Intervention de Françoise Dumas

Séance en hémicycle du jeudi 4 mars 2021 à 9h00
Politiques de la france au sahel

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Dumas :

En tant que présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, c'est surtout de notre action militaire que je souhaite parler, c'est-à-dire de l'opération Barkhane. Cette opération a fait l'objet d'une mission d'information de la commission que j'ai l'honneur de présider, et dont nos collègues Sereine Mauborgne et Nathalie Serre, corapporteures, présenteront les conclusions mi-avril.

Je souhaite tout d'abord saluer l'engagement de nos soldats au Sahel, où 5 100 militaires sont déployés pour protéger les populations locales, notre pays et l'Europe. Cinquante et un d'entre eux y sont morts pour la France depuis 2013 et, ce matin, mes pensées vont d'abord à leurs familles et à leurs frères d'armes. Pour leur rendre hommage, je souhaite évoquer les progrès majeurs que nous avons effectués au cours de l'année écoulée dans la foulée du sommet de Pau. L'année 2019 avait été très rude : le Rassemblement pour la victoire de l'islam et des musulmans – Al-Qaïda – était parvenu à étendre sa zone d'influence vers le sud du Mali, atteignant le nord du Burkina Faso, voire la Côte-d'Ivoire. Quant à l'État islamique au Grand Sahara – Daech – , ses membres s'étaient montrés particulièrement actifs dans la zone des trois frontières. Les forces locales et onusiennes, comme les forces françaises, ont lourdement payé le prix du sang, comme les populations civiles.

Mais il nous faut nous féliciter des progrès accomplis depuis le sommet de Pau. Ils sont le fait de trois facteurs : d'abord, le renforcement de nos propres moyens, tant humains, avec le déploiement de 600 militaires supplémentaires, que techniques, avec l'armement de drones Reaper qui ont accru notre puissance de feu et notre réactivité ; deuxièmement, l'accroissement de l'engagement de nos partenaires internationaux, d'abord avec Takuba, qui réunit des contingents estoniens, tchèques et suédois et monte chaque jour en puissance, mais aussi avec le soutien à l'opération Barkhane des forces américaines, qui ne s'est jamais démenti, ainsi que celui des forces britanniques, danoises et canadiennes qui apportent à Barkhane des capacités de transport indispensable au regard de la largeur des théâtres ; c'est, enfin, l'action des opérations multilatérales, la MINUSMA et EUTM Mali, qui pourraient sans doute être approfondies mais qui sont indispensables au quotidien, notamment pour conforter les forces locales. C'est là le troisième facteur explicatif des progrès constatés en 2020.

Même si elles demeurent parfois fragiles, les armées sahéliennes se renforcent. J'en veux pour preuve la participation toujours accrue des forces locales et de la force conjointe du G5 Sahel à des opérations communes de plus grande ampleur, étalées dans le temps et bien mieux coordonnées. Je me suis rendue au Sahel au lendemain de l'opération Bourrasque qui a mobilisé 3 000 militaires français, nigériens et maliens : les Français représentaient alors 53,3 % des effectifs déployés ; le ratio était déjà inversé au début de l'année 2021, puisque les forces françaises ne représentent que 44 % des effectifs de la nouvelle opération Éclipse. Grâce à de nouveaux modes d'action, nous avons collectivement remporté de précieux succès tactiques et fortement réduit la menace terroriste, notamment dans la zone des trois frontières. Nous sommes donc sur la bonne voie. Il faut en conséquence nous féliciter que le sommet de N'Djamena ait été l'occasion, pour le Président de la République, d'annoncer le maintien de nos efforts et, pour nos partenaires sahéliens et internationaux, de confirmer et conforter leur engagement.

Est-ce suffisant ? Certainement pas : comment laisser penser un seul instant que l'action militaire pourrait, à elle seule, résoudre une crise dont les facteurs sont avant tout politiques, économiques et sociaux ? C'est bien pour cette raison qu'une approche globale intégrée a été mise en place à Pau et confirmée à N'Djamena. Elle suppose de mener de front d'intenses efforts de développement et de diplomatie. Mais, surtout, elle suppose que les États sahéliens eux-mêmes reprennent pied sur leurs territoires respectifs et restaurent la confiance avec leur population. Pourront-ils le faire ? Le souhaitent-ils ? Sont-ils prêts à engager les réformes nécessaires pour atteindre ces objectifs ? Telles sont les analyses et les questions dont je souhaitais vous faire part.

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