nouvelle fois, je tiens à saluer le travail mené par Laurence Dumont et Aina Kuric, les rapporteures de la mission d'information sur cette question : merci, mesdames ! Comme elles, notre groupe incite le Gouvernement à prendre des engagements forts sur ces sujets, en particulier au niveau bilatéral : c'est là qu'est le coeur de l'enjeu.

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