Intervention de Antoine Savignat

Séance en hémicycle du lundi 15 mars 2021 à 16h00
Protection des jeunes mineurs contre les crimes sexuels — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Savignat :

Pour la deuxième fois en quelques semaines, nous débattons d'un sujet qui nous concerne tous : le combat pour la protection des mineurs. Le 18 février, dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Socialistes et apparentés, nous avons adopté à l'unanimité la proposition de loi de Mme Santiago renforçant la protection des mineurs victimes de violences sexuelles. Nous discutons aujourd'hui de celle de la sénatrice Billon, adoptée au Sénat dès le 21 janvier.

Après la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, il nous est ainsi donné l'occasion de légiférer une nouvelle fois pour renforcer la protection des mineurs en créant des infractions autonomes réprimant l'acte sexuel commis par un majeur sur un mineur, infractions pour lesquelles les juridictions seraient dispensées d'interroger le consentement de la victime, au nom du principe fondamental selon lequel un enfant ne saurait être consentant.

Nous partageons évidemment tous cette volonté d'avancer. C'est pourquoi, dans une logique de coconstruction, nous avons déposé un certain nombre d'amendements en commission des lois dont nombre d'entre eux ont été adoptés – vous l'avez rappelé monsieur le garde des sceaux – , qu'il s'agisse d'étendre la définition du viol aux actes bucco-génitaux, d'inclure les mineurs dans la définition du viol incestueux, de modifier le champ des auteurs possibles de l'inceste. Le texte, partiellement réécrit en commission par le Gouvernement, a ainsi été considérablement amélioré par ce travail commun.

Il reste cependant un point sur lequel notre interrogation demeure, même si votre propos liminaire l'a partiellement éclairé, monsieur le garde des sceaux : la rédaction de l'article 4 quater et la question de la prescription.

La prescription, c'est la grande loi de l'oubli des rédacteurs du code d'instruction criminelle de 1808, celle qui doit assurer la paix publique. Nous le constatons tous quotidiennement : l'émoi suscité par la présence de victimes ne pouvant être reconnues comme telles dans le cadre d'une procédure est finalement plus important aux yeux de la société et suscite beaucoup plus de réactions que l'application de la prescription, de telle sorte que nous pouvons légitimement nous demander s'il faut faire évoluer cette dernière.

En la matière, il nous semble qu'il manque, dans la rédaction qui nous est proposée, une distinction, une hiérarchie entre les crimes et les délits, sans laquelle un délit sexuel commis sur un mineur pourrait faire l'objet d'une durée de prescription bien supérieure à un crime simple. En application de la règle des deux fois vingt ans, les poursuites pourraient être engagées jusqu'aux 58 ans de la victime. S'il n'est pas dans notre intention de minimiser la gravité des actes subis par cette dernière, nous nous interrogeons sur la pertinence d'une durée aussi longue.

Le deuxième point porte bien évidemment – mais vous nous avez dit que cela devrait évoluer lors de nos débats – sur le crime et la prescription du crime qui de facto pourrait aller jusqu'aux 78 ans de la victime d'un crime sexuel. Nous vous proposerons une autre rédaction, plus courte, rouvrant la possibilité pour une victime d'agir en justice dans les cinq ans suivant la condamnation de l'auteur des faits qui auraient été commis dans le temps de la prescription.

Parmi nos interrogations figure la question de la réitération que nous n'avons pas, sauf erreur de ma part, abordée en commission des lois. Nous avons le sentiment qu'une prescription trop longue a pour effet de faciliter la réitération. Dès lors que le crime est connu, que l'auteur est connu, il ne faut pas donner à la victime un délai trop long pour se faire connaître. Cela fait aussi partie d'un équilibre législatif.

En tout état de cause, et en fondant beaucoup d'espoir sur le débat qui va avoir lieu au cours des prochaines heures, nous soutiendrons bien évidemment ce texte que nous souhaiterions voir parfaitement clarifié. Nous souhaitons vraiment qu'à l'issue de la discussion nous puissions affirmer qu'avant l'âge de 15 ans, un mineur subissant une atteinte sexuelle de la part d'un adulte est systématiquement victime d'un crime sexuel, sans la moindre exception.

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