Intervention de Joël Giraud

Séance en hémicycle du mardi 18 juillet 2017 à 15h00
Règlement du budget et approbation des comptes de l'année 2016 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, chers collègues, nous examinons donc le premier texte financier de notre législature, et celui-ci porte sur le dernier exercice plein de la précédente législature.

Le projet de loi de règlement est une photographie de nos finances publiques et permet de prendre acte de la situation budgétaire de l'État en ce début de quinquennat.

Il n'est jamais, en l'espèce, très enthousiasmant de se retourner vers le passé. Pour parler simplement, ce qui est fait est fait. Pourtant, cet exercice de « retour vers le passé », d'examen rétrospectif de nos comptes publics, est indispensable pour identifier les pistes d'économies, pour trouver les moyens d'améliorer l'efficience de nos politiques publiques, pour éclairer le chemin du retour à l'équilibre.

Il existe aujourd'hui un consensus pour rehausser le statut de la loi de règlement et pour consacrer davantage de temps à son examen. Il est vrai, hélas, que le temps que l'on consacre aux lois de règlement est généralement inversement proportionnel à la quantité d'informations disponibles à examiner. Outre le projet de loi lui-même, plusieurs dizaines d'annexes nous sont fournies par le Gouvernement, conformément aux prescriptions de la LOLF : cinquante rapports annuels de performances portant sur les missions du budget général, les comptes d'affectation spéciale, les comptes de concours financiers, sept annexes développant l'examen des crédits et présentant l'exécution des comptes de commerce et des comptes d'opérations monétaires, le compte général de l'État, d'un volume de 290 pages, accompagné de son rapport de présentation, ainsi que le rapport sur le contrôle interne de gestion.

À cela, il faut ajouter les documents produits par la Cour des comptes : non seulement son rapport sur l'exécution du budget bien sûr, mais aussi les soixante-quatre notes d'analyse de l'exécution budgétaire, les fameuses NEB.

Tout cela représente plusieurs milliers de pages. Il est essentiel que, dans le cadre des activités de contrôle du Parlement, les rapporteurs spéciaux, qui seront nommés tout à l'heure, et la commission dans son ensemble se saisissent pleinement de ces informations précieuses. Nous soutiendrons les initiatives en ce sens que pourrait prendre le Gouvernement en vue de réformer notre gouvernance budgétaire pour accroître le contrôle parlementaire sur l'exécution.

Venons-en au contenu même de ce projet de loi de règlement. Une loi de règlement est l'occasion de répondre à deux questions : La situation s'améliore-t-elle d'exécution en exécution ? Les objectifs fixés par le législateur dans la loi de finances initiale, voire dans la loi de finances rectificative, ont-ils été atteints ? On peut répondre de façon positive à ces deux questions.

On voit tout d'abord que la situation s'améliore, assez lentement certes, mais elle s'améliore. L'article liminaire fait état d'un déficit public de 3,4 % du PIB pour 2016. C'est un taux encore trop élevé, mais deux fois moindre qu'en 2009, année qui a suivi les débuts de la crise financière, et au cours de laquelle le déficit public a culminé à un niveau record de 7,2 % du PIB. Le déficit structurel est environ égal à la moitié du déficit public. Il se situe actuellement à 1,6 % ou 1,7 % selon les hypothèses retenues par la France sous la précédente législature. La Commission européenne, quant à elle, l'estime à 2,5 %. Les hypothèses de croissance potentielle et d'écart de production, qui permettent de calculer la part structurelle du déficit, seront rediscutées à la rentrée, à l'occasion du projet de loi de programmation des finances publiques.

Quoi qu'il en soit, le déficit structurel se trouve encore à un niveau élevé. Par définition, ce n'est pas l'amélioration de la conjoncture qui permettra de le résorber, mais des réformes structurelles. Il peut s'agir d'économies, bien sûr, mais il peut également s'agir de la mise en oeuvre d'une politique plus efficace de lutte contre l'évasion et la fraude fiscales, qui nous coûtent 60 à 80 milliards d'euros par an. J'ai cosigné, monsieur le ministre, un amendement de notre collègue Émilie Cariou qui vise à créer une nouvelle annexe au projet de loi de finances consacrée à ce sujet déterminant pour le rétablissement des comptes publics.

On voit aussi, sur cette photographie qu'est la loi de règlement, que l'État porte l'essentiel du déficit public. De fait, son déficit budgétaire s'élève à 69,1 milliards d'euros. La tendance à la concentration du déficit public sur l'État s'est accentuée ces dernières années : en 2010, le déficit de l'État représentait 90 % du déficit public, alors qu'il en constitue aujourd'hui près de 98 %. Cela n'est pas dû à une mauvaise gestion de l'État, comparativement à celle de la Sécurité sociale ou des collectivités territoriales. Cela s'explique au contraire par le fait que l'État assume pour les autres le coût des politiques d'allégement des prélèvements obligatoires des entreprises. L'État a ainsi accordé en 2010 une dotation aux collectivités territoriales compensant le coût de la réforme de la taxe professionnelle. Et il verse également une compensation à la Sécurité sociale correspondant aux allégements de cotisations sociales patronales décidées pour réduire le coût du travail et soutenir l'emploi.

Malgré cela, la situation budgétaire de l'État s'améliore : depuis 2012, le déficit budgétaire de l'État a été réduit de 18 milliards d'euros. Il l'aurait été de 30 milliards d'euros sans les compensations supplémentaires versées à la Sécurité sociale : l'État a dû prendre à sa charge 12 milliards supplémentaires d'allégements de cotisations sociales décidés en 2014 dans le cadre de la mise en oeuvre du pacte de responsabilité et de solidarité. La photographie est même meilleure que prévu puisque le déficit budgétaire de l'État est moins élevé de 3,2 milliards d'euros que ce qui avait été prévu en loi de finances initiale, et de 0,8 milliard d'euros par rapport à ce qui avait été prévu en loi de finances rectificative.

Pour 2016, les recettes nettes du budget général se sont élevées à 300,3 milliards d'euros, dont 284,1 milliards d'euros de recettes fiscales nettes. Elles sont inférieures de 3,1 milliards, soit 1 %, à ce qui avait été prévu en loi de finances initiale. Les recettes sont inférieures aux prévisions, surtout en raison de l'impôt sur les sociétés – l'IS. Le bénéfice fiscal de l'année 2015, qui sert d'assiette, pour la majorité des entreprises, au titre de l'IS payé en 2016, avait été surestimé par le précédent gouvernement. Cette mauvaise nouvelle explique que l'évolution spontanée des impôts a été inférieure de 3,5 milliards d'euros aux prévisions.

Les dépenses nettes du budget général se sont élevées à 376,2 milliards d'euros, soit 310,7 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent les prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne, à hauteur de 19 milliards d'euros, et au profit des collectivités territoriales, à hauteur de 46,5 milliards d'euros.

Les dépenses, elles, ont été tenues, puisqu'elles sont inférieures de 1 milliard d'euros à la prévision. Mais ce résultat a été en grande partie atteint grâce à de moindres dépenses réalisées sur la charge de la dette – pour 3 milliards d'euros – et sur les prélèvements sur recettes – pour 2 milliards d'euros –, ainsi qu'a une augmentation des reports de crédits, pour 928 millions d'euros.

Les normes de dépenses de l'État ont également été respectées pour les mêmes raisons, avec une sous-exécution de 400 millions d'euros sur le périmètre de la norme en valeur, et de 3,6 milliards d'euros sur le périmètre plus large de la norme en volume. Cela représente une baisse de 0,93 % par rapport à ce qui avait été voté en loi de finances initiale, soit une différence très faible, à un moment où l'on discute de modifications de crédits en cours de gestion.

La dette de l'État, quant à elle, poursuit sa progression en 2016, à un rythme toutefois ralenti par rapport aux exercices antérieurs. L'encours de la dette a augmenté de 45 milliards d'euros, soit une progression faible par rapport au niveau d'endettement annuel moyen : 98 milliards d'euros de 2007 à 2011 et 62 milliards d'euros de 2012 à 2016. L'endettement reste un sujet de préoccupation. Sa maîtrise est essentielle pour garantir à notre pays sa souveraineté. Or, la situation de l'État est négative à hauteur de 1 200 milliards d'euros, selon les données de la comptabilité générale.

Je termine sur ce constat pour rappeler l'impérieuse nécessité de réussir le rétablissement des comptes publics sous ce quinquennat. Nous aurons l'occasion d'en débattre jeudi, dans le cadre du débat d'orientation des finances publiques. Nous pourrons ainsi, après avoir examiné le passé aujourd'hui, porter notre regard vers l'avenir, selon le principe du « chaînage vertueux » voulu par les promoteurs de la LOLF. En attendant, je vous invite à adopter le présent projet de loi de règlement. Ce n'est, après tout, qu'une loi des comptes : on peut changer l'avenir, difficilement le passé.

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