Intervention de Bastien Lachaud

Séance en hémicycle du mardi 9 mars 2021 à 15h00
Élection du président de la république — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBastien Lachaud :

Le financement public permet de corriger une situation aussi grossièrement déséquilibrée en faveur de l'oligarchie. Il offre aux candidats qui n'ont pas d'argent la possibilité de présenter leur programme malgré tout, afin que ce soit le peuple souverain qui prenne la décision et non pas l'oligarchie qui déciderait de financer les candidats qui correspondent à ses intérêts mais pas les autres.

C'est une man? uvre grossière contre ceux qui ont déjà lancé leur campagne et qui la mènent seuls. Eux seront directement pénalisés par cette réduction du temps de campagne. Ce texte n'est donc pas technique, monsieur le rapporteur, mais un texte qui vise à empêcher certains mouvements politiques de faire campagne comme ils l'entendent, en menant une campagne longue, fondée sur un programme et non sur le marketing d'un candidat qui ferait irruption au dernier moment. C'est un choix politique et anti-démocratique.

Le texte, prétendument technique, a aussi connu un épisode navrant d'improvisation gouvernementale. Car quelle ne fut pas notre surprise quand le Gouvernement a déposé au Sénat, sans aucun débat préalable et surtout pas devant notre assemblée, un amendement de dernière minute visant à autoriser un vote par anticipation, amendement fort heureusement rejeté par le Sénat, ce que j'approuve, vous l'avez compris.

La recevabilité à géométrie variable des amendements d'origine parlementaire du fait d'une interprétation récente, abusive et arbitraire de l'article 45 de la Constitution, a permis d'aborder au Sénat la question du parrainage des candidats alors qu'on nous avait déclaré solennellement ici même, madame la présidente de la commission des lois, que les amendements s'y rapportant étaient irrecevables car hors sujet. Encore une preuve de l'arbitraire politique s'exerçant dans l'unique but de censurer des amendements de l'opposition sous couvert d'arguties juridiques. Il nous a donc été impossible en première lecture de seulement débattre de la proposition faite par la France insoumise d'inscrire la possibilité de parrainages citoyens pour la prochaine présidentielle : nous voulions que les candidats puissent être parrainés par 150 000 citoyens sans que cela ne remplace l'actuel parrainage par 500 élus, car les deux systèmes peuvent très bien coexister. Cette proposition n'est pas nouvelle : elle était déjà faite en 2012 par la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique présidée par Lionel Jospin, commission dont étaient membres, par exemple, un président de section du Conseil d'État et des professeurs de droits comme Dominique Rousseau. Rien, donc, de bien ébouriffant ! Quant au chiffre de 150 000, il permettrait de garantir la diversité des candidats : Philippe Poutou, Nathalie Arthaud ou Jean Lassalle ont tous obtenu plus de 150 000 voix en 2017.

Cette réforme serait simple à mettre en ? uvre : il suffirait de modifier l'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 qui a une valeur organique. Une proposition de loi organique a été déposée en ce sens, le 26 octobre 2020, et, plus tard, un amendement au présent texte, amendement que vous avez déclaré irrecevable, madame la présidente de la commission, pour un motif de toute évidence fallacieux puisque ce projet de loi organique va finalement modifier les conditions de parrainage des candidats ! C'est donc que nos amendements avaient un lien direct avec le texte !

Voilà pourquoi nous avons affaire à une loi de reniement démocratique, voilà pourquoi nous en demandons le rejet. Ce texte trafique les conditions de financement des campagnes présidentielles, et organise l'impossibilité pour les citoyens de participer au parrainage des candidats.

Pourtant, il serait plus que temps de rendre cette élection démocratique. Car la démocratie ne repose pas tout entière sur la seule possibilité matérielle du vote : il n'y a pas de scrutin démocratique sans une décision libre et éclairée qui permet d'exprimer la volonté générale. Or beaucoup de menaces pèsent sur la constitution d'une volonté générale libre et éclairée.

Ainsi, la réduction du temps d'ouverture des comptes de campagne va empêcher les candidats de présenter au mieux l'option politique de leur programme et réduire les possibilités d'éclairer la décision des électeurs. La présélection des candidats par 500 élus empêche un choix libre puisque ce n'est pas le peuple qui prend directement la décision : des candidatures pourraient être écartées faute de parrains en nombre suffisant, alors que la possibilité d'un parrainage citoyen les aurait rendues possibles.

Mais le risque principal qui pèse sur les différentes élections qui auront lieu en 2022, c'est l'abstention. En vingt ans, l'abstention aux législatives a progressé de vingt points. Dois-je vous rappeler les chiffres ? Législatives de 2017, 51 % d'abstention ; européennes de 2019, 50 % d'abstention ; premier tour des municipales de mars 2020, 55 % d'abstention, et 59 % au second tour, un record absolu ! Jusque dans quels abîmes d'abstention devons-nous encore plonger ? Le peuple ne veut plus des simulacres de démocratie. La grève civique prend de l'ampleur, un peu plus à chaque élection, et ce n'est pas la déterritorialisation des procurations qui y changera quoi que ce soit. Ce qui fera revenir le peuple massivement aux urnes, c'est uniquement la certitude que son vote change quelque chose, que le scrutin n'est pas volé, que l'élection est loyale et que la politique menée va changer après le vote !

1 commentaire :

Le 15/03/2021 à 11:34, Laïc1 a dit :

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La "science" des élections en est à son niveau premier, si ce niveau existe...

Pourquoi les gens votent tel ou tel parti, pour quelles raisons, sous quelles influences, pourquoi ne votent-ils pas ? Il n'y a pas la moindre explication scientifique.

Tout le monde sait bien que son vote personnel, perdu parmi des millions, a peu de chance de compter par lui-même. C'est donc un concours d'identification bête et méchant auquel on assiste : je ne me pose pas la question de savoir si mon vote va être pris en compte, je vote "comme les copains", comme "la famille", comme tel ou tel groupe, les élections favorisent évidemment le communautarisme politique, raison pour laquelle le pouvoir, s'il veut être réélu, ne peut pas vraiment lutter contre tel ou tel communautarisme, puisque c'est lui qui amène les voix, du fait du processus d'identification au groupe.

Comme la laïcité est l'ennemie du communautarisme, en raison du fait qu'elle oppose à la pensée du groupe la pensée de l'individu, donc la science, la laïcité devient ennemie du pouvoir politique, de son désir de capter le vote de telle ou telle communauté, et c'est pourquoi la laïcité, alors que l'on croit qu'elle est soutenue par le pouvoir, est dans les faits combattue, comme on le voit avec l'autorisation des doubles menus confessionnels, de la circoncision religieuse, de l'abattage rituel, tout ça pour capter les voix des communautaristes, qui votent "comme un seul homme", ou "comme une seule femme".

Ce faisant le pouvoir va se heurter à un autre groupe, celui qui refuse le communautarisme, ou plutôt qui oppose à ce communautarisme récent un autre communautarisme, plus ancien, plus historique, plus large, moins excluant, plus légitime, sur lequel l'idée de Nation s'est constituée, mais dans un esprit de concorde, pas d'exclusion et de discrimination, une communauté qui prend en compte l'individu, la science, qui est favorable à la démocratie participative, et non plus à la soumission au chef et à ses directives non scientifiques.

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