Intervention de Yannick Favennec-Bécot

Séance en hémicycle du jeudi 4 mars 2021 à 9h00
Politiques de la france au sahel

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYannick Favennec-Bécot :

Madame la ministre, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, chère Françoise, dont je tiens à saluer l'engagement à la tête de notre commission – dont j'ai le plaisir d'être membre – , mes chers collègues, nous pouvons être fiers de nos forces armées : elles sont l'honneur de notre pays. Il y a trois ans, je me suis rendu au Sahel avec une délégation de la commission de la défense, emmenée par Jean-Jacques Bridey. Nous avons pu rencontrer ces femmes et ces hommes engagés au service de la paix dans le monde ; nous avons pu partager un moment de vie avec cette grande famille soudée et totalement dévouée à sa mission ; nous avons pu mesurer la détermination de nos troupes et leur ardent désir de continuer le combat, en dépit de la perte de plusieurs de leurs camarades, pour lesquels je voudrais, à cet instant, avoir une pensée émue empreinte évidemment de reconnaissance – je n'oublie pas non plus leurs familles.

Parallèlement à la visite de deux bases militaires françaises – l'une située à Niamey et l'autre à Gao – , nous avons rencontré le chef des forces maliennes à Gao et nos homologues parlementaires à Niamey. Notre objectif était de mieux appréhender les origines de la crise au Sahel et ses facteurs de résolution.

Mes chers collègues, j'aurais souhaité que cette mission menée par des commissaires de la défense, débouche sur un débat au sein de notre hémicycle, mais il n'en a rien été. Depuis l'engagement de nos troupes au Mali en 2013, ce n'est que la seconde fois que nous débattons de l'engagement militaire français au Sahel : deux fois en huit ans, c'est trop peu au regard des enjeux.

L'opération Serval lancée au Mali pour enrayer la progression des djihadistes, devenue par la suite l'opération Barkhane, a conduit à une forte et longue mobilisation militaire française dans cette région du monde. Même si des succès tactiques sont à saluer, ils n'ont pas permis de mettre un terme aux origines du mal. Malheureusement, la situation sécuritaire sur place s'est dégradée, obligeant la France à inscrire sa présence au Sahel dans la durée et à élargir son périmètre d'action à un territoire vaste comme l'Europe.

Madame la ministre, seuls, nous ne pouvons rien ; ensemble, avec nos amis européens, tout peut devenir possible. Nous le voyons, nous le savons : la France n'a pas les moyens politiques, militaires et financiers d'assumer seule avec succès une telle opération au sein d'une zone aussi vaste.

Le caractère transfrontalier de la menace terroriste, notamment lié à la nature désertique de la zone sahélienne, requiert une action commune avec nos partenaires européens et africains, et notre approche doit être régionale.

L'opération Barkhane, qui repose sur une logique de partenariat avec les principaux pays de la bande sahélo-saharienne afin de favoriser l'appropriation par les pays partenaires du G5 Sahel de la lutte contre les groupes armés terroristes dans la région, s'avère beaucoup plus complexe que prévu.

Si certains ont appelé au retrait des troupes françaises dans la région, le groupe UDI et indépendants considère qu'un départ pur et simple serait déraisonnable et dangereux pour la paix. Lors du G5 Sahel qui s'est tenu il y a quelques semaines, le Président de la République a renoncé à réduire, dans l'immédiat, les effectifs militaires français au Sahel ; nous en réjouissons.

Pour autant, nous notons qu'il n'en a pas moins tracé les contours d'une stratégie de sortie, grâce à l'arrivée de renforts européens. Il est en effet essentiel que l'Union européenne s'investisse plus et mieux auprès de nos troupes françaises. Takuba, la task force européenne lancée l'année dernière pour permettre à l'opération Barkhane d'évoluer, doit monter en puissance.

Mais nous ne devons pas croire que la solution au Sahel est uniquement militaire : si les succès de nos armées sont réels, la faiblesse politique des pouvoirs en place dans certains États sahéliens et les défaillances en matière d'administration locale, d'éducation, de santé, de justice, parfois extrêmes, sont les meilleurs alliés des djihadistes.

C'est la raison pour laquelle nous devons accentuer notre action en faveur du développement de ces pays, encourager et soutenir davantage de projets structurants. Nous devons renforcer notre action civile et redoubler d'efforts pour les aider à recréer des services publics locaux.

Mes chers collègues, je voudrais conclure en vous appelant à la vigilance : nous devons avoir à l'esprit que d'autres conflits peuvent à tout moment nous mobiliser. Dans cette perspective, si la loi de programmation militaire 2019-2025 est un signal positif, son rythme, avec un report de l'essentiel de l'effort en fin de période, doit être accéléré le plus rapidement possible. Il est urgent de donner à nos armées les moyens d'être prête et à notre pays de ne pas avoir une guerre de retard.

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